L’enregistrement va davantage vers le bas. Il y a un portillon à chaque entrée de la forêt et on ne sera bientôt plus rien. La fête où tu souriais va être homologuée. Nous avons tout rapproché de nos visages d’un seul coup. La course de nuit se fait dans des sous-bois transparents. La radio a l’air difficile. Les définitions sont dans le désordre.
Nous fabriquons des objets de deuil approximatifs et défectueux. Cette nuit songe obscurément. Nous plaçons le vélo à l’intérieur des membres et hop. Je constate avec effusion l’absence de tel ou tel objet dans le champ et je me réfère en général au langage. Un étonnement se produit toutes les cinq minutes. Nous avons encore de la neige à présent.
Nous nous déroulons. La température s’effectue en une seule fois. On réagit. Un coup arrive de tous les côtés puis nous devenons intéressants. On est intervenu trop tard dans la nature. Tel animal va à son endroit. L’eau demeure assise ou debout sur du papier. Ça conclut. Ça a la forme d’un tronçon de câble ou de cordon. Il y a encore autre chose.
La vue compose autrement ses objets. Les voici de façon géométrique. L’ongle est luisant contre les arbres. La sévérité déboule dans l’éducation d’un élément du décor. Les cloisons sont sans énergie. Un pneu se répand en élargissant de la gomme. Des largeurs de neige ou de pluie sont organisées. Un ou deux individus en forment soudain huit ou dix.
Je continue entre le sol et la face inférieure de la descente. La buée produit. C’est sombre. De la littérature pend. Nous calmons et éteignons un ou deux oiseaux en arrière. Un goudron pliable vient naturellement sous la main. Nous sommes dilués. À l’obscurité sont mesurés des poids. Deux échelles vont bien. Le plan démarre. L’étendue est souple.
Un relevé indique trois. La répétition des termes est irrégulière. Nombreux sont les draps de repos à la cave. Des sonorités améliorent. Un ustensile se déverse comme une chose admirable. Les étoffes connues sous ce nom sont utilisées. J’ai repoussé les environs en restant correct. Une émanation de terre mouillée est ressentie. Vous effrayez tout.
Je dors dans un temps suffisamment large. Tu sais garder le feu bien tiède. Ceci est au fond de ton récipient. Le sentiment revient en une phrase. Tu examines des sons. Personne n’est désigné par les parties de ton corps. Une parole à voix haute est préchauffée. Plusieurs degrés d’yeux sont actifs. Je jette des parois à travers un espace délimité.
J’installe un miroir chauffant à l’intérieur d’un mur. Ces objets sont à part. L’eau vient quand on la nomme. Une machine a enlevé un bras. Un bras a été enlevé par une machine. L’aspect mécanique ou nouveau du paysage est en plus. Vous faites de la place pour un ou deux personnages dont vous êtes. On arrive en ayant installé l’eau dans le fleuve.
Mini entretien avec Clara Regy
D’où vient l’écriture pour toi ?
D’assez loin dans le temps, comme tout le monde. De la découverte à quatorze ans des Chants de Maldoror, puis du Lautréamont de Marcelin Pleynet (ça faisait deux ou trois ans que j’écrivais des petits poèmes scolaires, là ça m’a décrassé), et, dans la foulée, des poètes maudits de Verlaine et du « bouquin Laffont » Rimbaud-Cros-Corbière-Lautréamont. De la lecture, quelques mois plus tard, de La Nouvelle poésie française (édition de 1977) de Bernard Delvaille, chez Seghers. L’imprégnation de tout ça. Bref, l’écriture vient de la lecture.
Comment travailles-tu tes écrits ?
En général, beaucoup, même si ça ne se voit pas forcément dans le résultat. Cela dit, travailler depuis une dizaine d’années avec un compositeur - Aurélien Dumont - m’a permis de prendre du recul et a modifié mon écriture. Il y a toujours une ou plusieurs contraintes, parfois serrées, mais elles peuvent aussi être très molles, et même ramollir en chemin, être à moitié abandonnées. Ça dépend du texte (ou de la série de textes, car c’est plutôt par séries à présent). Et puis je n’écris plus qu’à l’ordinateur, ce qui induit un regard différent, plus distancié, sur les étapes successives et les états successifs du poème.
Quelle part occupe la poésie pour toi au quotidien ?
Dans l’idéal, « nulla dies sine linea ». Un jour où je n’ai pas écrit est un jour perdu. Évidemment, il y a beaucoup (trop) de jours perdus. La poésie m’est aussi, à présent que j’ai à me colleter avec quelque chose qu’on pourrait appeler le syndrome de Lord Chandos (c’est-à-dire la difficulté à avoir une réflexion organisée et à la rendre en parole), un lieu réduit où je peux manier le langage en dehors de la pensée analytique et où cependant la structuration est essentielle pour qu’il (le langage) communique quelque chose. Et un lieu où il m’est possible de ne pas savoir ce que je veux dire avant de l’avoir écrit, où c’est en écrivant que s’élabore un sens parfois différent de ce que je pensais.
Quelle est ou quelle serait ta bibliothèque idéale ?
Bien difficile à dire. Mais on y trouverait Michaux, Lautréamont, les récits de Beckett et de Thomas Bernhard. Et bien d’autres, et de plus récents.
Quels sont les trois mots que tu associerais le plus volontiers à celui de « poésie » ?
langue - phrasé - corps
Né en 1962, Dominique Quélen est enseignant à Lille. Il a publié une douzaine de livres et fait des lectures ici et là. Il écrit aussi pour des compositeurs, notamment Aurélien Dumont.
- Bas morceaux, éd. Møtus, 1992
- Vies brèves, éd. Rafael de Surtis, 1999
- Petites formes, éd. Apogée, 2003
- Sports, éd. Apogée, 2005
- Le Temps est un grand maigre, éd. Wigwam ; 2007, publie.net, 2008
- Comme quoi, éd. L’Act Mem, 2008 ; La Rivière échappée, 2009
- Système, éd. Fissile, 2009
- Loque, avec des dessins de Tristan Bastit, éd. Fissile, 2010
- Finir ses restes, éd. Rehauts, 2011
- Câble à âmes multiples, éd. Fissile, 2011
- Des second & premier, éd. L’Âne qui butine, 2012,
- Les Dispositions de la loi, éd. Invenit, 2012
- Énoncés-types, éd. Le Théâtre Typographique, 2014
- Oiseaux, extraits, éd. Contrat Maint, 2014