Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

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Françoise Urban-Menninger

mardi 1er janvier 2013, par Cécile Guivarch




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[lilas]le poème pour cri[/lilas]

nous faisons encore partie des vivants
mais pour combien de temps
quand nous fermons les yeux
nous les ouvrons sous d’autres cieux
où la mort en robe de lumière
danse sous les paupières

nous vivons cette vie
avec le poème pour cri
nous traversons les mots
entre chair et peau
jusque dans cette absence
où l’âme cueille les fleurs du silence



[lilas]mon père dans le silence s’est couché[/lilas]

corps rigide couleur cire
bout des doigts et des oreilles violets
yeux fermés et peau glacée
mon père dans le silence s’est couché
avec pour dernier mot un soupir

chaque pelletée de terre
jetée sur le cercueil en bois de chêne
creuse son absence et sème
de jeunes pousses de lumière
qui déjà nous éclairent



[lilas]peau de soleil[/lilas]

sous ma peau de soleil
je retiens le temps
dans le grain de chaque mot

mais la mort est un oiseau
elle picore mon âme
et le grain de ma peau



[lilas]ma mère au sourire carmin[/lilas]

les roses aux paupières de moire
se ferment le soir
sur l’ombre de ma mémoire

et de lourds parfums
venus de très loin
de l’enfance et de ses confins

se posent dans mon jardin
où ma mère au sourire carmin
m’attend sur mon chemin



[lilas]je t’offre Apollinaire[/lilas]

je t’offre Apollinaire
ces colchiques amers
que j’ai cueillis hier
à l’ombre des paupières

ils sont de cette saison
sans rime ni raison
où la mort est poison
et la vie déraison

je t’offre Apollinaire
la langueur monotone
de ces fleurs d’automne
qui empoisonnent mes vers



[lilas]première neige[/lilas]

première neige
qui floconne en silence
sous les paupière du ciel

neige fondante
légère comme un baiser
sur la terre mouillée

où un ange
en robe de lumière
est tout à l’heure passé



[lilas]l’étang[/lilas]

quand l’étang aux reflets noirs
revêt sa robe de moire
ne suis-je que cette ombre
qui lentement sombre
tel l’orage
sur ma page

ne suis-je que l’onde
que nul au monde
n’entend
si ce n’est cet étang
qui étrangement ondoie
tout au fond de moi




Mini entretien par Cécile Guivarch

D’où vient l’écriture pour toi ?

L’écriture est en moi, corps et âme. Elle m’irrigue depuis toujours, les mots et les images ont toujours généré en moi une rêverie telle que la décrit Bachelard. Sa définition de la poésie est l’une des plus belles qui soit lorsqu’il affirme qu’elle est « une rêverie qui s’écrit » !
Certaines de mes nouvelles ou récits restent dans le champ (chant) du poétique qui est aussi le territoire privilégié de l’enfance que l’on emporte avec soi où que l’on aille et qui nous aide à appréhender notre mort.

Comment travailles-tu tes écrits ?

En ce qui concerne le poème, un rien le fait affleurer sur la page blanche…Une clarté sur la nappe, un bouton de rose qui s’ouvre et c’est le sourire de ma mère qui m’emporte de l’autre côté des mots, dans le champ des possibles où la poésie est musique du silence. Pour mes récits, le souvenir restitué par une photographie, une odeur, une anecdote m’aident à renouer avec les réminiscences de cette enfance et de ses fantômes qui n’en finissent pas de hanter mes écrits…

Quelle est ta bibliothèque idéale ?

J’ai toujours sur ma table de chevet les nouvelles de Katherine Mansfield…Je relis au bord des étangs le texte de Virginia Woolf La fascination de l’étang, dans mon jardin à Kunheim j’aime à retrouver Paysages du ciel de René Schickelé mais je retrouve toujours avec beaucoup d’émerveillement Sylvia Plath, Dorothy Parker, Iris Murdoch et bien d’autres !
Je ne boude pas non plus le plaisir de me plonger dans un thriller de Patricia Mac Donald…En fait, j’ai des goûts littéraires éclectiques, la poésie est réservée à des lieux et à des moments privilégiés le plus souvent dans un jardin où l’âme est au diapason du ciel et vibre dans la pleine lumière des mots. J’accueille alors avec un grand bonheur les vers de Maximine, les écrits de Christian Bobin, de Kiki Dimoula, d’Antonio Gamoneda, de Catherine Pozzi , d’Apollinaire et de tous ceux et celles qui m’accompagnent sur les chemins de ma vie !

Françoise Urban-Menninger : Je suis née à Mulhouse le 26 avril 1953 et ai vécu jusqu’à 7 ans à Riedisheim avant d’habiter une maison de Cité à Mulhouse où j’ai passé mon bac de Lettres en 1971.
Ensuite, j’ai suivi des études de philosophie et de lettres à l’Université de Strasbourg.
Licence en poche, j’ai enseigné la philosophie au lycée de Munster jusqu’en 1979 puis ai travaillé au Relais Culturel de Thann où j’ai organisé des rencontres poétiques notamment avec Pierre Seghers et de 1982 à 1985, j’ai été attachée culturelle de la Ville de Mulhouse où j’ai été l’initiatrice des premières journées Nathan Katz et ai invité le poète Guillevic.
Par la suite, j’ai suivi mon mari photographe à Strasbourg et me suis occupée de mes deux enfants tout en publiant de nombreux recueils de poèmes, en participant à des récitals, des anthologies...
Aujourd’hui, je travaille à temps partiel au service éducation de la Ville de Strasbourg, anime des ateliers d’écriture (depuis 1980 déjà...), collabore à la revue Transversalles (anciennement Hebdoscope) en tant que critique d’art et à la revue Exigence-Littérature.
En 2006, j’ai été l’invitée de la Ville d’Izmir dans le cadre de la semaine de la francophonie et en 2011, j’ai donné une communication sur l’œuvre de Maximine à l’Université de Clermont-Ferrand dans le cadre du colloque « Poésie au féminin ». Je collabore depuis l’été dernier à la revue littéraire féministe « Le Pan Poétique des Muses ».
Je partage mon temps entre Strasbourg où je suis encore en activité et ma maison à Kunheim, village qui est le berceau des Urban du côté paternel où je peaufine mes écrits tout en jardinant !

Publications

  • A hauteur de vague et de parole, poèmes (St Germain-des-Prés, 1980)
  • Sur les bords de ma rime, poèmes (1982)
  • La confidence des abeilles, poèmes (1994)
  • Le temps immobile, poèmes (Editinter, 1996)
  • Lignes d’eau, poèmes (Editinter,1997)
  • L’âme éclose, poèmes (Pays d’Herbes, 1997)
  • L’or intérieur, poèmes (Editinter, 1997)
  • Les heures bleues, nouvelles (Editinter, 1998)
  • Encres Marines, poèmes (Editinter, 1999)
  • Fragments d’âme, poèmes (Editinter 2001)
  • Le château de vers , poèmes (Do Bentzinger, 2003)
  • Le rire des mandarines, poèmes (Pierron, 2004)
  • L’heure du jardin, poèmes (2005)
  • L’arbre aux bras nus, poèmes (Editinter, 2006)
  • La draperie des jours, poèmes (Editinter, 2007)
  • La Belle Dame, nouvelles (Editinter,2009)
  • Chair de mémoire, poèmes (Editinter, 2010)
  • De l’autre côté des mots, poèmes (Editinter, 2012)

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