Un silence s’est glissé
entre la table et la pluie
la vie s’épaissit
on crie sous les ombreson ne s’entend plus
un double de soi
circule à bas bruit
la peur résonnealors on taille ses crayons
à l’endroit du silence
à l’envers du mondese taire peut-être
Le jour s’ouvre - jaune
douleur à l’épaule droite
on repousse le remordson va on vient
oublie le paysage
puis le crayon
on voudrait savoirle vide se remplit
serré comme un café
au fond d’une tasseunique spectateur
on est déjà sur le départ
bientôt un souveniron ne sait plus
si il y a quelque chose à faire
quelque chose à direle soir on lave sa tasse
on se couche
plein ou pas - c’est selon
Au ventre du jour qui vient
la tendresse a tout submergéon a commencé à bercer
l’enfant roulé en soi
la vie presque perduece ne sera pas possible
ce ne sera plus possibleil fallait sans doute
commencer par là
mais on ne savait pason a vécu
tel un autoportrait
on s’est reflété
Climat d’adolescence
sur l’eau des marais
on circule à fond perduchapeau de paille
vissé sur la tête
oeil sur le bouchon`on sait déjà tout
de notre traversée
rien du temps accordé
La pluie raconte le toit
mieux que nos motsmême lire semble démission
du jour qui vient
de la mort qui approcheon écoute la vie couler
régulière - assidue
Comment dire merci
à la fin surtout
jours réguliers
silences parenthèseslà dans le fauteuil
un bougeoir posé
sur le chevetla bête sauvage
couchée à nos piedsquelques instants
on se fiche de tout
du temps qu’il fait
de ceux du dehorson est libre comme l’air
Le ciel coulisse
comme au premier jourdehors dedans
on ne sait plusl’air est sucré
l’eau murmuredepuis l’enfance
on ne pèse pasplus qu’un merle
toucher la terre
poser sa peinefaire le poids
s’envoler
Entretien avec Clara Regy
Ecrivez-vous depuis longtemps ?
D’aussi loin que je me souvienne mon rapport au monde est poétique et méditatif. Mais je me suis beaucoup contrariée !!!! Et je ne suis réellement au travail que depuis une dizaine d’années. La Poésie est enfin devenue le bain dans lequel je vis, respire, mange, dors, et si j’osais, la seule réalité qui m’importe, me rend vivante.Ce qui vous « fait » écrire ?
Écouter, voir, siphonner le réel, et le transcrire au plus près. Tenter de le restituer ! Sans doute une poursuite sans fond… J’ai souvent l’impression de travailler comme certains peintres, des notes sur le vif et l’atelier à suivre. Mais en simultané, comme en écho, une dimension existentielle, métaphysique (Aïe ! n’ayons pas peur) se tricote avec ce travail d’observation, de transcription. Je crois que mon travail d’écriture se situe à ce croisement, un œil dans le microscope, l’autre dans le télescope.
Les frontières sont devenues très floues entre la vie de tous les jours, le monde et l’écriture, telle une fin d’exil toujours fragile.
De façon plus souterraine, plus sombre aussi peut-être, j’éprouve la nécessité que « les choses » soient transcrites pour exister réellement, ce serait comme ôter un écran entre moi et le monde.Un recueil en cours ?
Je viens de terminer un recueil Le ciel coulisse. Le temps est au cœur du Ciel coulisse, le flux, le passage, mes passages, nos traversées. Ce travail est souvent à l’os, pour des raisons qui parfois m’échappent un peu. Sans doute un goût inné pour le vide, le silence, mêlé à un besoin de creuser une voie de simplicité, d’absence de superflu et de pathos.
Il me semble que l’emploi du « on » dans Le ciel coulisse est lié à cette voie, en tout cas, il s’est imposé pour ce recueil-là. Le grand inconvénient du « on » est bien sûr le masculin associé, ce qui aujourd’hui pose question, et voile mon identité alors que je fais un travail de dévoilement. Mais je n’ai pas trouvé mieux, à ce moment-là, pour tenter un propos universel, non nominatif.
Mon prochain chantier sera consacré à un passage particulier et sans doute construit différemment, même si la veine demeure…Pouvez-vous nous donner le nom de quelques auteurs/artistes qui peuplent ce que vous appelez votre « panthéon » ?
Des poètes, des peintres, des philosophes, des paysages, et de nombreuses amitiés. Parmi ces compagnons de voyage citons dans le désordre quelques poètes : Anna Akhmatova, Emily Dickinson, Louise Glück, François Villon, Paul Celan, Antoine Emaz, Charles Baudelaire, Sylvia Plath, Jim Harrison, Laura Kasichke, Alejandra Pizarnik, Bernard Noël, Ryokan, Issa, Shiki.
Pour le plaisir, j’ajoute deux citations qui m’accompagnent en cet été : Ecrire, c’est creuser dans du noir (Guillevic) et La poésie c’est la chair de la philosophie (Claudine Bohi)Si vous deviez définir la « poésie » en 3 mots quels seraient-ils ?
Dévoilement - Transcription - Écho
Nadine Buraud vit à Paris, après avoir passé 30 ans en Normandie. Elle vient du monde du Cinéma et fut tour à tour journaliste, directrice de production et de salles de cinéma.
Elle se consacre à l’écriture depuis une dizaine d’années, et participe activement à l’aventure des Editions des Carnets du Dessert de Lune, reprises en 2021 par la Factorie/Maison de Poésie en Normandie.
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