Extrait de Les Chemins de la nuit
Tu somnoles
longue
sur la chaiseet tes jambes s’emmêlent
aux ombres de mes gestesJe chasse les mouches
et autres insectes
pour être
le seul à me poser
sur tes paupièresMais tu restes dans ton ciel
assoupie
Sous
cette chaleur étouffante
la ville est en papierElle tremble
gommée par la poussièreNos yeux sont les buvards
de son agonie
Mes yeux se lassent
du manège des ombres
sur la nappe
comme si les nuages
passaient en boucle
dans le ciel refroidiJ’y dépose une tasse
de café brûlant
Le matin balbutie
à l’orée du silencegomme en bleu
les chemins de la nuitLes oiseaux
naissent des feuilles
les ombres suivent timidementAu bord de l’horizon
nous sommes encore en vie
Fin d’après-midi
la lumière me dépasseTu es là sans y être
inversée nébuleuse
juste à côté d’absente
non loin de mes mains qui tendent
à des projets de peauLe désir est un craquement
le jour ferme les yeux
et la nuit prend feu dans la cuisine
Ombres lancées sur les murs
les bras décrivent des arcs de cercleRespiration
Tes doigts sont le début
de mon existence
Jérôme Pergolesi
Né le 21 octobre 1973 à Montbéliard, Jérôme Pergolesi vit actuellement à Strasbourg où il se consacre à la création multimédia ainsi qu’à l’écriture. Il a édité deux recueils de poèmes : Le peuple des yeux en 2014 et Les Chemins de la nuit en 2016, Ed. 17secondes. On retrouve également ses poèmes dans plusieurs revues littéraires : Contre-allées, Décharge, Nouveaux Délits, Traction-Brabant, Les Tas de Mots, Secousse, Le capital des Mots…
Jérôme Pergolesi est responsable de la revue de poésie contemporaine : 17secondes.
www.jpergolesi.com
http://revue17secondes.blogspot.fr
Poèmes visuels de Jérôme Pergolesi
Mini-entretien avec Jerôme Pergolesi par Clara Régy
Peux-tu nous présenter tes multiples activités artistiques et nous dire quelle place tient la poésie dans cet ensemble « créatif » ?
Quoi que je fasse, peu importe le médium, il semble que partout je cherche le poème. Par exemple, mes poèmes visuels : l’encre et l’aquarelle, la photographie (il parait que c’est écrire avec de la lumière), et l’art digital qui me permet d’assembler peintures et photographies comme on assemble des mots en poésie pour créer des glissements de sens dans l’image. Pendant un long moment il y a eu aussi les poèmes sonores : musique de bruits, électroacoustique, faite de prises de son et de sons électroniques.
L’écriture poétique est pour moi le liant entre tout ça. Elle représente ces assemblages, mobiles sensibles, entre l’introspection et l’extérieur. Cela me fait penser aux mobiles de Calder. Chaque partie de l’objet est un médium, l’écriture est le fil.
Alors lorsque j’écris j’ai parfois la sensation de peindre et de vouloir, par exemple, brosser mes mots, chercher le flou derrière l’image, gratter la matière, balbutier des clairs-obscurs.
Pour l’écriture as-tu des rituels ou bien vient-elle comme elle veut quand elle veut ?
L’écriture, chez moi, est capricieuse. Elle vient quand elle veut. N’importe quand. Parfois elle s’absente un moment ou s’installe pour une longue durée. Je ne l’ai pas domptée comme la peinture que je pratique tous les jours. C’est peut-être mieux comme ça. Elle est mon baromètre.
Quels sont les auteurs que tu aimes lire et relire et qui ont particulièrement marqué ton parcours d’écriture ?
Lorsque j’avais 12 ans, Paul Eluard, Boris Vian et Jacques Prévert m’ont fait découvrir des mondes auxquels j’ai tout de suite adhéré. Leurs poèmes m’ont donné envie d’écrire.
Au delà des auteurs je pense que ce sont des recueils en particulier qui me touchent et m’influencent. Pour jouer le jeu, je vais citer les 5 premiers qui me viennent à l’esprit : L’amour la poésie de Paul Eluard, Du domaine de Guillevic, Sens-Plastique de Malcom de Chazal, Le même geste de Fabienne Courtade, l’ajour d’André du Bouchet…
J’ai également la chance de m’occuper d’une revue de poésie : 17secondes. Celle-ci me permet de découvrir et de suivre des auteurs remarquables. J’adore cette sensation lors de chaque appel à textes, où j’ai l’impression en lisant les auteurs de sentir (ressentir) le pouls de notre société, de notre temps. Ce sont des instants précieux qui me nourrissent beaucoup.
La poésie en 3 mots pour toi ? Une proposition difficile à réaliser ?
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