Nos cris de poupées sans bouches
10 poèmes choisis
Nos cheveux arrachés
nos robes délavéesoubliées sous le lit
lancées contre les mursla vie
et son rire méchant de gentille petite filleet nos cris
de poupées sans bouches
Seuls
dans la salle d’attentedes pas
derrière la porteles heures
et ce non rendez-vous qui se préciseles pages
des romans qu’on arracheles fenêtres
sur les murs qu’on dessine
Mes as
mes rois
mes valets
mes atoutstu m’as
tout piquéet jamais
je ne me suis senti aussi vainqueur
Roseraie
ronceraieaprès toi
quel jardin ?
La nuit
ces craquements sur le parquet
dans l’escaliermême en dormant
nous fuyons
Dans le cœur
souvent
les saisons se mélangenton se retrouve sur la plage
allongé sous la pluiedans les vagues verglacées
les sardines vociférant un prénom de soleil
Je cherche des mots océans
je cherche un chant marteaupour casser mon bocal
et te trouver enfinport
inconnu
familier
Le cœur en friche
et cette envie
de brûler tous ces beaux jardins à la française
A la casse
mon embrayage de sang
mes durites d’oxygènesi tu n’es plus
mon là-bas
En sortant de tes bras nus
une cigarette sur le balcon de l’hôtel rougele gris
de la maison d’en faceque l’on trouvait si beau
en sortant le chat
un cachou sur le seuil de la maison grisele rouge
de l’hôtel d’en facequelle en sera sa couleur ?
Entretien avec Clara Regy
C’est un retour chez « les Anges ».
Dans le premier entretien avec Cécile, tu as au détour d’une phrase proposé cette belle et grave formule « La poésie c’est l’art du doute ». Qu’en est-il aujourd’hui ? Ces années d’écriture ajoutées aux autres t’ont-elles fait changer d’idée (voire changer même) ?
Cette dizaine d’années m’a renforcé dans cette idée. À chaque nouveau poème j’ai l’impression que c’est le premier que j’écris. S’ils restent cohérents entre eux, c’est grâce à quelques vérités et postulats intimes.
Ce doute épais et visqueux s’évapore quand je sens que les mots, par leur musique et leurs sens multiples, prennent le poème en main, sculptent sa forme. Basculement étrange où j’ai plus l’impression d’être plus un passeur qu’un créateur.
Pratiques-tu toujours de multiples arts ?
Je suis musicien. Si je joue de la guitare, de la vielle à roue, un peu de piano et de la derbouka, je chante principalement. En ce moment, j’ai une formule de concert où j’alterne mes chansons et lecture de mes poèmes. Avec d’autres compositeurs, j’écris parfois des paroles pour des chants et des contes musicaux. Parallèlement, j’interviens dans les écoles primaires, sur temps scolaire.
Grâce à toutes ces activités, j’ai une pratique musicale quotidienne. Cependant, mes productions se tournent de plus en plus vers la littérature. En plus de la poésie, je me suis mis à écrire aussi des nouvelles (un recueil est à paraître en 2018).
As-tu fait des « découvertes » dont tu aimerais nous entretenir ?
J’ai l’impression que le monde de la poésie est infini. À travers des anthologies et les revues auxquelles je suis abonné, je découvre toujours des nouveaux poètes, qu’ils soient vivants, décédés, français ou du Monde entier !
Parmi toutes ces belles rencontres, je retiens la plus fulgurante : celle avec Jean-François Mathé. Je lis et relis tous ses recueils, ils me saisissent à chaque fois. J’ai l’impression qu’il déroule le même poème, bien sûr avec des éclairages différents, mais toujours avec cette douceur non dépourvue de violence. Sans bousculer, sans crier, sans en avoir l’air, il parvient à nous faire saisir les choses insaisissables, ces grains de poussière qui font la vie humaine. Ce qui pour moi est l’essence de la poésie et des arts. C’est une rencontre majeure dans mon modeste parcours artistique et bien au-delà.
Dans un échange tu as évoqué une sorte « d’isolement artistique et moral » que mets-tu derrière ces mots ?
Il s’agit d’abord d’un constat : rares sont les échanges et retours sur mes poèmes.
Cet isolement, je le ressens d’autant plus fortement que dans la musique, c’est tout le contraire ! Public, copains musiciens, élèves... Deux accords de guitare, une mélodie fredonnée et le partage est immédiat. Chaque moment musical est une sorte de confrérie éphémère.
Se sentir « seul au Monde » est toutefois un sentiment très agréable. Il correspond tout à fait à ma nature. Après réflexion, je crois même que je le cultive, ce statut d’« îlien » au milieu de la foule.
Et enfin (si tu veux) peux-tu définir la « Poésie » en trois mots » ?
Carrefour. Envers. Épiderme.
Sylvain Guillaumet est né en 1972 à Saint-Amand Montrond (Cher).
Il est auteur de poésie (cinq recueils édités) et de nouvelles (premier recueil à paraître en
2018).
Chanteur et musicien professionnel, il écrit aussi des chansons et des contes musicaux.
Il se produit actuellement dans La joue contre la vitre, formule-concert mêlant ses
chansons et ses poèmes.
Titulaire du DUMI (Diplôme Universitaire de Musicien-Intervenant), il intervient dans
les écoles.
Bibliographie :
Recueils de poésie
- A l’aurore de nos mains – Ed. Henry
- La joue contre la vitre – Ed. Echo-optique
- Dupuytren suivi de Couteau et cahier – Ed. Clapàs
- Corps de femme – Ed. Musimot
- En Brenne suivi de Bal-folk – Ed. Lacour-Ollé
Poèmes publiés dans les revues papier Torticolis, Tas de mots, les Écrits du Nord
(Ed. Henry), Contre-allée, Chroniques errantes (Atelier de l’agneau), Multiples,
Verso, Traction-brabant, Comme en poésie, Le coin de table (Maison de la
poésie), Franche lippée (Ed. Clapàs).
Poèmes présents sur les sites internet : Printemps des poètes, Terre à ciel.
Discographie
- Trio Rue des orties :
Les hameaux de la nuit
Un soir de grand vent
- Duo piano et voix : Les drôles de types … dans de drôles de chansons
Partitions
- Recueils de chants :
Va là où tu veux – Ed. Delatour
Chansons de métiers – Ed. Delatour
Mystères en Berry
- Contes musicaux :
Deux cailloux dans les mains – Ed. Delatour
Le carroir du grand chêne
Le temps de la récré