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Valérie Canat de Chizy

lundi 15 avril 2013, par Jean-Marc Undriener

extraits de Dedans la mer

Il faut ouvrir la cage à grands coups de respiration et d’assouplissements. Dans l’eau, les mouvements sont lents et harmonieux. Il n’est pas de plus grand silence que celui de la mer. J’écoute les battements du sang.

Le monde du silence est si beau et menaçant à la fois. Rassurant et peuplé d’ombres. Protecteur mais incertain. Une raie, un requin. Un coup de mâchoire. Sans bruit. Le sang attire d’autres prédateurs.

Aujourd’hui j’ai senti, à l’intérieur de mon ventre, comme un fœtus mort dont les racines me traversaient la peau. À l’extérieur, des gens au regard comme des tiges de fer tentaient de percer la membrane.

La boule se déplie et c’est mon père qui se relève d’un mauvais songe. Il était simplement resté un peu trop longtemps allongé dans sa chambre. La lumière entre à flots par les grandes fenêtres du séjour, se pose sur la table ronde en bois clair. Nous sommes assis l’un en face de l’autre et nous parlons en buvant du vin. Des calamars farcis cuisent au four. Dans le frigo il y a des chocolats liégeois.

Le silence. À quoi ressemble-t-il ? Dans mon souvenir, c’était un paysage de neige. Des bouches ouvertes d’où s’échappait de la buée. Puis ce furent des pics de glace transperçant le corps. Dans une pièce où plusieurs personnes parlaient tout autour sans que rien soit à saisir.

Cela remonte à très loin. Nous venons tous du silence. Épaisseur de la poche matricielle. Bercement du liquide amniotique. Nous venons tous d’une contrée surgie de nulle part. Du néant. Nous n’étions rien. Nous avons germé du silence, sans faire de bruit.

Petit à petit, nous sommes sortis, nous avons poussé notre premier cri. Il neigeait. Nous étions encore dans un monde ouaté. Mais la césure avait eu lieu. L’arrachement. Lame tranchante du scalpel. La première goulée d’air. Nous avons crié. Des formes se dessinaient devant nos yeux. Mais dans notre cœur, planté comme un couteau, il y avait ce cri.

L’oiseau chante et ce n’est pas une plainte. Le séjour est la pièce où se concentre le halo pas de plantes pourtant les feuilles courent le long des murs. Écouter les rumeurs de la ville, le murmure des âmes. Tout est question de vibrations.

Le silence, c’est pouvoir voir les pupilles du chat se dilater, et comprendre ce qu’il dit sans avoir besoin de parler.


Mini entretien par Cécile Guivarch

D’où vient l’écriture pour toi ?

Après les poèmes écrits au lycée, j’ai tenu un journal lorsque j’étais étudiante. Il y avait un besoin évident de coucher sur le papier une certaine souffrance. En maîtrise, j’ai fait mon mémoire sur Jules Supervielle. Je ne connaissais rien à la poésie, je me suis lancée, à l’instinct. Quelques années plus tard, un écrivain que je connaissais m’a mise en contact avec le directeur de publication de la revue « L’Instant du monde », basée à Montpellier. C’est là que tout a commencé. J’ai rédigé des notes de lectures, écrit des textes, que j’ai envoyés à des revues de poésie.

Comment travailles-tu tes écrits ?

Au départ, les mots sortaient tout seuls, il n’y avait quasiment pas besoin de les retravailler. Aujourd’hui, je suis plus attentive à la relecture, aux détails. Il m’arrive de corriger, de reformuler autrement.

Quelle est ta bibliothèque idéale ?

C’est la bibliothèque municipale de quartier, là où l’on fait des découvertes. C’est un lieu d’ouverture et de diversité, tant au niveau des documents proposés, que des genres littéraires et des thématiques représentés. Il y a aussi une diversité des publics ; des animations, des ateliers… C’est un endroit où j’aime me rendre ; moi qui lis beaucoup de recueils de poésie, cela me permet de m’ouvrir à de nouvelles perspectives.

Bio-bibliographie

Née en 1974. Études de lettres modernes, mémoire sur Jules Supervielle. Collabore à la revue Verso depuis 2005. Est bibliothécaire à Lyon.

  • La chambre des parents, La Porte, 2012
  • Créer l’ouvert, éditions de l’Atlantique, 2011.
  • Pieuvre, Jacques André éditeur, 2011.
  • Pierre noire, éditions de l’Atlantique, 2010.
  • Même si, pré # carré, 2009.
  • Fissures et voix, Encres vives, 2009.
  • Entre le verre et la menthe,Jacques André éditeur, 2008.
  • Il y a des lunes, Encres vives, 2008.
  • Le chant de l’ange, Encres vives, 2007.
  • La mer, peut-être, Encres vives, 2006.
  • Échos, Encres vives, 2006.

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