je tourne avec la Terre sur ces lignes loin de l’horizon
le ciel passe dessous_______la montagne se creuse
tout pivote et gravite
dans ce poème à plusieurs inconnuesle soir____à l’heure bleue des signes
dans une esquisse d’équilibre où le corps glisse selon ses axes
dans mes propres latitudes____je nourris le videles parcs la nuit sont emplis de la nudité des statues
– mon socle s’absente
je marche parfois je danse____j’écris____corps de fable
dans le jardin courbe du temps et des feuilles
aube lustrale
je nage dans une eau de soie lourdeplus de jour sans prénom
la seule migration des yeux
et ce qui viendra :
une sente au milieu des herbes torréfiées
le soleil____gutturalet si les îles s’effacent
comme un lent météore j’irais pleurer dans la mer
sel et sel
les bras en croix la terre tournera dans mon dosmoi
provisoire
noyé
de ciel
l’air a pris le goût de ton corps
son élan sur ma peau il faut penser à
oublier de parlerce qui glisse c’est écrire sans écrire
la petite foudre des secondes
vers les lianes de mon centredire_______ne pas dire
les minutes brûlées la langue du feu
la mongolie de nos souffles et le ciel du matindire_______ne pas dire
le paysage vide la mort annoncée
le monde – pantelant le nez dans l’herbe
à chercher d’où vient le ventl’air a pris le goût de ton corps
mon élan sur ta peau il faut penser à
oublier de parler
il y a eu un léger arrêt____comme un film qui saute
dans tes yeux____un rideau tiré
l’arbre du soir a encore ce vert d’émeraudeparfois____ la nuit est un atelier pour mourir
la terre colle aux mains de nos rêves
on va chercher plus loin
le plafond n’existe plus____le plancher est d’herbe et de vent
on suit le grand déraillement
un peu d’électricité au bout des doigtson attend que le volet s’ouvre d’un sourire
ce feu tranquille dans la forêt____nos visages
éclairés de cette ferveur athée aux couleurs de cadmium
même si le soleil passe par-dessus ton épaule
la tombée du jour se grave en toi
l’eau qui chute fait ce bruit quelquefois
il faut sortir les pierres
refaire le geste avec les mains
____et à chaque pas une échelle
tu te souviens des falaises
de ce parc étrange dans la nuit adriatique où tu comptais les lucioles
____et la pierre est dans l’arbre
____une flèche au milieu
c’est par la bouche que meurent les poissons
on reste des heures à regarder le torrent____ses lumières
tout attend autour____entre feuille et papillon
flèches de l’eau qui change____flèches____amour dispersé
ce qui s’accomplit____traits vers le large
– gravé dans la mémoire de l’arbre____ce qui n’a pas osé vivrela plupart du temps ton amour suit les pentes
mais parfois les poissons de ton corps s’éparpillent
image incise où se dessinent____avec ces gestes de leurs mains
les paroles intimes____la lumière au boutlumière des amants____gestes du vent
l’eau dans ses courbes____gravée____le creux de nous continue
dans les reflets loin déjà____la lumière au bout
des poissons sur la feuille
Note bio-bibliographique
« Un jour, j’ai senti qu’il fallait aussi que je m’affranchisse. Que je m’autorise.
Je regarde ce qui vient quand j‘écris. »
Jean-Marc Barrier à 62 ans, il vit dans l’Hérault, il se consacre à l’écriture et à la peinture, à la photographie et au théâtre amateur. Il continue de faire du graphisme, notamment des couvertures de livres pour des éditeurs parisiens, et des affiches culturelles.
Il anime un atelier d’écriture mensuel à Caux (Hérault) « La table d’écriture ».
Il co-anime une émission mensuelle « Les Arpenteurs poétiques » sur Radio Pays d’Hérault.
http://www.rphfm.org/-Les-Arpenteurs-Poetiques-.html
Bibliographie
Tombe la parole | Poème sur des photographies de Nicole Schmitt, dans le projet Codicilles, 2010, éditions Eole.
La Traversée | Poème et photographies, éditions Les Cents Regards, Montpellier, 2011.
Où suis-je ? | Livre d’artiste, poème et photographies, éditions Poem, 2014.
Western | Poème, avec une peinture de André Aragon, éditions La voix du poème, Lodève, 2014, collections Feuilles.
Farouche indécision des fleurs | Livre d’artiste, avec un dessin original de Charlotte Combe, éditions Galerie du Bourdaric, Vallon-Pont-d’Arc, 2014, collection D’un jardin l’autre.
En revues ou anthologies
Lever l’encre | éditions Le Clapas, Millau, 2011.
[petite] anthologie poétique au cœur de l’Hérault | éditions La voix du poème, Lodève, 2011.
Voir feuille jointe, 12 poètes et 12 plasticiens | éditions La voix du poème, Lodève, 2015.
En revues
in La main millénaire n° 6, 7, 8, 9 et 10 | Lunel, 2013, 2014, 2015
in Terre à ciel | Fragile indécision des fleurs, rubrique Paysages
Mini-entretien de Jean-Marc Barrier avec Roselyne Sibille
D’où vient l’écriture pour toi ?
Enfant, je lis : le monde enfin est large, surprenant, plein d’aventures possibles. Soulagement, respiration, promesses… Et les espaces de la rêverie sont plus larges…
Enfant, je trouve que les adultes ne parlent pas de l’essentiel. Je m’en étonne, je cherche depuis à créer des espaces et des lieux pour partager le sentiment de vivre, la force de celui-ci, sa beauté étrange et renversante. La poésie est un de ces lieux, avec le théâtre. On parle ici de ce qui est tu, ou muet, et souvent, c’est ce que l’on ne dit pas qui est important.
Et puis enfant, j’aime aussi les jeux de mots – le livre que je préfère dans la bibliothèque de mes parents, c’est Exercices de style de Queneau. Peut-être que la matière des textes – et pas seulement ce qu’ils racontent – trouve ici une vie propre…
Plus tard, j’écrirai des lettres à mes amis, verrai comme les mots s’agencent d’une manière imprévue et sonnent juste, éclairent ce que je vis, et j’aimerais cela, que les mots me précèdent, qu’ils jouent et parlent mieux que moi.
Je lis beaucoup de poèmes, toute ma vie je lis. C’est comme un gaufrage, une aire plus vraie, plus juste, une consolation vivace dans le théâtre de mes jours.
Et puis un jour, en 2009, dans un dénuement soudain, je pousse la porte d’un atelier d’écriture, et depuis, j’écris des poèmes.
Comment travailles-tu tes écrits ?
En ce moment, je décide de ne plus « peindre les murs en couleurs », d’être au plus près, même si c’est au plus près de ma pauvreté. Mais quelque chose est vif, qui veut dire, veut se dire. La couleur est là, j’essaie de l’honorer. Un poème, c’est comme un renversement.
J’écris sur des carnets, et quand je tape sur le clavier, je revois des mots, j’élague, je pousse le poème un peu plus loin, si je le peux.
Là, je me bats pour être vrai, pour voir « ce que j’ai dans le ventre ». C’est un peu entre moi et moi, de moi à moi. Ensuite j’aime que mes poèmes vivent, ce sont aussi des passerelles vers l’autre, vers un monde plus relié.
Quelle part occupe la poésie pour toi au quotidien ?
Elle est là. Elle est la trace constante de mon étonnement du monde.
Les livres m’entourent, les rêveries poétiques, mais aussi les amis de l’atelier d’écriture. Souvent je prépare une lecture en musique (sur poésie et peinture, ou des poètes aimés), un cabaret poétique ou des rencontres avec des poètes et des artistes qui nous font partager leurs passions de lecteurs. Je co-anime une émission mensuelle Les arpenteurs poétiques, sur Radio Pays d’Hérault, cela m’amène plus au fond du goût que j’ai pour un poète ; j’aime aussi tisser le poème et la musique… Récemment, avec Pierre Diaz, un ami musicien, nous avons monté un concert poétique sur les textes de Luiza Neto Jorge… Je rencontre des poètes pour des interviews brèves, mais denses, pour ces émissions. J’anime un atelier d’écriture mensuel La table d’écriture, à Caux, et participe à celui de La voix du poème à Pézenas. C’est comme un battement, un pouls bienfaisant, chaque mercredi soir.
Au quotidien, dans la solitude, de proche en proche, je découvre des poètes, des poèmes, je m’y sens bien, j’aime être bousculé, ou bercé. Et j’écris parfois juste une phrase, trace la plus fidèle possible d’une émotion.
Que t’apporte l’écriture ?
C’est là où je me sens le plus libre.
Un peu de sens dans la vie furieuse, un peu d’air ; une manière (furieuse aussi, parfois) de prendre dans mes bras cela même qui m’étouffait, m’encerclait, ou me dépassait (le beau, l’insensé, le terrible). Un retournement. Je me sens plus accordé au monde, tout existe autrement, je suis dans le tableau et en avant de moi-même.
Une manière de rejoindre l’autre. Nous sommes des îles, mais nous pouvons nous rejoindre, par les profondeurs. Par la médiation de l’écriture, je rejoins l’autre dans un lien pudique et impudique. Une manière de ne pas rater la vraie rencontre. Sinon, on passerait le temps à se frôler sans se toucher.
Le jeu avec les mots, la folie douce d’écrire, et surtout la vraie rencontre, voilà le propre de l’homme, dans son passage, comme un pied-de-nez, un entrechat dans la nuit.
Avec le poème, je suis à la pointe de moi. Je me sens vivant dans cette parole joueuse et grave.
Quelle est ou quelle serait ta bibliothèque idéale ?
Idéale ? Disons précieuse ou… aimée. Ce serait une bibliothèque vivante et changeante. Mais je sais que sur ce rayon-là, juste là, je serais sûr de trouver Rainer Maria Rilke, Octavio Paz, Antonio Ramos Rosa, Henri Michaux, Sylvia Plath, des pages du Rivage des Syrtes de Julien Gracq, des pages de L’inconnu sur la terre de JMG Le Clézio… comme des amers, des amis qui me tirent et me poussent, m’accompagnent, et me disent.
Quels sont les trois mots que tu associerais le plus volontiers ?à celui de « poésie » ?
Vrai / Libre / Large
photo : Françoise Marcheguet
(Page établie grâce à la complicité de Roselyne Sibille)
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