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Milo De Angelis, Rencontres et guet-apens, traduit de l’italien par Sylvie Fabre G. et Angèle Paoli

mercredi 15 juillet 2020, par Cécile Guivarch

Questa morte è un’officina
ci lavoro da anni e anni
conosco i pezzi buoni e quelli deboli,
i giorni propizi, la virtù
di applicarsi minuto per minuto e quella
di sostare, sostare e attendere
una soluzione nuova per il guasto.
Vieni, amico mio, ti faccio vedere,
ti racconto.

Cette mort est une usine
j’y travaille depuis des années et des années
j’en connais les bonnes pièces et les déficientes
les jours propices, le courage
de s’appliquer minute après minute et celui
de s’arrêter, s’arrêter et attendre
une nouvelle solution pour la panne.
Viens, mon ami, je vais te montrer,
te raconter.

Tutto cominciò in una cameretta
con i regali e le candeline
che in un soffio spensero mio padre
fermo nella sua giacca per sempre
e un cerchio di puro niente mi assalì
in un solo attimo franò sul tavolo
e mi mostrò cento di questi giorni

Tout a commencé dans une petite chambre
avec les cadeaux et les bougies
qui en un souffle éteignirent mon père
figé dans sa veste pour toujours
et un cercle de pur néant m’assaillit
en un seul instant il s’effondra sur la table
et fit défiler devant moi un siècle d’anniversaires.

........................................................
........................................................
......nel 1967, dopo una lunga guerra
di trincea, dopo una guerra di metri
guadagnati e persi, iniziai
una trattativa con la morte.

………………………………………....
………………………………………....
.....En 1967, après une longue guerre
de tranchées, après une guerre de mètres
gagnés et perdus, j’entamai
des pourparlers avec la mort.

Iniziai dunque a trattare, sì, a trattare
ma lei recalcitrava, negava la firma,
si dava per dispersa e riappariva sul più bello
nella vela di una carezza o nella voce
che indicava lassù un’orsa favolosa
era lei con un sapore di mandorle bruciate
iniettava nell’alba il suo buio primitivo.

Je commençai donc à négocier, oui, à négocier
mais elle se rebellait, niait la signature,
se faisait passer pour disparue et réapparaissait
au plus beau moment
dans la voile d’une caresse ou dans la voix
qui désignait là-haut une ourse fabuleuse
c’était elle, avec une saveur d’amandes grillées
elle injectait dans l’aube sa nuit primitive.

I, « Guerre de tranchées » in Rencontres et guet-apens, pp.10-11-12-13

Nella nebbia serale, tra gli squilibri della mente,
sei scesa come un alleato
con il tuo sguardo matematico hai indicato
alcune grandezze, hai disegnato sull’asfalto
i minuti di un teorema ridente e ogni minuto
è un’epoca che abbraccio e tu non lasci
deserte le ore, a ognuna dai un nome
e una misura, disegni angoli, parallele
e soluzioni, dimostri che i corpi,
come un paesaggio, s’incontrano all’infinito

Dans la brume du soir, entre les égarements de l’esprit,
tu es descendue comme une alliée
avec ton regard mathématique tu as désigné
quelques grandeurs, tu as dessiné sur le trottoir
les minutes d’un théorème rieur et chaque minute
est une époque que j’embrasse et tu ne laisses pas
désertes les heures, à chacune d’elles tu donnes un nom
et une mesure, tu dessines angles, parallèles
et solutions, tu démontres que les corps,
comme un paysage, se rencontrent à l’infini

Sdraiato tra i macchinari del respiro
qualcosa in te gridava, Mario, correva in cerchio
e tornava giù in fondo, sbarrato dalle labbra,
verità che ha perso il cammino
nel rettangolo scosceso di una piastrella.
Dov’eri ? Quel masso sopra la voce, quel petto
solcato dal niente : il sangue tuona
tra i pensieri, un impasto di frasi cade
sul lenzuolo. Tu vedi l’erba muta, la casa,
qualcosa di buono e lontano, qualcosa
che culla il respiro e lo fa suo, cerchi
nel tumulto una lampada sulla via, una mano
che scioglie il groviglio e riporta la dolce
voce umana dei corpi in movimento.

Allongé au milieu des machineries de la respiration
quelque chose en toi criait, Mario, courait en cercle
et descendait au fond, barré par les lèvres,
vérité qui a perdu le chemin
dans le rectangle abrupt d’un carrelage.
Où étais-tu ? Ce roc sur la voix, cette poitrine
creusée par le rien : le sang résonne entre
les pensées, un empâtement de phrases tombe
sur le drap. Tu vois l’herbe muette, la maison,
quelque chose de bon et de lointain, quelque chose
qui berce la respiration et la fait sienne, tu cherches
dans le tumulte une lampe sur la route, une main
qui défait l’enchevêtrement et ramène la douce
voix humaine des corps en mouvement.

Rinasce in un prato di piazza Aspromonte
la vecchia contesa tra questo rettangolo
e i cavalli della mente, tra questo semplice
rettangolo terrestre e tutti gli spettri
che si affollano lì, dove il numero otto
tirò preciso a fil di palo ed entrò
in una galleria di anni e domeniche piovose
e ora regna su di noi lo sguardo di un demiurgo
che ci raccoglie nel centro della mano
e legge su quei volti il labiale di una gioia
conclusa e straripante.

Elle renaît sur une pelouse de la place Aspromonte
la vieille rivalité entre ce rectangle
et les chevaux de l’esprit, entre ce simple
rectangle terrestre et tous les spectres
qui se regroupent là, où le numéro huit
tira précis sur le fil du poteau et entra
dans une galerie d’années et de dimanches pluvieux
et désormais sur nous règne le regard d’un démiurge
qui nous recueille au centre de sa main
et lit sur ces visages la labiale d’une joie
accomplie et débordante

II,« Rencontres et guet-apens » in Rencontres et guet-apens, pp.39, 43, 61

I.

In carcere bisogna parlare
lo sanno anche i taciturni come te
il veleno si fa strada in ogni silenzio
la notte ti interroga ti interroga
e tu alla fine hai risposto
parlavi di lei corpo sposa tenaglia
lei come una grazia folgorata
nessuno nel vederla resta vivo
di lei oscura furia delle melograne
luce selvaggia al cadere di una veste
assoluto mescolato all’ora d’aria.

I.

En prison il faut parler
même les taciturnes comme toi le savent
le poison se fraie un chemin dans chaque silence
la nuit t’interroge t’interroge
et toi à la fin tu as répondu
tu parlais d’elle corps épouse tenaille
elle comme une grâce foudroyée
personne à la voir ne reste vivant
tu parlais d’elle obscure fureur des grenades
lumière sauvage à la tombée d’une robe
absolu mêlé à l’heure de promenade.

II.

Quando hai cominciato l’opera
eri chiuso nel quadrilatero della tua voce
e ripetevi che le crepe sul muro, la luce
obliqua dei finestrini, i corridoi sbilenchi
tutto era pensiero
e questo pensiero era più forte di te,
si faceva materia, ti ingoiava.

II.

Quand tu t’es mis à l’œuvre
tu étais enfermé dans le quadrilatère de ta voix
et tu répétais que les fissures sur le mur, la lumière
oblique des fenêtres, les couloirs biscornus
tout était pensée
et cette pensée était plus forte que toi,
elle se faisait matière, t’avalait.

IV.

Hai visto franare la tua vita
tra codicilli, arbusti e demoni fangosi
hai sentito la potenza della cella
come un’ombra colpita
si oscurava l’armonia dei viventi
la giovane morta si incideva le braccia
si faceva eterno il tatuaggio.

IV.

Tu as vu s’écrouler ta vie
parmi codicilles, arbustes et démons fangeux
tu as éprouvé la puissance de la cellule
comme une ombre frappée
l’harmonie des vivants s’assombrissait
la jeune morte se tailladait les bras
le tatouage devenait éternel.

VI.

Ma le mura le avevamo già dentro
le notti curvilinee ci tornavano addosso
aprivo al mattino gli occhi lapidati
nasceva una prossimità violenta
si formava l’assedio.

VI.

Mais les murs nous les avions déjà en nous
les nuits curvilignes nous tournaient autour
j’ouvrais au matin des yeux lapidés
il en naissait une proximité violente
le siège se formait.

III, « Haute surveillance » in Rencontres et guet-apens, pp.76-77-78-79-80-81


Milo De Angelis, Rencontres et guet-apens, Traduit de l’italien par Sylvie Fabre G. et Angèle Paoli, Préfacé par Jean-Baptiste Para, Edition bilingue, D’une voix l’autre, Cheyne éditeur, 2019


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