Ce matin
imagine
un remède
à ta mine
calamiteuse
de ciel couleur
de terre
en faisant dépendre
ton humeur
de tout autre chose
que
tes insomnies.
Le vent
sans doute
la plus efficace
parmi toutes
les petites mains
du cinéma
aujourd’hui
alors c’était
ce régisseur
ascendant balance.
La pluie d’automne
et cette façon
d’éplucher
la lumière
de chaque
après-midi
comme
une châtaigne.
J’essorais
deux trois
bouts
de salade
quand tes doigts
raboutés
à la sauvette
sur
ma nuque
se sont mis
à tisser
comme ça
des toiles
encore plus
complexes
que
les araignées.
La nuit vide ses poches
le matin va
bientôt
s’amener par ici
pour un peu
toujours
la même litanie
des chevauchées
bouseuses et sauvages
au petit trot
pour un peu
chaque fois
la même mort prématurée
du paysage...La nuit vide ses poches
ces temps de patience
ont beau frémir
jusque dans le bol
de chicoré
seul petit luxe triste
de ces matins
où on s’arrache le foie
où on s’éclate le ventre
Papa est
de méchante humeur
pour changer
alors les hommes
les femmes
les enfants
qu’est-ce qu’il en sait
lui
Papa tout ce qu’il sait
alors
c’est que si t’ajoutes
un peu d’huile
A l’eau des pâtes
alors
tes pâtes
elles accrochent pas...
J’ai une mère
depuis hier
et ça
c’est seulement
depuis que
j’en ai eu assez
que tout le monde
me traite
d’orphelin
mais je vois bien
que c’était idiot
tout à fait idiot
même
cette envie
farfelue et soudaine
de concilier
les contraires
j’ai une mère
depuis hier
parce que
j’en avais assez
de me rendre
dans la vie
comme si je n’allais
plus
nulle part
oui mais voilà
à traîner avec
des chiens
on finit
par attraper des puces
des puces
assoiffées
de vitesse
et de nostalgies
et de nouveaux départs.
Ton sourire
c’est
comme
la rame
qui
frappe
les vagues
encore endormies.
Mini entretien avec Clara Regy
As-tu vraiment l’impression que l’écriture se soit imposée à toi un jour ?
Je ne sais pas. Il me semble plutôt que les choses se sont faites lentement et c’est souvent comme ça que ça se passe pour moi- je suis, hélas, assez lent pour tout. Presque par hasard- bien sur le hasard, on pourrait aussi et même très facilement dire que ça n’existe pas, qu’il n’y a jamais de hasard, juste des rencontres- presque par hasard, donc, je me suis retrouvé à « devoir » écrire pour un petit magazine des chroniques musicales à propos de tout un tas d’artistes pop, et là, au sortir de l’adolescence, j’avais dans les vingt ans, vous savez, alors c’était comme de poursuivre un rêve.
Peu à peu, je me suis à mis à écrivailler des trucs tous à peu près bricolés à la sauvette. C’était mauvais à ne pas croire, il faut bien l’avouer. Du reste « le fait d’écrire », je m’en souviens, je n’aimais pas bien ça, à l’époque. Non. Ce que j’aimais « là-dedans » c’était, oui, voilà, surtout le fait d’avoir écrit. « Le fait d’écrire » pour ces magazines, bien sûr, cela n’a pas duré très longtemps. En revanche, ma passion pour ces groupes pop a perduré, longtemps, très longtemps, elle. Elle perdure encore. Certains d’entre eux, je veux dire ces groupes pop-leurs histoires- leurs petites légendes personnelles- la somme d’anecdotes rapportées, par-ci par-là, dans les magazines que je dévorais- sont à l’origine de mon intérêt progressif pour la poésie et puis pour l’écriture tout court. Au bout d’un moment, vous savez, par la force des choses, je me suis dit qu’après tout, si eux- tous ces chanteurs-là, pouvaient le faire, ça : écrire, alors moi aussi j’allais le faire.
Mais pour être tout à fait honnête, si on suppose que je vous dois l’absolue vérité, en fait j’ai décidé d’écrire et aussi et surtout que pour lors une partie de mon existence allait devoir s’organiser autour de ça, le jour où j’ai vraiment compris à quel point la vie avait piétiné mes derniers rêves. Moi, dans le fond, tout ce que je voulais c’était…ahem…être un joueur de rugby amateur simplement passable et ça, même en insistant de toutes mes forces…Oui, donc, voilà. Nos vies ont beau être glissantes, après que voulez-vous, chacun doit suivre sa pente.
L’écriture advient-elle à certains moments plus « particuliers » ?
Pour moi, écrire c’est, je passe volontairement outre le travail en amont, ce que j’appelle mes petits repérages, toutes les notes, la somme d’impressions glanées sur l’instant- j’ai toujours un ou deux carnets avec moi et alors je…vous voyez…dès que quelque chose- une scène de rue-un bout de conversation et c’est là que ces choses surgissent en général, affleurent, là, au bistrot- dans le train- le métro, chez mon dentiste- mes dents, ah ça c’est freudien je crois, cafouillent pour un oui pour un non- que sais-je…dès que ça me tire l’oreille, m’attire l’oeil…enfin vous voyez, oui bon, bref, alors pour moi, écrire, c’est lorsque tout votre être arrive à se proposer avec conviction dans l’intervalle qui s’ouvre tout soudain et que la mélancolie a su vous ménager avec élégance, comme ça, juste le temps que. La mélancolie, je crois que c’est d’elle, non, dont vous voulez parler quand vous évoquez ces « moments particuliers. » Et la mélancolie, vous savez bien, elle vient quand elle veut.
As-tu ce que l’on pourrait nommer des rituels ?
Je n’ai pas vraiment de rituels…Mais je suppose que le recours imaginaire et systématique au petit salé aux lentilles implique tout un tas de rapports de force ritualisés.
Quels poètes ou romanciers ont te semble-t-il marqué ta vie ?
Il y en a tellement. Oui tant et tant. A une certaine époque, je suis devenu un lecteur d’une voracité incroyable. Mais, là, voyez-vous, je ne vais en citer que deux. Patrick Modiano et Richard Brautigan…Pourtant, le premier livre que j’ai aimé d’un amour tendre, au point de le relire jusqu’à dix-sept fois d’affilée, c’est « Les hauts de Hurlevent »…Ce livre-là…Pfiou…
Quels mots associerais-tu à celui de « poésie » ?
Solitude. Mélancolie. Voix. Relance. Contrepoint. Silences. Plan séquence. Intervalle. Oui. La poésie, à mes yeux, c’est tout ce qui est susceptible de ménager un intervalle où va s’engouffrer la vie, enfin, toutes les vies minuscules qui constituent cette immense mêlée sanglante et humaine que c’est, la vie. Voilà.
Benoit Jeantet
Je n’ai pas toujours été ce que je suis.
Au commencement, alors, je suis né.
Je suis né un 15 novembre et c’était en 1970.
Ensuite, alors, j’ai été un enfant. Un enfant tout d’abord élevé à l’ombre des contreforts pyrénéens. Ferme-vaches- chiens de bergers-atermoiements d’aoutats Et puis grandi sur le versant ouest de la butte Montmartre. Pavé luisant-funiculaire-bistrots de grand large- nightclubbing sur petit périmètre.
La butte Montmartre, bien sûr, c’est à Paris. C’est aussi à Paris qu’un peu plus tard, juste après une crise d’adolescence « normale », un deug d’Histoire tout bête et une licence de lettres classiques…classique, je suis devenu pigiste pour plusieurs magazines « culturels », voilà.
Ces diverses expériences m’ont permis d’écrire sur les musiques populaires et électrifiées, le roman contemporain et même sur le sport…Ah oui.
Aujourd’hui, je ne vis plus à Paris. Aujourd’hui, je me consacre presque exclusivement à la cuisson des quelques kilos de lentilles que je fais pousser à la sauvette dans les trois jardinières héritées de quelque arrière-tante- bref- je ne sais plus et puis aussi, parfois, à l’écriture, c’est vrai. Avec une préférence pour les fragments.
Bibliographie
- Revue Brèves (n°79) « Avant le remembrement » (Nouvelle) 2006.
- « Short stories ». (Nouvelles). Atlantica-Séguier. (2008)
- « Ne donnez pas à manger aux animaux au risque de modifier leur équilibre alimentaire. » (Récit) Atlantica-Séguier. (2010)
- « Dictionnaire du désir de lire. » Honoré Champion. Coécrit avec Richard Escot. (2011)
- « Nos guerres indiennes. » (Fragments) Publie.net. (Décembre 2015)
- Hors-Sol. (Revue numérique.) « Et dans l’ennui se torde » (Fragments publiés en feuilleton) 2013
- Le zaporogue n° 15. (Revue littéraire.) « La fille des rues. » (texte narratif court) 2014
- Ce qui reste. (Revue de poésie en ligne)
- extraits de « Il pleut dans tous les frigos du troisième étage ».
- extraits de « Ce matin est candidat à sa propre succession. »
- Hors-Sol (revue numérique) « Ici, c’est un peu le nouveau monde. » (texte narratif court publié en feuilleton) 2014.
- Le capital des mots (Poèmes) 2014.
- Revue Paysages Ecrits. (Poèmes) 2014.
- Revue Traction Brabant. (Poèmes) 2014.
- Revue Infusion. (Poèmes) 2014.
- Revue L’ampoule (n°14) « Les choses me reviennent. » (nouvelle) 2014.
- Revue Les tas de mots (n°17) Poèmes. 2015.
- Dix-sept secondes revue. (N°17) Poèmes.
- Le zaporogue n°16. « Il suffit que tu t’absentes deux jours, lapin, oui, deux jours pour que… » (Fragments)
- Revue journal de mes paysages n°2. « Mes séjours ici ou là attendent leur revanche. »