Extraits du Recueil Exercices d’existence : 365 Principes vitaux, Méditation des 99 noms de l’amour, 365 Résolutions
365 principes vitaux
(Extraits)
Principe 51. Tout contour, parfois formé d’une seule lettre ou même d’un point, d’un trait sur l’écran où il était projeté, était déjà un « ornement » suffisant, donnait la forme, extérieure, recherchée.
Principe 52. Regarder sans peur et sans jugement la fine démence s’installer, puis se replier.
Principe 53. Révolution permanente, le geste d’une vie qui s’accomplissait dans la répétition à fin de transgression de sa condition.
Principe 54. Il y avait toujours un extérieur, une autre version des faits qui insistait, voulait être approchée.
Principe 55. Vivre de telle manière que les pensées fussent émises et retenues parce qu’elles contenaient le souffle de l’assurance.
Principe 56. L’assurance était une forme de beauté.
Principe 57. Décrire l’écran (ou le ciel, ou la haie) entre « moi » et le jeu du monde ; décrire ce lieu où le jeu du monde sur l’écran du moi était projeté ; décrire ce lieu où le jeu du moi sur l’écran du monde était projeté.
Principe 58. Changer d’habitus.
Principe 59. Le silence était beau, il avait lui aussi sa clarté qui reposait de la gangue un peu obscure d’un sens que je ne parvenais jamais à tout à fait saisir.
Principe 60. Le silence était un puissant instrument de régulation.
Principe 61. Adorer recommencer un même geste, revivre un même instant. Il n’y avait aucun mal à se répéter.
Principe 62. S’entraîner à aimer les fins et les expressions brutales, puisqu’aussi bien rien ne pourrait s’opposer, le moment venu, à la mort, « brutale ».
Principe 63. Rechercher les dissonances ; la dissonance était la réalité du son – chaque son, individualisé, résonnait dans son identité propre et c’était cela, cette différence, qui était recherchée ; aussi, frapper l’esprit pour l’amener à se saisir d’un objet ainsi précisé dans sa sonorité.
Principe 64. Désir, recherche, d’une conversion, ce moment où les signes parlaient. Ce que je souhaitais parfois, qu’elle demeurât inexplicable, bien que très vivante, solidement attelée au corps-pensée.
Principe 65. Comme un très ancien tatouage enfoui dans la peau du langage, le silence était doux, vigilant, paradoxalement, dans son retrait.
Principe 66. Faussement inimitable le bleu du ciel dans le bleu du tableau — imaginer mêmes pigments retrouvés, minéraux allant leur chemin, jusqu’à former une fine ligne au contour bleui ; de la même façon savoir me retrouver (comme si les phrases étaient minéraux issus de la réalité).
Principe 67. Reconnaître et admettre l’inanité de la promotion du néant permettait de gagner l’assurance d’une possible liberté.
Principe 68. L’oreille était tendue vers le chant des oiseaux (la joie de les savoir présents ne faiblissait pas).
Principe 69. Vivre intensément, mais froidement.
Principe 70. La beauté, chose mentale, était le déplacement d’une norme, ancienne, dans un espace renouvelé.
Petit entretien avec Clara Regy
D’où « vient » votre écriture ? Avez-vous des rituels, un cheminement particulier ? Pouvez-vous dévoiler les thèmes qui guident vos choix d’écriture ?
Je voudrais ici parler de mon besoin de réécrire, sans cesse réécrire ce qui a été écrit. C’est là que j’aime le travail d’écriture, dans ce chemin où ce qui est recherché est l’apparition d’un sens nouveau qui va « trans-former » une forme, la faire se déplacer vers une forme seconde encore/« toujours », dirait Valéry, en train d’advenir.
Mettre en poésie veut dire soumettre au travail d’écriture/réécriture un matériau qui n’est pas identifié, reconnu a priori. Dans 365 Principes vitaux, je prends le pari de déclarer matériaux poétiques des objets qui ne sont pas naturellement associés au domaine poétique. Pensées, discours entendus, lus. Récemment j’ai commencé de travailler à un recueil qui serait composé de parties de discours existants, de discours philosophiques notamment (il y aura cependant d’autres lieux de « prélèvement »).
Ce sont des manières de « se devenir autre », projet que je ne sais assumer qu’à travers l’écriture.
Le travail a lieu pour qu’un sens advienne, se déplace, et qu’émerge une configuration, une insistance nouvelle. Qui soit partageable. Je souhaite m’adresser à qui pense en moi, en vous, à ce qui peut faire « jardin » commun. Michel Foucault parle du texte littéraire comme d’une hétérotopie.
Parallèlement à ce travail sur ce qui serait la proposition d’un jardin intérieur commun, dans mon dernier recueil intitulé Exercices d’existence, il y a une partie consacrée à une écriture peut-être plus traditionnelle, qui poursuit la production d’un « récit de vie », d’une « expérience intérieure ».
Quels sont les auteurs qui ont pu être déterminants pour (ou dans) votre écriture ?
Du plus loin que je me souvienne, je n’ai jamais eu ce que je pourrais appeler une référence poétique unique. J’ai toujours lu, et je continue de lire, les recueils les plus divers. De même ai-je toujours opéré ces prélèvements dont je parlais à l’instant. Je me confronte à cette attirance en moi d’un écho qui me ferait émettre à mon tour un signal. Les poèmes sont des signaux. Au-delà, des appels à conversation.
Je lis des poètes de langue française, américaine, anglaise, castillane, russe, des poètes de l’Orient, d’Europe, de partout, des ouvrages représentatifs de plusieurs courants poétiques, qu’ils soient objectivistes, lyriques, formels. Je lis de la L=a=n=g=a=g=e Poetry, je lis des Mystiques aussi.
Et enfin dernière habituelle question : pouvez-vous définir en 3 ou 4 mots ce qu’est la poésie pour vous ?
La poésie est une aventure intérieure collective.
La poésie est un paradoxe.
La poésie est un amour des espaces ré-formés.
La poésie est un exploit. Elle montre (elle est visuelle), elle ressent (elle s’adresse à la pluralité des états émotionnels qui sont en nous), elle exprime (un dire doit s’y agiter).
Bibliographie
Revues :
- En une averse au sein d’un été, Comme en poésie, juillet 2018.
- Le chemin du fou varia, Le Capital des mots, juin 2018.
- L’Oiseau, Éditions Atelier de l’agneau, collection « Poème du jour », 96, 2014.
- 6 poèmes, L’Intranquille, Éditions Atelier de l’agneau, n°4, printemps-été 2013.
- Comment m’échapper de ce là, Filigranes, 81, 2011.
- Dossier spécial Argentine, « 6 Destins sud-américains », L’Intranquille, Éditions Atelier de l’agneau, n°6, mars 2014.
Livres :
- L’écriture est un espace où s’appartenir, Édition Chloé des Lys, Liège (compte d’éditeur), 2016.
Susana Romano Sued, Pour mémoire Argentine (1976-1983), trad. Anne-Charlotte Chasset et Dominique Minnegheer, Éditions des femmes-Antoinette Fouque, 2017. [Appui du CNL à la traduction. Prix de traduction Venus Khoury Ghata 2017. Poezibao, Recension par D. Minnegheer de Pour mémoire Argentine, juin 2017. Idem, Le Matricule des Anges, avril 2017.]