Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

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Stéphane Nowak Papantoniou

samedi 20 avril 2013, par Jean-Marc Undriener

[lilas]l’effervescence[/lilas]

l’effervescence
ça efferverve efficience
ça libère
l’ephèbe-science
ça zeste
ça fortex
ça sort
une vie en ex
ça plie
la bouche
sous une nappe
et juste dedans
un effervex
une moticide
un trident de l’antre
une varice de la langue
c’est tout dur tout mou
un dur rude trou
mou un trou mou tout
dur tour trou

une vésicule bouillonnante
et pour y accéder
une reptation
du tube verbale sous la langue
une face moine minimale
du dedans qui dépanne
derrière les dents

l’effervescence donne sens aux mots qui n’en ont pas



ANNONCIATIO IN VITRO

ELLE
penchée en avant, main au sol, ramasse des graines
Salut de l’innommé ou du nom oublié maintenant-maintenant (le doigt vers le ciel)

Placez la graine dans le coffre
Nettoyez vous les mains
Patientez jusque votre tour
Vous entrez maintenant dans une zone non sécurisée

Étirez la colonne. Visionnez. Tenez. Vous voyez le phare, le cri. La brume est épaisse, à fendre au couteau. La croissance a failli. Les résultats sont pire que prévu. Ne vous retournez pas, jamais. Vous en prenez au moins pour 10 ans. Demain il sera à chaque heure midi.
(marche, marche sans fin, immobile ou couvre ou couve)
---LUI
mains nouées, gorge en boule, liane de ses jambes aux genoux d’abord, aux chevilles ensuite

Un-deux, un-deux, plus tard, plus tard
E4-J7

Pourquoi pas allumer un feu pour contrer ce qui m’obsède ?
Revoir un diaporama.
Régler le rétroviseur.
Relire Balzac et mourir.
Revenir au cimetière.
S’acquitter de la facture.
Relier les dossiers
et garder un reste
pour la route au cas où
Tant de brouillard en journée
ça clignote partout, mal au dos, la nuit est partie
(la colonne comme un arc électrique)

Rayon éclair sur place nette// crépitement de bois brûlé
ça n’est pas comme un fracas mais ça clignote aussi, une intuition
de dos de face chaque jour là ne peut échapper
ça s’est passé il y a 27 jours, ça en durera 21, renouvelables un temps pour mûrir, un temps pour cueillir

Sur la route serpentante d’Athènes, longeant la côte découpée, oui plus que découpée concassée, émiettée, au km 21, près de la station service FINA près du STOP, elle tient la pompe à essence d’une main, se penche en avant, et touche le sol de l’autre main.
Lui, il compte les billets et raconte des histoires.
Bruit des voitures devant et du klaxon au virage.
Derrière, sans géniteur, une histoire est née.



[lilas]Solitude[/lilas]

c’est pas compliqué c’est pas compliqué tu trembles encore des matrices dans les tempes des images et des pub-licités et des images illicites et des paroles citées et de la météo récitée et de l’horoscope pressé et du téléachat reconditionné et des résultats du tiercé pressurisé et du cac 40 à 4 roues motrices dévoyées et des marques marks marked marquées ferrées actives sur cerveau bétail passif tu résonnes encore tu vibres encore des échos et des marques des empreintes tu es empêtré dans les boucles tu es emprunté pour tu ne sais plus jusqu’à quand on devra te rendre il paraît quand même à la fin tu te sens bouché comme un évier après usage comme un regard après les pluies alors voilà tu sens plus grand chose isolé dans ce bar désert empli d’images du bonheur et de publicités comfortantes les oreilles encore vibrantes et bientôt sollicités par des bavards intarissables à venir ton verre est vide comme ta tête qui est pleine comme la télé tu souffles dans la paille comme tu tires la chasse avec fermeté constance résolution détermination tu te vides le cerveau terminé et voilà tu es seul tu as fait ta solitude



[lilas]dans la queue[/lilas]

Je suis né le 1er avril 1972 de père créditeur et de mère endettée (les transactions sont invisibles et pourtant bien dicibles)

je fais la queue devant l’AlphaBank
j’échoue au concours décisif d’entrée dans la fonction publique (le décisif devient plus tard quand trop tard)
je manque le rendez-vous avec le philosophe (le plus grand (celui qui m’a appris les formes de vie (celui que j’ai pu lire en entier (celui que j’ai pu imaginer))) parce que je l’ai manqué ?)
je manque le rendez-vous avec le poète (celui que j’ai le mieux compris (celui que j’ai le plus imaginé) parce que je l’ai manqué ?)
je fais la queue devant l’AlphaBank il y a douze personnes devant moi (qui est le plus malheureux ?)
personne ne parle (si je n’obtiens pas l’argent est-ce que je tue ou me tue) personne ne bouge - un vieil homme sort en claquant la porte qui ne claque pas
j’ai honte d’être ici honte de mes pensées (comment l’argent a-t-il fait pour s’accaparer mon esprit ?)
je manque le rendez-vous avec l’employeur (pourquoi travailler pour l’administration alors que je vis sans administration ?)
je manque la manifestations pour les sans-papiers (pourquoi faire des papiers de pétition qui seront pulvérisés ?)
Organisme pour l’emploi de la main-d’œuvre à Athènes - Pôle emploi à Marseille : mêmes néons blancs en haut clignants - lino vert en bas crissant
je manque de discernement (pourquoi chercher le mot travail quand sa réalité n’existe pas)
je manque le rendez-vous avec l’ami (pourquoi ne pas répondre physiquement au mail alors que la réponse est psychiquement inscrite ?)
je manque le rendez-vous avec le médecin (pourquoi répondre à des questions qui vont générer des interrogations en rafale ?)
je manque l’avion à Athènes (pourquoi partir alors que déjà je ne suis plus là ?)
je manque la poignée de main avec le directeur du festival (pourquoi serrer ce qu’on veut desserrer ? - pourquoi cette tétanie devant les pinces ? - pourquoi cette fascination des crabes ? - pourquoi ce dégoût des huîtres ? - pourquoi cet aujourd’hui solitaire ?)
je manque la phrase d’après (pourquoi parler comme une déviation quand le sens reste interdit ?)
je manque l’enchaînement de la scène (pourquoi approfondir la nappe - pour s’y noyer ?)
je manque l’enfant avec le bras en écharpe (pourquoi se laisser traverser par les sentiments du miroir ?)
je manque l’emploi du temps (comment respecter l’horaire quand il ne vous respecte plus ?)
je manque l’emploi des temps (pourquoi employer le futur quand l’avenir a disparu ?)
je manque le nom des coupables (pourquoi dévoiler un secret si c’est pour perdre la force de son vile)

je fais la queue devant l’AlphaBank
je manque l’apprivoisement du chien (pourquoi le caresser si c’est pour bientôt le mordre ?)
je manque la queue du lézard (pourquoi les collecter les collectionner si ce n’est pas pour muter ?)
je manque l’entrée de la grotte (comment m’en souvenir si je n’accepte pas d’y perdre mon temps ma carapace et ma figure ?)
je manque le rendez-vous avec l’avocat (combien de nuits encore sur la paillasse ?)
je manque la négation (comment y revenir si c’est déjà passé ?)

je suis dans la queue de la banque Alpha (une ligne leu-leu fixe) j’ai un numéro n(je suis codé) j’ai des espoirs (hors sujets) des doutes (inefficaces) des soucis (qui coûtent cher) des rêves (qui gantent chèrement la vie)
je regarde mes pieds (ce qui me casse la nuque)
la foule est disséminée (les poissons sont épars) le gibier n’est plus là (les traces sont effacées)

je suis ici (je ne suis là)




Mini entretien de Stéphane Nowak Papantoniou par Roselyne SIBILLE

[/fond blanc]

D’où vient l’écriture pour toi ?

De très loin, de signes d’avant l’alphabet. Plus tard, des chocs, des rages. Des quiproquos, des malentendus, des lapsus.

Comment travailles-tu tes écrits ?

Il y a des moments nécessaires, à chaud. Il y a des temps aléatoires, à froid. Je relis, je repère des formes, je malaxe, j’homogénéise.

Que t’apporte l’écriture ?

Pas réussi à m’en passer.

Que t’apporte la lecture à voix haute ?

Une manière, comme dit Heidsieck, d’« arracher le poème à la page », de le mettre debout. C’est aussi une manière d’écrire ou de réécrire puisque je ne lis pas toujours ce qu’il y a écrit sur la page pour des textes « en cours ».

Quelle serait ta bibliothèque idéale ?

J’ai renoncé à l’édifier. Ce serait une bibliothèque très mobile qui rassemblerait les compagnons du moment.

Biographie

Stéphane Nowak Papantoniou est écrivain, lecteur et performeur. Né en 1972. Nombreuses interventions performatives notamment au CIPM, au NOTOPO de Limoges, au festival de vidéo expérimentale, à Actoral, au festival Voix de la Méditerranée de Lodève, aux Instants video...
Une trentaine d’interventions publiques en 2012.

Conçoit chaque intervention comme une expérience unique et une tentative d’expiration du sujet. Stéphane Nowak Papantoniou préfère la poésie expirée aux joies de l’inspir. Se trompe volontairement de vocable lorsqu’il vise en plein centre le mot juste. Activiste erroriste les jours impairs. Son travail d’investigation poétique travaille sur l’erreur et l’expiration du sujet.

A publié Plaine des sports à la suite d’une rencontre avec un mur de béton aux empreintes de bois.

www.nowak-papantoniou.net

Bibliographie

  • La plaine des sports, Al Dante, 2011
  • Tentaculeux et tuberculaires, Al Dante, 2013

En revues :

  • Introduction à la nanolinguistique, Cahier du refuge N°191, CIPM
  • Error, erroris, errorisme, Contre-attaques N°2, Al Dante
    • Poésie in vitro, Attaques#1, Al Dante

A propos du dernier livre : Tentaculeux & tuberculaires

Le projet « Tentaculeux et tuberculaires » est un amas de textes initialement écrits entre 2004 et 2012. Retravaillés entièrement et unifiés, ils témoignent d’une perception de renforcement des puissances d’enfermements ainsi que des tentatives de fuite tous azimuts.
A la fois textes scandés et répétitifs pour énerver comme l’essoreuse d’une machine à laver, et tentative d’écrire ce qu’il faut bien appeler une histoire : celle d’un enfermement multiforme et de l’échec des substances miracles pour y remédier.
Il est donc conçu pour être lu intégralement pour éprouver la rencontre des nouvelles tentacules (la télé, l’argent, les marchandises...) et des tubercules qui poussent, énervent, témoignent de dislocations.
La plupart des textes ont été lus à haute voix lors de différentes manifestations.
Le titre même Tentaculeux et tuberculaires est un brouillage volontaire et « erroriste » de la qualité des adjectifs en travaillant à une complication du rapport actif/passif qui leur est assigné.

Plus d’infos sur le site de l’éditeur : www.al-dante.org

(Page établie grâce à la complicité de Roselyne Sibille)


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