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Deux Poètes de Finlande traduits pour la collection LUA (éditions Les Carnets du Dessert de Lune)

lundi 2 décembre 2024, par Cécile Guivarch

Ilpo Tiihonen - Extraits de Largo - traduit par Marja Nykanen

Ça pleut

Si on trempe un chiffon trempé
faut pas accuser le mauvais temps,
il est innocent mais tout aussi indécent
qu’un lit sans chevet
et si tu restes au sol couché
tu verras la scène et ses célestes bonnes
qui dansent et qui rayonnent.

C’est le printemps, le printemps.

Pas la peine de se stresser
l’été viendra et tu recevras
pour garantie une pluie noire
et si ça te tape sur les nerfs
le lendemain tu iras te faire bronzer
ton ventre aura un beau pochoir.

C’est l’été, tu chantes, tu vantes, tu tonnes.

Puis l’automne fredonne
les arbres s’étonnent
se décomposent tel
ton amour qui gèle,
acceptant vide, pluie et grêle,
ouvrant la porte pour elles.

La pénombre accable, l’automne n’est pas coupable.

SE SATAA

Jos mättää märkää rättiä,
ei syytä säätä sättiä,
sää syytön on, vain säädytön
se on kuin sänky päädytön,
ja maahan kun jäät makaamaan
saat nähdä : taivaan siivoojat
tanssivat, säteilevät.

On kevät, kevät kevät.

Ja suotta kesää skagaamaan,
se tulee taas, ja takaamaan
saat mustan kaatosateen,
ja hermot jos se näivettää,
voi toinen päivä päivettää
vatsasi paksun pateen.

Kesässä lesoot, mesoot.
Ja syksy sitten, luisevuus,
se puiden luihu puisevuus,
ja platinaa lahoavaa,
kun rakkautes, se hyytynyt
ja tyhjyyteensä tyytynyt,
sateelle oven avaa.

Lyö hämäryys, syytön syys.

Le soldat

À toi je te lirai
lorsque je serai mort
et que les lettres passeront
par l’obscurité

lorsque à terre la fumée sera tombée
et que l’acier aura ses taches de rousseur
et sur la table à la terrasse un vent léger
viendra feuilleter ton livret

Je te lirai
quand le matin du lundi
dans la neige restera coincé
et que tu regarderas le tourbillon, afadie,
en étoile, je te transformerai

et quand
la feuille d’érable
se recroqueville et gèle
et que retombent tes douilles et tes clés
dans les profondeurs de ta poignée

Je suis tombé la bouche pleine de sable
j’ai brulé dans les flammes noires
et seulement là j’ai réalisé combien
notre amour était méritoire

SOTILAS

Luen sinulle
kun olen kuollut,
ja kirjeet kulkevat
pimeässä

ja kun savu on vajonnut maahan
ja teräs pisamoi,
ja kun pihapöydällä kepeä tuuli
kirjaasi selailee.

Luen silloin
kun maanantaiaamu
on juuttunut kinokseen
ja tuiskuun tuijotat himmenneenä,
silloin sinusta tähden teen

ja silloin
kun vaahteranlehti
jäätyy ja käpertyy,
ja painuvat avain ja hylsy
kourasi syvyyteen.

Minä kaaduin suu täynnä hiekkaa
ja paloin mustiin liekkeihin,
vasta silloin rakkautemme
oikein ymmärsin

Maman, là-bas

Maman, là-bas, dans ton ciel.
Dis-moi quand je vais y déménager.
Il y aura des cuivres, de vieilles harpes, des concerts
virtuels au café.
Je pense ne pas savoir dans quelle direction par contre
j’y soufflerai dans mon tuba.

Difficile de partir d’ici maintenant.
C’est le jour de paie, la première neige flotte dans
l’air
et on vient de coucher Winnie l’ourson avec succès
De fraiches étincelles clignotent en ville
quand je pose ma tête contre la fenêtre gelée

Et sur les branches toutes les corneilles des clochers, oui
tu t’y
connais :
on accepte de nouveau un tel,
on y interdit un autre.
Et combien disparaissent pendant les désaccords.

Mais l’amour, maintenant que je m’appuie encore
contre la nuit
et que tu passes à travers moi, maman
absente de corps
mais c’est de l’amour cette différence entre ciel et terre,
ce subtil changement c’est de l’amour

ÄITI, SIELLÄ

Siellä, äiti, sinun taivaassasi.
Sano milloin minä sinne muuttaisin
Ne vasket, vanhat harput, virtuaalikahvikonsertit.
En taida tietää kumpaan suuntaan
tuubaa siellä tuuttaisin

Vaikeaa lähteä täältä juuri nyt.
On liksapäivä, leijuu ensilunta
ja Nalle Puh on juuri saatu nukkumaan
Tuoreita kipinöitä tuikkii kaupungilla
kun painan otsan kylmään ikkunaan

Ja oksillaan naakkaparvi, tiedäthän :
taas sallitaan yhtä,

toista kielletään.
Niin monen monet katoavat siihen rähinään

Mutta rakkautta, nyt kun yötä vasten vielä nojailen
ja astelet lävitseni, äiti
ruumiiton
mutta rakkautta maan ja taivaan ero, se pikku ailahdus
rakkautta on

Anja Erämaja - extraits de Töölönlahti la baie d’Helsinki - traduit par Marja Nykanen

je ne suis ici que de passage,
ma maison n’est qu’une croix sur la carte,
un chez-soi d’aujourd’hui
mais cet aujourd’hui passe,
les lois d’aujourd’hui ne seront plus valables demain,
on oublie les élections, il n’y a pas
plus contractuel que
les visages et les chiffres
au bord des routes les lendemains
d’élections, comme
des numéros de téléphone de pères-Noël
deux jours après Noël,
ces numéros s’écrasent contre la poitrine,
les figures passent, les pas de danse,
les lentes plaques continentales,
les lettres se faufilent un peu trop
sérieusement, même l’orchidée la plus
résistante laisse tomber ses fleurs,
le camion poubelle passe, la cour disparait,
arbres, arbustes dépassent,
s’enchevêtrent en une forêt de pop-up,
les terrains en friche vont devenir
des œuvres d’art contemporain demain,
comme l’imprimante alimentaire,
les chaussures qui tremblent,
on oublie la princesse dans son château,
elle loupe ses derniers rendez-vous en dormant,
son prince quitte les contes en courant
et s’en tient à l’amour.

olen vain käymässä täällä,
koti on rasti kartalla,
tämänpäiväinen luukku,
tämänpäiväinen menee ohi,
tämän päivän laki ei ole
huomenna voimassa,
vaalit unohtuvat, ei ole
epä-ajan-kohtai-sempaa
kuin naamat ja numerot
teiden varsilla vaaliyön
Jälkeen, kuin laulavien
Joulupukkien numerot
tapaninpäivänä, numerot
litistyvät rintaan, kuviot
menevät ohi, tanssiaskeleet,
mannerlaattojen hitaat,
kirjaimet vilistävät turhan
tärkeinä, sitkeinkin orkidea
tiputtaa kukkansa, loka-auto,
käy pihalla, piha katoaa,
puut, pensaat kasvavat ohi,
ryteikkö, pop up -metsä,
Joutomaa on tulevaisuuden
nykytaidetta, ruokaprintteri,
värisevät kengät, prinsessa
unohtuu linnaan, nukkuu,
ohi viimeisten päivämäärien,
prinssi juoksee ohi satujen,
pysähtyy rakkauteen.

Les violons, ça flotte,
pas les hommes.
Sur la rive en face
je bénis la baie.
Cet utérus de la Finlande,
la mesure,
le ralentisseur, l’image de fond
une fois résolues les affaires
des hommes,
version instrumentale.
Sur la rive en face
je continue ma course,
consomme des mètres.
Et si je quittais tout
pour la côte sud de
Madagascar,
mais non, je n’irai nulle part,
j’évite les
flaques d’eau,
les bicyclettes,
les passants

Vesi kantaa viulut,
ei miehiä.
Vastarannalla
siunaan lahtea.
Suomen kohtu,
kohtuus,
hidaste,
taustakuva
kun ihmisten asioita
ratkotaan,
instrumentaaliversio.
Vastarannalla
taitan matkaa,
taittelen metrejä,
tästä kun lähtisi,
Madagaskarin
eteläisille rinteille,
en minä mihinkään,
väistelen
lätäköitä,
fillareita,
vastaantulijoita :

Pas besoin de
choisir le temps
qu’il fait.
La neige
ne demande pas
sur quelles
épaules
elle tombe.
La baie reste
Blanche
d’un bord
à l’autre,
les petits
personnages
foncés
sur la glace
prennent un
raccourci,
la traversent
par le milieu.
Petits
sentiers,
traces de pattes,
un chien
sursaute
à côté du
frisbee
l’attrapant
au vol.

Säätä
ei tarvitse
valita.
Lumi
lankeaa
harteille
kuin
harteille,
ei kysele.
Lahti on
valkea
laidasta
laitaan
pientä
tummaa
väkeä
jäällä
oikaisemassa,
menossa
keskeltä
läpi.
Pieniä
polkuja,
käpälänjälkiä,
koira
pinkaisee
frisbeen
perään,
nappaa
lennosta.

 

Ilpo Tiihonen est né en 1950 à Kuopio, Finlande. Diplômé de l’université d’Helsinki en 1971, il publie ses premiers recueils de poésie à l’âge de 24 ans, son premier recueil, « Sarkunmäen palo » ayant été publié en 1975. Ont alors suivi dix-neuf autres recueils de poésie dont « Largo », édité en 2005, qui est l’avant-dernier. Il a reçu le Prix littéraire de Finlande en 1981, le Prix Kalevi Jän tti en 1982, le Prix de l’éducation pour la paix en 1989, le Prix Eino Leino en 1991 et le Prix de poésie Einari Vuorela en 1997.

 
 

Anja Erämaja, née en 1963 dans l’archipel de Turku, vit et travaille à Helsinki. Elle publie de la poésie et de la prose depuis 2005. Son cinquième recueil, Olen nyt täällä metsässa, littéralement Je suis dans la forêt, ici, maintenant, est paru en 2021 chez WSOY. Elle a aussi écrit des nouvelles, des livres pour la jeunesse, des librettos et un roman, Imuri (Buvard), publié chez WSOY en 2019. Ses nouvelles et ses poésies ont été traduites en russe, en albanais, en estonien, en suédois, en allemand, en japonais et en polonais.

 
 

Marja Nykanen, née en 1963 à Helsinki, vit en France depuis 1990. Marionnettiste
diplômée d’ESNAM en 1993, elle est metteuse en scène-dramaturge, principalement au sein du Théâtre d’Illusia depuis 1997 avec lequel elle a travaillé dans plusieurs pays.
Ses mises en scène avec marionnettes sur eau ont reçu plusieurs coups de cœur en Finlande et en France, notamment lors du Festival « Enfances du Monde » à la scène nationale de Basse-Terre, en Guadeloupe, en 2004. Elle a traduit en français des textes de divers auteurs finlandais présentés en France et en Algérie, notamment lors de la soirée des 100 ans de l’indépendance de la Finlande à l’Ambassade de Finlande à Alger en 2017.

 
Un entretien avec Norman Gourrier-Warnberg, sur Terre à Ciel : Collection Poésie Contemporaine LUA - éditions Les Carnets du Dessert de Lune
Pour découvrir la collection : https://luapoesie.fr/
Pour commander les ouvrages : https://dessertdelune.com/categorie-produit/lua-collection/


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