Extraits de « La brièveté d’être » à paraître en 2019
dans la Collection L’Orpiment des Éditions Le Réalgar
Deux ou trois salves de silence pour gagner les bois d’éclaircie et distancier toute langue marécageuse. La brièveté d’être ne doit jamais ébrécher nos lèvres, seulement nous obstiner à la parole nue.
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Au reste, que sommes-nous d’autres que funambules errants sur des lignes de failles à longueur de vie, attelés au grand vent qui surplombe l’abîme ?
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Cette infinie patience qu’il faut pour tenir à l’aplomb des nues, rester fidèle à la texture du cœur, à sa racine ensevelie dans la genèse du monde.
Avec ce peu immense dont nous sommes comptables.
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Parce que l’aube fut noire et que le ciel s’épuise à perdre souffle vif, il me revient de panser les nuées avec de maigres bandelettes de mots.
Quelquefois l’immensité balbutie un trébuchement comme pour désaltérer le jour, glissant alors un filet de clarté entre les bandelettes. Comme un baume. Très fin.***
Mais encore,
le temps qu’il faut, oui LE TEMPS QU’IL FAUTmâcher le doute
puis l’hésitation
avant d’étreindre la fraternité.***
Et toujours le poème en sourdine comme un imaginaire-source tenu par la mémoire
à un fil
qui tangue
au balancier de la parole.***
Le cri peut-il transpercer autre chose que la raison de celle ou celui qui le lâche ?
Est-ce qu’on lâche un cri comme on lâche une main ?
Le lâche-t-on ou l’abandonne-t-on ? Finalement.
Lâcher c’est tomber, c’est laisser. Laisser tomber.
Abandonner, c’est donner. Ou renoncer. Mais laisser tomber ou renoncer, c’est aussi libérer !Ecrire, c’est crier aussi.
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Alors continuer de forer le cœur, de le creuser, le travailler pour y puiser une once d’encre. Un éclat de lumière y dort peut-être entre les ombres de mémoire et la glycine d’aube.***
De front, à l’encoignure de l’œil, endurer la bénédiction des carences. Au loin un morceau de nuage tremble d’ondes promesses.
Le silence clame son innocence et tu cherches au large de toi-même le moyen d’apprendre le contentement minimal.
À la croisée des regards frôlés, la réalité continue de goutter son sens, à pas lents, hésitants mais certains.***
Et puis. Quelques mots tombés de la nuit. Tout blancs. Écrits comme un miracle à la poudre d’étoiles. Ni l’œil ni l’esprit ne peuvent les lire. D’une langue imberbe et sauvage qui réverbère à la lisière de la pensée des scintillements nus comme d’extrêmes rosées soufflées du grand mystère des aubes.
Qu’elles viennent !
Entretien avec Clara Regy
Ce questionnaire accompagne quelques-uns de vos textes et j’ai noté « Écrire, c’est crier aussi ».
À partir de ces mots, on peut se demander ce que c’est « écrire » : crier et puis ?
Voilà ce sera notre première question.
« Écrire », c’est d’abord s’élever dans les deux sens du terme : s’élever « pour » et souvent s’élever « contre », en ce sens c’est « crier aussi » parce que c’est dire de nous, se dévoiler, prendre position aussi. Mais « Écrire », c’est également s’élever pour se mettre debout, accéder à la verticale et s’approcher d’un ciel plus respirable. On y parvient quelquefois en boitant, en titubant, toujours en s’accrochant aux branches tendues par l’écriture.
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« L’écrit est la première parole et le dernier refuge. Quand plus rien ne se dit et que nul ne se touche, l’écriture offre encore la verticale des mots. Comme repères, comme traces ou poser ses pas dans la neige du jour. Pour avancer encore en se tenant aux épaules de l’alphabet. » (in « Secrets » - Ed. Sang d’Encre 2014 puis 2017).
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« Exhorter le poème
à dire encore
humble mais sûr
sa part d’éternité
même broyé par la rumeur.
Écrire
pour ne pas fléchir. »
(in « Un simple regard où habiter » co-écrit avec Emmanuel Merle
Ed. Sang d’Encre 2015)
Tout près un article sur vos livres d’artiste, alors auteur(e) plasticienne ? L’un des arts éclaire-t-il l’autre ? Ou est-ce un cheminement commun ?
Auteure presque toujours et plasticienne parfois. J’aime le partage, l’échange, l’enrichissement réciproque né de la dynamique impulsée par un projet commun. Celui-ci est stimulant et l’on apprend toujours de l’autre, ne serait-ce que lui donner de la place et être juste à la nôtre. Ce n’est pas toujours un apprentissage aisé selon les tempéraments mais c’est à chaque fois une expérience unique.
Vous aurez compris que les deux expressions artistiques s’éclairent mutuellement et que le cheminement est commun sans être forcément conjoint.
Le Livre d’Artiste est un livre singulier
qui conjugue la beauté en créant du lien.
Cependant je suis souvent seule à l’atelier et il me faut mener à bien l’enfantement puis la naissance d’un nouveau livre avec mes seuls savoirs. Seule, on est plus pauvre mais l’amour du Livre conduit aussi à goûter ce face à face avec la solitude et le défi de la création !
Écriture et lecture ? Puisque vous avancez cette proposition en quoi sont-elles liées ou peut-être distantes parfois ?
L’Écriture poétique est immense, multiple et inépuisable. Elle n’est jamais imposture : on écrit parce que l’on a quelque chose à dire, à délivrer à quelque endroit de notre mystère, à libérer pour alléger le pas ou l’affermir.
La lecture est toujours nourriture, source qui abreuve plus ou moins consciemment et nous conduit au temps d’enfouissement puis de maturation passé au filtre de nos intimes turbulences (ici seulement s’instaure la distance que vous évoquez dans votre question). La lecture est un réel creuset de l’imaginaire et forge l’alchimie de la filiation au sens créateur, pour ne pas dire artistique du terme.
Lecture et Écriture ont cette grâce de tisser ce lien, aussi éphémère que réel, un lien qui touche à la fraternité.
Éditer ? Un désir, un choix ? Quelle part donnez-vous à cette activité ?
Le désir bien sûr précède le choix qui néanmoins demeure :
Éditer, c’est porter à la lumière…
Éditer, c’est participer aussi modestement soit-il, à l’enrichissement de la vie culturelle, artistique et sociale du monde dans lequel nous vivons et dans lequel vivront les générations à venir. C’est d’une certaine manière apporter à d’autres de quoi se nourrir (intellectuellement, émotionnellement, et spirituellement …)
Les raisons de ce choix-désir sont multiples mais entre autres :
Sortir de la solitude d’auteure qui peut parfois conduire au repliement, pour rencontrer d’autres poètes, essayer humblement de faire communauté, d’élaborer des projets, de partager … ont été des éléments déterminants à la création de la maison d’édition.
Mais aussi porter la poésie, l’apporter, la présenter (quitter le « je » pour parler de celle des autres), la donner à lire et à entendre par le biais de lectures poétiques…, l’accompagner d’autres langages artistiques (peintures – sculptures…). Pour l’élargir, l’enrichir.
Cette activité est importante mais ne prend pas l’ascendant sur ma vie personnelle car elle reste annexe. La maison d’édition étant à statut associatif, j’avais encore il y a un an de cela, une activité professionnelle toute autre car vous le savez comme moi, nul ne vit de poésie (au sens financier bien sûr).
Et pour terminer l’habituelle question : trois mots ou quatre pour dire ce qu’est la poésie pour vous ?
C’est tellement… ! Qu’on la lise ou qu’on l’écrive, la poésie est comme un oiseau emportant notre âme et notre cœur au secret de ses ailes pour les laver au vent et les repeindre à la lumière.
Plus concrètement, elle est pour moi une respiration au sens profond du terme et un moyen de résistance.
Cependant la poésie ne peut rester prisonnière d’une définition. Par nature, elle s’en évade.
Biographie
J’ai publié depuis 1992 une quinzaine de recueils poétiques ainsi que quelques courts récits et la petite biographie d’un peintre lyonnais.
J’ai par ailleurs publié près d’une soixantaine de Livres d’Artistes avec différent(e)s plasticien(ne)s (peintres, graveuses, céramistes, sculpteurs…) et j’ai ainsi collaboré avec Juliette Beaudroit, Marie Chastel, Anne Guerrant, Josée Paquet, Florence Grenot, Elisabeth Bard, Michèle Bufferne, Claire du Plessis, Anne-Laure Héritier-Blanc, Laurence Girard, Gaëlle Guibourgé, Claude Ballaré, Catherine Liégeois, Danielle Berthet, Françoise Monnier, Pierrette Burtin-Serraille, Colette Reydet, Carole Penin, Jacquie Barral, Eric Demélis, Géraldine Dubois, Thésée, Martine Rastello et Hélène Dittmar.
J’ai également participé à l’aventure des Livres Pauvres de Daniel Leuwers avec six livres en tant qu’auteure et/ou plasticienne.
Quelques textes sont parus dans les revues LAPS, KIBLIND, BACCHANALES de la Maison de la poésie Rhône-Alpes, LIEUX D’ÊTRE, et LA VOIX DES AUTRES (n°5 de mars 2012).
Je suis membre de la Maison des Écrivains et de la Littérature (Paris), de la Société des Gens de Lettres (SGDL) et de l’ARALD (Agence Rhône-Alpes pour le Livre et la Documentation).
En 2005, j’ai fondé les Éditions SANG D’ENCRE spécialisées dans la Poésie contemporaine et le Livre d’Artiste.
Je participe régulièrement à des lectures en solo ou avec d’autres auteur(e)s et présente les Livres d’Artistes dans un certain nombre de Salons dédiés à ce type d’ouvrage.
Bibliographie
Poésies
- Couleurs d’encre, poèmes accompagnés des peintures polychromes de H.D. Lemercier (1992)
- Itinérances, textes poétiques et poèmes accompagnés des peintures monochromes de H.D. Lemercier (Éditions Geneviève Pastre - Paris - 1994)
- Zone d’ombres, Poèmes accompagnés par des monotypes d’Anne Brérot (Atelier JIVARO Editeur - 2004)
- Traces de l’éphémère, poèmes accompagnés par les encres d’Yvette Ulmer (Éditions SANG D’ENCRE – Collection Noir sur Blanc - 2006)
- Le ciel parfois trébuche, poèmes accompagnés des peintures de Juliette Beaudroit - (Jacques ANDRE Éditeur – 2007)
- Speranza, stances poétiques accompagnées de quatre œuvres sur papier d’Anne Guerrant et préfacé par Jack Chaboud (Éditions SANG D’ENCRE – Collection Noir sur Blanc - 2007)
- Limpidité du peu, textes poétiques accompagnés de quatre encres monochromes de l’auteure – Prix Amélie Murat 2010 (Éditions de l’Atlantique – 2009 / 2° édition Editions SANG D’ENCRE – 2013).
- Couleurs caravanes suivi de Corpus, poèmes accompagnés des pastels de Florence Grenot et des encres d’Elisabeth Bard (Editions SANG D’ENCRE – 2010)
- Secrets, textes poétiques accompagnés des encres polychromes de l’auteure (Éditions SANG D’ENCRE – 2013 – Réédition en 2018 aux Éditions SANG D’ENCRE accompagnée des Monotypes de l’auteure)
- Balafre fendue à la lèvre du vent, poèmes accompagnés des encres de chine de Gaëlle Guibourgé (Éditions SANG D’ENCRE – 2013)
- Ventoux - Au versant des saisons, coécrit avec Maryse Charrasse, poèmes proches des haïkus accompagnés par les encres de chine de l’auteure (Éditions SANG D’ENCRE – 2014)
- Traversée des silences, fragments de pensées au fil du chemin de Saint-Jacques de Compostelle accompagnées de quelques encres aquarelles de Gaëlle Guibourgé (Éditions Gros Textes - 2014)
- Un simple regard où habiter, poèmes co-écrits avec Emmanuel Merle accompagnés des encres et acryliques des deux auteurs (Éditions SANG D’ENCRE – 2015)
- Désemparer le désordre, textes poétiques écrits en hommage à la peinture de Françoise Monnier, accompagnés de quinze peintures de l’artiste (Éditions SANG D’ENCRE – 2016)
- 36 choses à faire avant de mourir, accompagnées des collages de Claude Ballaré (Éditions DROSERA – 2018)
Récits
- Lettres à l’inavoué, récit poétique (Éditions du Vingt Mars – 1995)
- Fragments, récits poétiques (Éditions du vingt mars - 1996)
- Le deuil de l’ange, récits (Éditions du vingt mars - 1996)
- La femme du silence, récits poétiques accompagnés des peintures monochromes de H.D LEMERCIER (Éditions Le vent sème où il veut - 2000)
- La bonté même, récit poétique (Éditions SANG D’ENCRE – Collection Opuscules - 2005)
- Journal de l’obscur, récit poétique (Éditions SANG D’ENCRE – Collection Opuscules - 2005)
- Les mots des morts, texte poétique accompagné des collages de Claude Ballaré (Éditions DROSERA – 2010).
Biographie
- François Dorias, peintre lyonnais 1855-1936, biographie (Éditions Les Amis de François Dorias - 1997)
Livres d’Artistes
Une soixantaine de Livres d’Artistes
