Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

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Alain Brissiaud

lundi 4 juillet 2016, par Cécile Guivarch

A plus tard sembles-tu dire
la nuit vient sur tes yeux
et ton pas crisse
sur l’ombre blanche qui te prend

je m’éloigne du froid de tes lèvres
cherchant quelque chose en moi
à te donner
un espace infime
même

un bruissement

soudain
ton regard se répand
dans la lumière

Te laisse œuvrer sans contrainte
à l’extrême du blanc

plus de ciel mensongé
plus de faiblesse
une veine de voix irrigue ton front
d’une eau nouvelle

tu surgis du bosquet de cendres
nu

aiguisé

Plus tard tu avances éveillé
sur la voie des regards

tous connaissent ta parole
peuvent l’entendre
pourtant peu puisent
dans ce remous de mots

sur leurs épaules
la nuit s’est effondrée

Lorsque ta voix recule
d’autres s’emparent de ton corps
je le sais pour avoir extrait l’épuisement
la hargne
puisé au fond du poumon
qui ne sait répondre
qui sait
répondre
au froid cratère du doute

L’ile éphémère de la nuit
s’habille d’une plainte muette
formant
un chœur inaudible

au point d’intersection
une bouche
colle à ma chair
ton souvenir

asservi

Tu avances dans la brûlure de midi
entouré de poussière

depuis le bas du pré
tu viens
à grandes enjambées
près de moi sous les arbres

à ce moment
la vie
tient toute entre tes mains

je dois me souvenir de ces choses

Les débris de sa voix glissent contre la vitre
plus bas je la cherche
en-dessous
partout

pas d’adresse pour saluer sa venue
juste
un frisson de démence

au moment de parler elle fuit
déjà

Les livres posés en équilibre
sur le bord de la table
chantent le mal qui t’emporte

pourtant
des réponses palpitent
dans leur sommeil ivre

au creux de ce tumulte
la maison se débat
sans attention particulière
pour ces maigres
soucis

Cette idée de te savoir avec moi
autour
et dedans
à un moment donné
savoir les amitiés possibles

et
l’idée de te perdre
à un autre moment
savoir la rupture possible

que choisirais-tu

Ce qu’il advint Rosa des révoltes
ne pèse rien
ni lumière ni ténèbres
la servitude mord chaque jour un peu plus

et l’illusion de liberté Rosa s’accroit
à mesure du temps à mesure
de la peine
cela Rosa
tu ne le savais pas
tu ne pouvais imaginer
l’abandon du rêve

l’eau glacée s’écoule sur ta peau
Rosa
comme l’habit de notre
deuil

Non plus ce moment où tu t’avances
les cheveux défaits
tombant sur ton visage
le bras sur les yeux
le ciel dans un poing
ce moment où tu passes la porte d’or
parmi les flammes

un autre temps fait de rivages clos
anéantis

peut-être maintenant
dis-tu


Entretien avec Clara Regy

- D’où te vient l’écriture ? Peut-on dire qu’elle ait eu un « commencement » ?

Oui, cela a commencé pour séduire une fille dont j’étais très amoureux. J’imaginais que le rôle du poète serait l’arme fatale ! Elle vivait en province et j’avais l’aura du « parisien cultivé ! ».
Nous étions dans l’après 68, la tête pleine des récits de Jack Kerouac et des « clochards célestes ». Léonard Cohen chantait : So long Marianne, quoi de plus beau ?
Depuis cette époque l’écriture surgit dans l’émotion, dans la perte, la douleur et l’amour.

- As-tu des rituels ? Des moments « particuliers » d’écriture ?

Le rituel aujourd’hui consiste à m’asseoir devant l’ordinateur et à écouter mon cœur.
Il est plus difficile de reprendre le vieux carnet mais cela revient avec l’âge. Le moment particulier est celui de la chute ; quand quelque chose bascule en moi et me fragilise. L’absence a cette vocation, le bonheur me rend muet.

- Y a-t-il des auteurs qui éclairent ton « parcours poétique » ?

Claude Pélieu, ce camarade unique dont la vie ne fût que poésie. Et Allen ce grand amoureux et Dylan à la voix d’ange et Franck Venaille qui me fait pleurer et et et…

- Peux-tu en fait nous parler un peu de la Beat Generation qui semble avoir été essentielle pour toi ?

Je suis tombé dedans petit avec « la route » et tout ce qui l’accompagne ! Relis : Kaddish, comment résister face à ce flot fiévreux d’amour absolu. Claude a sublimé la transcription de l’américain et s’est coulé dans le verbe d’Allen. Ecoute Ginsberg chanter : Father Death Blues, cela ne dure que trois minutes cinquante mais tu vas trembler toute la nuit.

- Si tu devais définir la poésie en 3 mots quels seraient-ils ? ( et en 3 phrases ? )

Solitude : pour l’écrivain
Vitale : pour l’humain
Pourquoi : pour les autres !


Je suis né à Paris en 1949. Je suis devenu libraire après mon service militaire en 1970 et parallèlement éditeur. Je vis dans le Vaucluse.
J’ai longtemps été influencé par les poètes de la Beat Génération puis par les poètes réunis autour de la revue L’Ephémère. Frank Venaille me bouleverse, Jean Daive
me rassure... J’ai la chance de pouvoir écrire !

Un livre publié en 2015 : Au pas des gouffres, Librairie Galerie Racine.
À paraître cette année chez le même éditeur : Terre d’octobre/journal.

Aussi en revue : Phoenix, Les Hommes sans Épaules, Poésie / Première, Spered Gouez, Recours au poème...


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