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Anne-Marie Bernad

mercredi 12 juin 2013, par Cécile Guivarch

Extraits de Haïti

C’est à croire
que la terre a ouvert ses bras
le sang se tait
pour que parlent les larmes
évidence d’un coin
enfoncé dans la chair
de ceux qui restent



Ainsi la mort
se pose en tas
sur la déchirure innocente
des trottoirs désossés
Le temps arrêté
sous les ruines
ronge la chair
à main nue



Ceux qui cherchent
les dents serrées
remuent des pierres criminelles
avec des yeux de sang
blessure ouverte
dans le silence de l’effroi



Parfois
la main s’impose
dans la rigidité du jour
chaude ou froide
la force surgit
des tombes éclatées
Le cri se tait



L’errance
cherche dévastée
l’enfant sauvé au corps
bouclier de tendresse
l’autre
au hasard



Rien
n’a de cri
que survivre
à la gueule du monde
aux films des trottoirs
aux rues inanimées
jour et nuit
chapelet qui se vide
comme sang écoulé
entre les pierres blanches
jusqu’à l’ultime respiration d’être


Mini entretien avec Cécile Guivarch

D’où vient l’écriture pour vous ?

Toute jeune j’écrivais au creux de ma chambre avec le jaillissement d’une source vive, avec passion. C’était ma révolution, l’intime de ma vie, les secrets de ma jeunesse. Puis en lisant, en écoutant, les mots sont montés jusqu’au cœur. J’ai alors compris que le sens des mots me donnait la vie, me permettait de respirer plus fort, plus haut, plus vrai et ce fut l’abondance.
Je rencontrais alors, des passeurs de poésie, qui m’ont donné à lire les grands poètes : ces poètes que l’on n’étudiait pas au collège et il me semblait alors « que je savais faire » Un grand ami me poussa à écrire, puis à publier, ce furent les « Mots tombés » puis toute une série de recueils suivirent, tous venus de mon contact avec la nature, qui me permettait d’exister auprès des arbres, de l’air, de l’espace, de la terre, et de l’eau. Ces thèmes connus prirent vite un ascendant sur moi au point que je trouvais en eux une occasion de transcender « les choses », de leur donner un pouvoir, celui de nous aider à écouter la parole des feuilles, du ruisseau. Tout me donnait le « la » et comme un chef d’orchestre attentif, j’écrivais soudain une partition difficile à traduire, mais le bonheur de créer me portait au bout du chemin.
Sortie du nid, anéantie par la routine de la vie, soudain je soulevais un monde dans l’innocence innée d’un don qui me donnait un nouvel espace.
Ainsi je vécu en poésie, une suite ponctuée par des rencontres, au fil des ans, avec de grands poètes contemporains comme Hubin, Guillevic, Jabès, Bonnefoy, Noël, Bancquart, Gamoneda et bien d’autres que j’admirais et qui m’ont donné, encore plus, l’envie d’écrire.
L’œuvre de Joe Bousquet, de Jabès, Jaccottet me tiraient vers d’autres cieux.
Mes poèmes au fil du temps se sont resserrés « comme pour dire l’essentiel, en suspens au bord de l’indicible dans le jaillissement de la vie, aux abords de la conscience originelle » dira un ami philosophe.
J’essaie de chercher, au plus profond de moi, cette force, de l’humain et du divin, qui nous habite, qui fait jaillir ces mots que j’ai la joie de partager, avec ceux qui aiment la poésie.

Comment travaillez-vous vos écrits ?

Jamais sur l’instant d’ une exaltation, d’ une souffrance, d’une observation ; j’attends que la puissance du fait qui m’a dérangé se décante, que ma sensibilité se calme, se détende, passe du corps à l’esprit, descende jusqu’au cœur de mon cœur et qu’un cheminement se fasse jusqu’au moment où il s’inscrit sur la page blanche assez spontanément, dans un mouvement généreux, hâtif, qui me délivre des mots qui m’assaillent ; alors le poème jaillit ; venu d’un autre espace dans lequel je respire ; il ne m’appartient plus désormais mais ; comme quelque chose que l’on donne, je l’oublie au fond de mes « documents » jusqu’au jour où je le retrouve, où je le peaufine, l’élague jusqu’à la moelle ; alors il me nourrit et peut être pourra nourrir les autres.

Quelle est votre Bibliothèque idéale ?

Celle du passé m’a fait avancer à travers les grands poètes et théologiens, actuellement j’y glisse les contemporains de « tout poil » parmi lesquels j’essaie de reconnaître ceux qui m’accompagnent, qui me font avancer, car si chacun a son style, nous sommes au tournant d’une époque à la fois capable de créer et de détruire.
La bibliothèque est passée de nos étagères sur la Toile ; notre génération-étagère va disparaître ; que vont induire ceux qui arrivent ? Le temps que l’on passe à créer et à publier va-t-il séduire nos enfants ?


Anne Marie BERNAD née à DECAZEVILLE résidant à RODEZ
Mariée, mère de deux enfants
Membre de la société des lettres de l’Aveyron et trésorière dix ans des Ecrivains du Rouergue
A été reçue au Théâtre d’Aurillac (15) avec Claude Barrère pour un témoignage poétique, ainsi qu’au club de poésie de l’Institut Catholique de Toulouse
A participé à la revue Loess et à la revue du Rouergue
Prix Voronca en 1973
2013 Recherche sur Internet : Printemps des poètes et Levure Littéraire
Google : Anne Marie BERNAD
Courriel : annemarie.bernad@wanadoo.fr

BIBLIOGRAPHIE

  • 1970 Les mots tombés, Verticales 12 (épuisé)
  • 1971 Signes du matin, Plein Champ
  • 1973 Entre sable et argile, Subervie, Prix Voronca
  • 1976 L’envers de l’arbre, Verticales 12 (épuisé)
  • 1980 S’Eve, Subervie, (épuisé)
  • 1980 Cimes sera demain, Chambelland (épuisé)
  • 1993 30 Poèmes, Multiples N°48 (épuisé)
  • 2012 Reviens à l’innocence, L’Harmattan
  • 2000 Le mot et la parole, Edition Clapas (essai)

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