Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

Accueil > Un ange à notre table > Jean-Louis Bergère

Jean-Louis Bergère

dimanche 23 avril 2017, par Cécile Guivarch

Entretien avec Clara Regy

Te souviens-tu du jour où tu as vraiment pris le chemin de l’écriture ?

Non pas vraiment, pas d’un jour précis en tout cas… L’écriture est venue de loin certainement. A la suite de ma pensée, de mes pensées solitaires et adolescentes. Ces premiers mots là résonnaient autant dans mon corps que dans mon esprit. Et c’est peut-être parce que je ne pouvais pas (ou que je n’osais pas) les dire, les partager qu’ils se sont retrouvés sur la page blanche. L’écriture est un refuge pour l’enfance. Une passerelle clandestine avec son propre monde intérieur et parallèle, invisible aux yeux des autres.

Maintenant que tu sembles avoir marié écriture et musique peux-tu nous dire ce que l’une offre à l’autre ? Mais au fond... y-a-t-il une réelle « frontière » ?

Une constatation déjà. Les deux écritures (poème et chanson) ne sont pas si éloignées l’une de l’autre dans leurs formes courtes. Ce sont des modules intéressants pour condenser. C’est vrai que la chanson demande souvent un cadre plus formel avec les contraintes du rythme et de la métrique. Et aussi du modèle couplet/refrain quand il est là. Le poème est plus libre. La chanson offre avant tout la géographie musicale au texte, un environnement sonore global qui lui permet de s’ouvrir, de s’épanouir autrement. Elle fait apparaître, entendre plus clairement encore, et avec évidence, la question du rythme, des rythmes, des couleurs. Couleurs insoupçonnées ou déjà existantes. C’est un vrai révélateur sur le texte, sur ses capacités sonores intrinsèques qui restent pour moi primordiales dans l’écriture. Et c’est peut-être ce qu’Aragon nommait « la critique supérieure du poème » en parlant de la mise en chanson de ses poèmes par Léo Ferré. Que ce soit en poésie ou en chanson, j’écris avec cette oreille particulière. Celle du musicien. Pour la question d’une réelle frontière, je pense que tout dépend alors de ma propre volonté et surtout de mes propres capacités à la franchir ou pas. Depuis quelques temps déjà et avec l’avancée de mon travail, je sens que mes deux versants d’écriture se rapprochent, se croisent et se nourrissent plus qu’auparavant. Dans le dernier album discographique demain de nuits de jours, j’ai ainsi utilisé des fragments du recueil Jusqu’où serions-nous allés si la terre n’avait pas été ronde (paru aux Editions Gros Textes) pour la chanson Les Distances. Ce qui prévaut pour moi sous les deux formes, c’est cette recherche constante d’équilibre et de cohérence.

Tes instants d’écriture sont-ils ritualisés ?

Non. Je suis incapable d’écrire de manière régulière en me donnant des contraintes d’espace, de temps, de thème. L’écriture pour moi est là ou pas. Elle arrive bien souvent sans prévenir. Et je saisis plus que je ne convoque. Quand elle est là, j’y suis également. Pleinement et totalement absorbé. Et le vrai travail d’écriture commence alors. Mon seul rituel, le cahier peut-être. Celui sur lequel j’avance petit à petit, rature après rature, jusqu’au texte final daté.

Quels sont les auteurs qui t’accompagnent ?

Essentiellement les auteurs contemporains en poésie (avec un grand nombre d’auteurs féminins). Avec cette expression poétique très actuelle, tournée vers le sensible. Une poésie du quotidien, du ressenti à hauteur d’être, ouverte sur l’expérience du vivre et qui s’installe au cœur du monde. Celle (découverte pour moi avec Eugène Guillevic) qui traverse le travail d’auteurs comme Albane Gellé, Valérie Rouzeau, Antoine Emaz, Amandine Marembert, Jean-Michel Maulpoix, Sophie Masson, Sophie G Lucas, Michel Bourçon, Erwann Rougé, Gwenola Morizur, Jean-Baptiste Cabaud, Corinne Le Lepvrier et de tant d’autres… Ils sont nombreux et c’est une certitude ; la poésie contemporaine se porte bien, tout comme le réseau des petites maisons d’édition. J’ai l’impression qu’il y a une vraie dynamique et le lectorat semble plus important qu’à une certaine époque.

Si tu devais définir la poésie en 3 mots quels seraient-ils ? ( ou 3 phrases ? )

Difficile voire impossible, mais voilà quelques réflexions en 3 phrases :
-- un outil prodigieux pour traduire l’extrême attention que l’on porte autour de soi et ce qui nous traverse en retour
-- une manière d’apprivoiser l’inquiétude
-- un espace inouï de liberté dans notre tentative à restituer les émotions


Auteur (chansons, poésies et proses) et compositeur, Jean Louis Bergère partage son activité entre scène et écriture.
D’albums discographiques en publications littéraires, ce « songwriter » angevin à l’écriture lumineuse, à la voix chaude et touchante développe avec une extrême sensibilité un univers aussi fragile que puissant. Entre textes d’une haute teneur poétique et géographies musicales soignées, il continue inlassablement à dépeindre les nuances de l’âme, les sentiments diffus, les paysages intérieurs. (Fred Hidalgo /Chorus)
Lire la suite sur Mobilis

Le site de Jean-Louis Bergère
Facebook

Bibliographie :

  • Masque et figure - Editions Potentille - 2015
  • Demain de nuits de jours/le livre - Editions Gros Textes - 2014
  • Jusqu’où serions-nous allés si la terre n’avait pas été ronde - Editions Gros Textes - 2009
  • Quelque chose d’infime - Editions Laïus - 2007 (Livre d’artiste objet/CD)
  • Mon corps Runbook - 2009 - (Livre d’artiste en devenir via le réseau des boîtes mails d’artistes et d’écrivains)
  • Avec mes yeux - Editions verlag Im Wald - 2007 (Ouvrage collectif)
  • Publications en Revues dans Motamorphose, N4728 (n° 13 ET 22), Gros Textes, Contre-allées, Dissonances

Discographie

  • Demain de nuits de jours - Catapulte/Wiseband - 2013
  • Au lit d’herbes rouges - Catapulte/Label Ouest - 2007
  • Bouches de silence - Catapulte (avec Memento Mori) - 2005
  • Une définition du temps - Catapulte - 2001

(crédit photo : Laura Lemire)


Bookmark and Share


Réagir | Commenter

spip 3 inside | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0 Terre à ciel 2005-2013 | Textes & photos © Tous droits réservés