Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

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Patrick Williamson

samedi 2 juillet 2016, par Cécile Guivarch

Patrick Williamson est un poète anglais, qui vit actuellement près de Paris. Il a à présent publié une douzaine d’ouvrages de traductions et de la poésie, et récemment fait des video-poèmes (Exile pour FIFE 2014, dans la cadre du Festival franco-anglaise de poésie, et Afterwords, composition musicale de Mauro Coceano). Il a notamment édité et traduit The Parley Tree, Poets from French-speaking Africa and the Arab World (Arc Publications, RU, 2012). Derniers recueils notables : Beneficato, recueil bilingue anglais-italien (Samuele Editore, Italie, 2015), Tiens ta langue/Hold your tongue bilingue anglais-français (Harmattan, Paris 2014), Gifted (Corrupt Press, RU, 2014), Nel Santuario, (Samuele Editore, Italie, 2013 ; Mention spéciale du jury du XVe concours Guido Gozzano, en Italie, en 2014).


Knock on the roof

Non dimentico il passato
Non trascuro il presente
Non temo il futuro
Vivo

Words lost in wind, we shout above
smashing of windows

rise star of danger, sky burning,
take your place in the firmament

knock on my roof

trapped in the enclave
behind the lines

morning uncovers rubble, crunching,
how can you love the spring

the morgues are full
dead children in ice cream cabinets

your bed is a trench, house a coffin,
you are reeds that crumple in the storm

lashed by hell cannon,
this bloody helter the devil stirred,

the school is blasted
the pinpoints are merciless
the ruins hush valleys

blood for blood
one thousand deaths
to avenge one -

I can be found
in the midst of silence

the displaced scurrying
rats in their cage
this stretches our imagination,

I will
__ love

Escape, escape, escape

__
__

Inédit sauf online à I am a silent poet

Frappe sur le toit

Non dimentico il passato
Non trascuro il presente
Non temo il futuro
Vivo

Des mots qui se perdent dans le vent, nous crions
des fenêtres se brisent

se lève l’étoile du danger, ciel en feu
prenez place au firmament

frappez sur mon toit

prisonniers de l’enclave
derrière les lignes

le matin découvre des gravats, qui craquent sous les pas,
comment peux-tu aimer le printemps

les morgues sont pleines
des enfants morts dans des armoires à crèmes glacées

ton lit est une tranchée, ta maison un cercueil
vous êtes des roseaux qui se froissent dans la tempête

qu’attise le canon de l’enfer
ce chaos sanglant qu’agite le démon

l’école a été soufflée
les frappes de précision sont sans merci
les ruines réduisent les vallées au silence

du sang pour du sang
mille morts
pour en venger une seule –

on me trouvera
au milieu du silence

les déplacés qui détalent
des rats dans leur cage
cela force notre imagination

je veux
__ aimer

échapper, échapper, échapper

__
__

Traduction : Cécile Ouhmani

__

Hold your tongue

Lucio is eaten away by loneliness. La Calahorra
is a house of dialogue, and birds
full of chattering trees, at midnight the slits are occupied.

Beyond the locked gates the ghosts of the murdered,
exiled & persecuted, slip through the shadows.
hyacinths grow through cracks streaming with blood.
Roll up your sleeve, show me
the number you escaped from, those I have fled.

____ I turn round, caught
in an intricate nightmare of whitewashed walls, twisting.
My silence broken by squeals of anguish. Bestia
I toss & turn in my keep, decisions I cannot deny.
Dragging into the cold light, huddled in hurling crowds,
all doors shut and barred. Hold your tongue.

____Who owns
the wreckage of lives. Memories, names,
this book of soldiers’ home snaps, this Talmud class
chilling eyes of vanished worlds.

__
__

Publié dans Tiens ta langue/Hold your tongue, Harmattan 2014

Tiens ta langue

Lucio est rongé par la solitude. La Calahorra
est la demeure du dialogue, les oiseaux
jacassent dans les arbres, à minuit entre les pierres.

Derrière les grandes portes closes les spectres des assassinés,
des exilés, des persécutés, se glissent dans l’ombre.
des jacinthes poussent dans les fentes ruisselant de sang.
Remonte ta manche, montre-moi
les chiffres auxquels tu as échappé, ceux que j’ai fuit.

____ je me tords, pris
dans un cauchemar inextricable de murs chaulés.
Mon silence rompu par des cris d’angoisse. Bestia
je tourne en tous sens dans mon donjon, des décisions
irrévocables
Traîné dans la lumière froide, enfoui dans les foules
____qui déferlent, porte closes. Tiens ta langue.

____ Qui possède
ce gâchis de vies. Souvenirs, noms,
cet album photo de soldats entre eux, ce Talmud
de regards qui vous glacent dans un monde disparu.
__
__

Traduction : Claude Held

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Bloody Sunday

Rain drums down on the plate glass,
slashes against kitchen windows,
we fumbled to safety
curling smoke between our fingertips.

Resting at ease, the powerhouse helpers
and I wait, cloth over arm,
dignified within each charge,
the clock ticking back – to the last resort.

Only a few solitary men leant forward,
newspaper spread wide across beaten wood.
No-one touches. The air is cold.

Rain-shroud this envelope of expectancy
broken by the odd dulled click,
our time will come – the time, soon.

Rain, slash these windowpanes –
I pad across & look out
no-one coming, nothing there,
just the greyness of security.

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Publié dans Prussia Cove, Palores Publications, 2007

Sacré dimanche

Pluie, tambourine aux baies vitrées,
fouette les fenêtres de la cuisine
nous nous sommes mis à l’abri
la fumée boucle entre nos doigts.

Les robustes marmitons se reposent,
et j’attends, torchon sur l’épaule,
fier d’être en mission
le compte à rebours – le dernier recours.

Quelques-uns se penchent, le journal
est déployé sur le plancher de bois brut.
Pas un mot. L’ambiance est tendue.

Pluie, voile cette attente
que perturbe parfois le bruit sec d’un verrou.
Nervosité. Notre jour viendra – bientôt.

Pluie, fouette ces vitres –
traversant la salle à pas feutrés, je regarde
personne ne vient, rien au-delà,
seulement la grisaille, sécurité.

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Traduction : Gilles Cyr

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Beyond the stone

This precious stone set in the silver sea
and a hubbub of players at sunrise
stumbling down, leather upon mud,
mud on stone, the sullen passage

of weary steps, faces sunswept,
rain tumbling through grey, along
this southern limb of the fold
beneath which the killas buckling,

slice upon slice, reveal flood creatures
that water patterns rustled light-years ago,
a heap of jewels lodged within, as bustling
folk shortly fill the reasonable shores.

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__

Publié dans Strands, Palores Publications, 2008

Au-delà de la pierre

Cette pierre précieuse sertie dans une mer d’argent
et la mêlée des joueurs au petit matin
descendent en trébuchant, cuir sur boue,
boue sur pierre, la rumeur maussade

des pas fatigués, visages balayés par le soleil,
pluie de gris dégringolant, le long
de cette limite méridionale du parc
au-dessous de laquelle les plateaux ondulent,

couche sur couche, révèlent créatures des flots
que les desseins de l’eau ont volés il y a si longtemps,
tas de joyaux enfouis ; les gens affairés
ont tôt fait d’envahir la rive raisonnable.

__
__

Traduction : Anne Talvaz

__

Arrival

Weaving through khaki-grey crowds –
a streaming wartime orphan
clutching a leather case with labels
to Brighton, Vienna, Budapest,
the Cornish Riviera… shunted

along the shore, inlet after inlet,
the coaster halts at dead of night,
barrels plunge in, mark the spot,
the swell drives the fo’castle on,

standard bearing through
sea, ablaze in dazzling
golden heat, the prow strikes

I stumble into the undertow
foam-specked skin
dark as mahogany, dripping
a tropic night, screech

we hit the buffers
expelled air hisses
step down into grey
Penzance.

__
__

Publié dans Strands, Palores Publications, 2008

L’abordage

Filant à travers la foule kaki-gris —
un orphelin de guerre en pleurs
tenant un étui en cuir avec des étiquettes
de Brighton, Vienne, Budapest,
la riviera des Cornouailles... renvoyé

le long du rivage, anse après anse,
un caboteur s’arrête au milieu de la nuit,
et les tonneaux plongent, balisent le champ
la houle fait rouler le gaillard d’avant

et je brandis l’étendard
contre les flots, flambées éblouissantes
chaleur dorée, proue en sarabande

je trébuche au sein du ressac
peau mouchetée de l’écume
sombre comme l’acajou, ruisselante
nuit tropicale, hurlement

nous avons atteint les tampons
huées d’air expulsé
descente dans le gris
Penzance

__
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Traduction : Nimrod

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