Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

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Joëlle Petillot

mardi 3 mai 2022, par Cécile Guivarch

Argos

Nous avons tous vieilli loin de toi. J’ai vu pousser l’enfant vacillant sur ses jambes.
Pas toi.
Les rides ont creusé de discrètes rivières sur le visage-terre, le corps-arbre de ta femme. J’ai vu ses mains cacher sa figure quand elle pleurait, arranger ses cheveux, voyager sur la toile. Dupés par une navette et quelques fils de soie, les sournois grignoteurs ne m’ont pas épargné. Combien de coup reçus par haine de ton absence ? Ils m’ont laissé ici, sur cette couche grise faite de vieux chiffons. Je n’étais que ton chien et c’était déjà trop.
J’ai vu ton porcher se courber sous les insultes, ton fils devenu grand et ta maison pillée. Ton jardin souillé d’étreintes, les appétits des brutes happés par tes servantes.
J’ai compté trop de matins sans nos courses, sans que tu me regardes, marchant à mes côtés.
Mon corps dans ma vieillesse a faibli lentement. Jamais pourtant je n’ai perdu ton visage.
Dans ce temps infini le jour n’était pas moins obscur que la nuit, ou si peu.
Un pas que je connais fait crisser les cailloux. Eumée, dont les porcs familiers valent mieux que ceux-là qui hantent ton palais. Et puis...
Je devine, le suivant, un vieil homme abîmé, soudain...
Cette peau, cette crasse dont l’odeur m’a piqué, ces haillons plaqués sur un brouillard, rien de tout cela n’était toi. Mais dans ce corps d’emprunt ton cœur battait si fort. J’ai vu depuis mon coin de gros tissus rongés la larme que tu as cachée à ton guide.
Et je t’ai su d’un coup, sans l’aide d’aucun dieu.
Ulysse.
J’ai pu partir enfin, t’ayant vu me pleurer.

Eos

Avancer dans les cils rebelles des dunes
au centre, une lumière brisée d’ailes
le monde se regarde
à travers une vitre mouillée
les noms ricochent en faisceau.

Tombe alors le surnuméraire
l’ourlet de la nuit grignoté d’aurore
à coup de becs pointus chantant
l’indiscipline de l’herbe

la venue du matin
la fin de l’écho des paresses

Leur vol, cet appel infini
infiniment repris
vers la lente multitude des oubliés.

Icare

La nuit d’Icare
La mer me cueille dans ses bras de vagues, m’éclabousse au creux des profondeurs ignorées d’elle-même.
Je suis tombé sans un cri, comme mes ailes. La chute était belle ; l’espace tient des villes, de hautes montagnes noyées de glaces, des ports ne sachant que le bleu.
De la cire amollie montait un parfum miellé venu d’une enfance que je n’ai pas eue.
Les nuages voyagent, marbres riants de transparence. Tombant droit comme une coupure j’ai croisé l’or du soleil et ses chevaux rapides, la pluie d’un presqu’hiver, l’aube et le crépuscule en un seul rayon, l’orage transmetteur d’impatience.
Brièveté qui m’aura donné à voir, élargir mes yeux d’azur, ouvrir la bouche à vaste goulée pour avaler le froid de l’air et contenir la brûlure.
 

 
Devenir salé. Je tombe et vois ma mort irisée sur des barres d’écume qui bientôt porteront mon nom. Survivance comme une autre, aimée des dieux.
Le tien, mon père, pour un labyrinthe. ..
Voir de si près la source du feu, pour une mort sans bûcher. Mon temps aura été trop court pour la guerre chère aux aèdes. Qu’importe ?
Mon rêve d’envol s’est écrit d’abord dans la lente montée vers le ciel, en immersion dans le ventre d’une promesse tenue. Ces ailes grossies de ta patience et de mes rêves, mon père.
Je sais tes pleurs, maintenant. Pardon.
Te désobéir, c’était marquer mon droit à l’incandescence.
Ne pas voler revient à compter l’espace. Il se doit d’être infini.
Je ne meurs pas.
Je m’ensommeille dans une gifle.

Iris

Tu portes haut
la beauté divine
traversière aux pas de nuées
drapée de l’enfance des couleurs
présence ensoleillée
dans le balbutiement des fontaines
porteuse de mots comme d’autres
sont porteuses d’eau

tiret
entre les hommes et les cieux
toujours avec les phrases d’une autre
dans ta voix claire
Iris Messagère coiffée de transparence
tu es cette lumière qui passe
et déploie l’azur autour de ton écharpe
comme un pointillé
une dernière trace
éblouissante absence
chant limpide

tu n’habites pas ta parole.

Méduse

Que disent les serpents de ta tête, Méduse
sur le noir de pierre
de tes yeux
le sang de blessures anciennes
tapit ta bouche
grotte-cri toujours ouverte

Ils crachent l’air et le déchirent
Méduse au visage souffrant
la haine en toi que rien n’apaise
palpite
se tord
hurle à la terre
ce besoin fou d’empierrer l’âme
du vivant

Que disent les serpents de ta tête, Méduse
au guerrier devant son reflet
contemplant son propre visage
pour t’éviter
avant le cri,
qui tranche de sa lame froide
ton cou ployant ?

Pégase,
jailli de ta coupure
le ciel frappé de son sabot
des rivières plein sa crinière
avance
dans un long frisson sur les eaux
le chant des hommes à plein naseaux
et son galop sur la nuit fière
résonne

mais les cheveux de ta colère
rougis au sang du bleu chaos
le reflet mouvant, le métal
ton cri couronné de serpents
il n’oublie rien,
les porte aux flancs,
le cheval aux ailes nocturnes,
père des sources,
ton enfant…

Que disent les serpents de ta tête, Méduse
que sifflent-ils au bleu chaos ?
ta beauté
car tu étais belle
l’affront d’un dieu
le sang
la honte
ta tête dans une main
qui les tient
en pressant des doigts
poissés de ton sang de mortelle

fuit le blanc galop qui s’éteint
vers la lumière
puis
plus rien.

Minotaure

Ils entrent drapés de sueur. Certains sont beaux, pas tous. Il existe dans une ville lointaine des gens qui les pleurent, emplissent les autels, versent le sang des bêtes pour demander envers et contre moi une destinée qui épargne le leur. Quelque part, on prononce leur nom, cela même que je n’ai pas reçu, et ma haine grandit. Minotaure ne me nomme pas ; au mieux cela me désigne.
Je suis un amalgame d’où gicle la terreur, un monstre nu. Les cris de tous les morts par ma dévoration hantent les parois au noir du labyrinthe broyé de sang et d’os. Longtemps, les gardiens m’abreuvent et me nourrissent dans les ténèbres sans jamais m’approcher. Le temps est une inexistence qui me ronge, comme la souillure d’où je suis né et que je n’ai pas choisi. Mais vient le moment où des torches s’allument, où je vois ce lieu qui m’abrite, ses murs aux éclats rouges, ses chemins en étoile tous partant depuis ce cœur terrible où je les attends. Ma haine s’attise encore de ce qu’ils ne mourront pas seuls.
La flamme s’élève, je sais alors mon tribut tout proche. Ils entrent, serrés les uns contre les autres., salant leur lèvre de larmes et de morve, criant pour certains quand d’autres n’en n’ont plus la force.
La magie des dieux est cruelle. Les torches ne sont pas là pour que je les voie, mais pour qu’ils me voient, eux ; qu’ils ne perdent rien de leur mort au visage rehaussé de cornes, au corps musculeux, au mufle agrandi d’une faim de sept ans. Ainsi joue ma satiété, qui prend tout son temps. Les voir trembler ressemble à de la joie.
Viendra un jour un homme qui tiendra à la main une chose ténue, à peine visible, donnée par une issue du même ventre que moi. Mais pas cette fois. Pas encore. Aussi je fais ce que je sais le mieux : me repaître.

Si des dieux existent, ouverts aux aveux,
j’ai bien mérité le dernier supplice et je ne le refuse pas ;
mais je veux éviter de souiller les vivants, en restant en vie,
et les défunts, en mourant.
Alors, excluez-moi des deux royaumes

Ovide, Les métamorphoses. Livre X.

Myrrha

Voici enfin la lente, trop lente punition.
Attendre au-delà de la souillure. Au-delà de la mort, de la vie, du mal fait.
Une déesse m’a insufflé cette folie dont je serai la seule punie. Nos dieux sont ainsi : étriqués et cruels.
Ni morte, ni vivante ; faites de moi une double absence, un arbre crépusculaire. Que l’écorce me gagne, et racines, et tronc, et feuilles marqueuses de saisons.
Un jour le fils que je porte déjà crèvera mon écorce-lisière entre le possible et la nuit.

Mon enfant né outre vie d’un amour dément, il me naîtra pour toi des larmes étranges qui porteront mon nom. Tu sauras que j’ai enfoui mon visage dans le bois qui montait, pour abréger la lente, trop lente punition.
Mes bras-branches ne te prendront jamais, ne te porteront pas.
Toi, que je sens palpiter au cœur de mon écorce dévorante, toi plus beau que la Beauté, attisé de sourires, jamais tu ne connaîtras le mien.
Toi
solaire né d’un amour de boue,
limpide né d’une tromperie,
droiture née d’un leurre.

J’aurai pour seule voix celle que le vent me donne. Et lui pour seule danse, et pour seul messager. La brise porteuse de murmures m’apportera peut-être un de tes cris d’enfant, des rires, un chant. Dangereux espoir : il me fait vivante, c’est oublier que je ne le veux pas.
Dieux ingrats, si peu compassionnels, délivrez-moi de la brûlure d’être,
épargnez-moi la sérénité de n’être plus.
Ni souffle
ni rêve.
L’apprivoisement des ténèbres occupe si largement nos vies.
J’ai cru les dompter.
Elles m’ont tout pris.

Nausicaa

Je suis le palmier d’Ulysse.
Il y eut une envolée de tissu, de cheveux, de cris.
Mes servantes ont fait claquer leurs voiles, nefs aux pieds délicats happées par le chemin.
Me voici, seule verticale sur l’horizon de l’île.
Tu marchais vers moi couronné de rosée, si beau. Je goûtais du regard le sel de ta peau ; toi sans vêtement, moi droite et farouche, de loin la plus nue des deux. Tes mots de miel ont chargé mes veines de possibles, mon espace familier, cette plage d’enfance si souvent foulée, neuve soudain par la force de tes pas.
En moi, aucune peur.
Pourtant tu n’étais pas un dieu, et je le savais.
J’ignorais ton nom, alors.
De toi à moi, quel lien ?
Des mots, un arbre, ce jeune palmier auquel tu me dis ressembler, et tes larmes aux mots de l’aède, toi présent sous un autre nom, encombré de pleurs à ta propre histoire, héros humain si peu lui-même à force de ruses.
Elles sont ta marque ; mais toi, derrière ces mille tours, qui es-tu ?
Plus tard, après l’aveu, une fois dessillés les yeux de mes parents, quand tu as enfin dit que tu étais, Ulysse, ce nom m’a vue noyée dans l’océan de l’imprononcé, la beauté de ce qui aurait pu être. Je sais qu’il y aura un bateau. Il tracera ton absence d’un sillage ailé, et le vent qui suivra fera de la mer un palimpseste.
Je serai dans l’étoffe qui danse, le grincement de la proue, le chant des membrures.
J’aurais voulu incarner Ithaque, l’île de ton sang, pour que tu t’allonges sur moi de part en part, que pas un centimètre de ta peau ne m’échappe. Pour que tu t’engouffres, t’abreuves, te gaves de ma propre essence. Tu es venu à moi dans ta nudité coiffée de soleil, tu m’as sculptée de paroles, fait sortir de la glaise fragile la femme que je serai et qui ne t’appartiendra pas.
Pourtant, je suis à toi ici et maintenant, dans cette salle de banquet où tu pleures au milieu des ors et toi, roi bouseux d’une île de cinq rochers, trois cailloux et quelques chèvres, tu éclabousses tes hôtes, éclatants couronnés au milieu des richesses.
Je sais Calypso, je sais Circé.
Je ne sais pas Pénélope, ombre qui flamboie dans ton âme triste. Pour elle, les présents, les tissus précieux, les bijoux. Ces cadeaux, d’elle à moi, lien entre deux espoirs. Le mien porté par la mer, comme le voudrait, paraît-il, mon nom.
Celui qui viendra, si les dieux m’entendent, te ressemblera peut-être.
Je suis sur le rivage.
Le ciel depuis ton départ est d’une blondeur de sable.
J’attends.

Perséphone

Qu’elle était belle, dressée au milieu du pré d’or
droite et sombre
ses pétales intrigants bleus de rayons
l’oblique du soleil faisait d’elle un vase
couleur du passage
cri noir dans le silence brodé de vent.
Les rires abolis de mes compagnes ont reculé, jusqu’à n’être plus qu’un murmure joyeux, donc inutile. J’ai marché droit vers la folie sans frémir ; plus fort s’éployait dans mon corps un chant que je ne comprenais pas.
“Ne craignez pas, le noir n’est rien”. Ces mots me sont restés, la beauté prive la gorge de toute voix. J’ai ouvert ma bouche sèche, avide de boire en son calice. Faire mieux que la cueillir : la posséder. La serrer dans ma paume, ne la rendre jamais. Être elle, sans qu’elle soit moi : me replier, diminuer, devenir la Noire, porter ma bizarrerie terrible comme un bijou. Moi grandie dans l’or des blés, bercée du grain et du fruit, éveillée au chant du jour, d’où me venait ce désir de longue nuit, cet appétit des cris des morts, cette soif de plaintes ? je voyais tout en elle, frêle de pétale et de feuille, les fleuves aux lourds reflets, le palais sombre, le Maître. On dit que je fus enlevée, mais non : j’ai tout cueilli en arrachant la tige à la terre profonde : la nuit de ses pétales qui prononçait mon nom, l’amour d’un pâle roi frère de mon père, si beau dans ses ténèbres, les pleurs de ma mère, sa révolte, notre séparation. Je savais bien avant l’arrachement ce que mon cœur contiendrait de rupture, une moitié de l’année séparée de la Vie, l’autre moitié séparée de la Mort, toujours un être manquant, toujours cette boiterie.
Moi, l’infertile née de la donneuse de moissons...
Je savais tout cela, et j’ai cueilli quand même cette fleur sans soleil au parfum de danger. En tenant dans ma main sa tige d’un vert sombre, j’ai compris ce que la paix de mes jours recelait d’ennui. Ma joie de voir la Terre s’entrouvrir, le cheval noir luisant, Lui chevauchant le vent, mon corps soulevé avec une tendre douceur, serré bientôt dans ses bras en tenailles, la chute infinie en plein cœur de la Terre.
Le vertige mordant, la force du désir.
Enfin.

Entretien avec Clara Regy

Tu nous proposes ici -tes- « petites mythologies grecques », pourquoi cette source inépuisable » d’inspiration ? Je sais aussi un lieu, une histoire, la mer qui parcourent tes écrits, veux-tu bien nous en parler ?

J’ai eu la chance de faire, par choix, des études dites « classiques ». Entrée en 6ème en 68, grand cru, j’avais une majorité de cours de français et latin, puis latin-grec à partir de la 4ème. Avec, chance supplémentaire, une prof extraordinaire, qui nous a transmis le goût de l’étymologie, de la
mythologie, en nous faisant aborder l’Odyssée via une langue magnifique, même si ce n’est pas
tout-à-fait le grec classique. Mais c’est l’œuf ou la poule... Il y avait chez moi des tonnes de
bouquins, dont une vieille édition des Métamorphoses, d’Ovide, et le « De natura rerum » de
Lucrèce (traduit, bien sûr, mais bilingue). Bref, entre les études et la maison, je baignais dedans, et
je m’en trouvais très bien. J’aurais aimé continuer après le bac, mais la vie s’est chargée de m’en
dispenser. J’ai persisté, en autodidacte. Toutefois, j’ai longtemps gardé mon Gaffiot (dico de latin,
un pavé), et le Bailly (dico de grec, autre pavé !) Il m’arrivait, proustienne en diable, d’en respirer
l’odeur. Deux madeleines de plusieurs kilos...
La mer, très vieille histoire d’amour. Pour faire court, maison des grands-parents à Saint Quay
Portrieux, tous mes étés là-bas, jusqu’à l’âge largement adulte. Puis mes parents s’y sont retirés, ma
sœur y vit toujours, une de mes nièces... Racines choisies, indélébiles, profondes. Je ne me sentais
pleinement vivante que dans cet endroit où la mer bouge, où les mâts de bateaux dans le port
chantent une certaine note sous le vent. Chaque pas fait s’envoler des souvenirs, comme les
sauterelles dans les chemins du sud. J’ai depuis découvert le Finistère sud, et Ouessant, choc absolu.
Mon île d’enfance, c’est Bréhat. Il existe entre ces lieux et moi une alchimie physique ; je me sens
modifiée, grandie, poussée, dans ces endroits. Comme la mythologie m’a forgée, pour la magie
qu’elle recèle et la densité d’histoires qu’elle génère : la mer m’est mythique aussi, pour les mêmes
raisons. Poséidon malgré son caractère irritable est un des dieux que je préfère... Pas de hasard !

Je repose une ancienne question dont les réponses étaient souvent surprenantes, as-tu besoin d’un environnement particulier, d’objets particuliers pour écrire ? Et aussi : tu écris, tu chantes, mets-tu parfois tes propres textes en musique ?

Je n’ai pas de rituels, pas vraiment de lieux. J’écris par défaut là où se trouve mon ordinateur, mais
partout où je me rends j’ai des carnets, j’en ai aussi dans ma maison, en bas, sur mon chevet, en
haut. Suivant l’humeur, le lieu et le temps qu’il fait, l’essentiel est que l’idée du moment puisse être
fixée comme un papillon d’une aiguille ; ensuite, elle servira. Ou pas. Mais il est vrai que du lieu
fixe, là où je frappe, il y a un de ces objets en bois à compartiment où on glisse le courrier. Il est
plein de photos des miens. Elles bougent tout le temps, sont parfois masquées par le calendrier des
pompiers ou une recette, mais elles sont là. Reste que ce micro bureau est dans une pièce passante,
et qu’il y règne un joyeux bazar. Peut-être est-ce de cela dont j’ai le plus besoin pour écrire, y
compris du mélancolique : la joie.
Pour la musique, au grand désespoir de ma mère musicienne professionnelle et pianiste surdouée, je
n’ai jamais appris le solfège. Je joue de la guitare essentiellement d’oreille, et je suis incapable de
composer. Pour les textes, il m’est arrivé d’en écrire mis en musique par d’autres, et c’est une joie
particulière que d’entendre ses propres mots ainsi. Ils prennent vie de façon extraordinaire au sens
premier du terme. Je pense que dès l’instant que nous sommes lus, nos mots ne nous appartiennent
plus. Le lecteur écrit une autre histoire. Alors, chantés... C’est encore plus flagrant. Pour moi, c’est
une heureuse dépossession.

Quels auteurs (poètes ou pas) font partie de ce que l’on nomme le/ton quotidien ?

J’espère que tu as quelques semaines devant toi... Mais allons, essayons.
J’ai autant besoin des classiques en toile de fond que d’un bon polar nordique, d’un livre fondateur
de littérature américaine, ou japonaise, d’une lichée de philo, ou , ou... ou d’une BD qui me fera
rêver, suivant l’envie ou l’humeur du moment. Exactement comme en musique, où je peux passer
aux Stones avec Jumping Jack Flash après l’intégrale du concerto pour Arpeggione de Schubert. La
bibliothèque idéale, pour moi, est celle qui bouge, qui accepte de nouveaux livres sans arrêt, elle est
donc polymorphe et modulable.
S’il fallait évoquer la base, ce serait les livres que je relis régulièrement : Sénèque, Montaigne,
Garcia -Marquez, Hillerman, Jim Harrison, Kawabata, Istrati. Pour les poètes, le spectre est large, je
ne commence jamais ma journée sans lire un brin de poésie avant de me lever. (Et j’ai osé dire que
je n’ai pas de rituel...) Ce qui fait que les livres sur mon chevet forment une colonne qui se casse
régulièrement la figure, parce qu’ils sont empilés à la diable... Bien sûr, une base classique, mais
aussi dans les plus contemporains, Char, Cadou, Supervielle, Norge, Bonnefoy, Jacottet, Cheng,
Yves Cosson, non pas parce que j’ai eu le privilège d’être sa filleule, mais parce que sa poésie me
parle, me touche, me remue. Houellebeq, aussi, écrivain qui fait souvent hurler beaucoup,
essentiellement d’ailleurs ceux qui ne l’ont pas lu. Sa poésie est très belle, et j’apprécie son
inattendu. Sans oublier les Contrerimes, de Toulet, auxquelles je reviens assez souvent. Et d’autres,
moins connus que ceux-là, mais dont le talent m’a souvent bouleversée dès l’abord de leur écriture.

Question subsidiaire obligatoire (!) si tu devais définir la poésie en 3 mots quels seraient-ils ?

Je sais pas.
Bon, quelque chose me dit que ce genre de réponse ne satisfera personne. Pourtant, ça fait bien trois
mots ...
Pouf, pouf, comme aurait dit Desproges, je la refais.
Cœur qui bat.

Joëlle Pétillot est née en 1956, d’un père dessinateur, illustrateur, peintre, et d’une mère pianiste. Dernière d’une fratrie de quatre, élevée comme fille unique –ses deux aînés auraient pu être ses parents- elle s’est nourrie de ces paradoxes et a compris très tôt l’importance de la transmission, de la mémoire, qu’une vie professionnelle en milieu hospitalier, principalement en gériatrie, a confortée. La voie de l’écriture s’est imposée d’elle-même, comme une immédiateté de l’ailleurs, un refuge.
Libérée des obligations liées au travail, elle peut enfin profiter d’un temps généreux. Certains mots ont vu le jour dans trois recueils de poésie, d’autres dans des revues.
Parfois ils piaffent dans sa tête. Alors, le vrai travail commence : écrire, c’est raturer.

Blog poésie/ littérature/ photo

 

PUBLICATIONS

Poésie, revues : Lichen, Reflets du Temps, L’Ardent Pays, Le Capital des mots, La Cause littéraire, Possibles, Recours au Poème, Cabaret, Poésie première, Incertain Regard, Décharge, Comme en poésie, ARPA, Écrits du Nord, Traction Brabant, Revue-Méninges, Verso, Voix, Lettres Capitales.

Participations

  • De l’humain pour les migrants, recueil collectif, 2 textes Éditions Jacques FLAMENT
  • Anthologie Flammes, Vives 2020
  • Anthologie de poésie contemporaine, Voix des îles, 2021

Recueils de poésie :

  • Le bal des choses immobiles, Collection Surya, Éditions Alcyone
  • Éclair obscur, prix des trouvères lycéens 2019, Éditions Henry
  • Chronique des différents silences, suivi de Courts métrages Editions Douro

Hors poésie :

  • La belle ogresse, roman, éditions Chemins de Tr@verse
  • La reine Monstre, roman, éditions Chemins de Tr@verse
  • Le hasard des rencontres, nouvelles, éditions Chemins de Tr@verse
  • Petites morts ou presque, nouvelles, éditions Chemins de Tr@verse
  • « Tout autre chose que la nuit », nouvelles, éditions Fables fertiles, juin 2022

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