Petr Borkovec - Extraits de Entre la fenêtre, la table et le lit - traduit par Katia Hala
La neige a disparu, le vent forcissant
frappe avec la bâche le portail en tôle.
Entendre les lamentations
au-dessus de la main affable qui s’est retirée.Par le village, on traine celui qui se lamente,
entendre ce qu’il dit d’une voix faible :
– En cette heure, cet instant,
je te dis, tu dois, tu as le devoir de venir à moi !
La neige a disparu, le vent s’est levé.Sníh slezl, plachtou mlátí
sílící vítr do plechových vrat.
Slyšet hořekování
nad vlídnou rukou, která odtáhla se.Vsí hořekujícího vlekou,
slyšet, co říká slabým hlasem :
– Při této hodině, této chvíli,
pravím ti, máš, musíš ke mně přijít ! –
Sníh slezl, vítr začal vát.
Un oiseau s’écarquilla dans la nuit noire –
ce fut comme un blasphème.
Elle se leva et vint me voir :
– Tu es encore debout ?– Oui. Et c’est surement un pêché que
rester assis ici passé minuit, seul avec une pierre.
– Ne t’abime pas les yeux, me dit-elle.
Mais moi j’entendis : – Allons-y !Do noci vytřeštil se pták –
bylo to jako rouhání.
Vstala a přišla se mě ptát :
– Ještě jsi vzhůru ? –– Ano. A jistě je to hřích
sedět tu přes půlnoc, sám s kamenem. –
– Nekaž si oči.– , řekla mi.
Ale já slyšel : – Půjdeme ! –
Paysage nocturne
– Tu l’entends l’enfant ? – C’est les chats. – Non.
Au-dessus de la table un visage, les yeux allongés par la
fatigue, sur les planches jaunes une nappe rouge sombre.
– Tu as remis une buche ? – Oui. – Écoute, là, de nouveau.Les ovales des arbres sur le versant. La nuit verte
se presse contre les panneaux de verre. L’arbre insiste
sur l’arbre, le fronton sur le fronton, la silhouette sur la
silhouette : – Laisse-moi, recule ! – La feuille implorela feuille en se tordant les mains. – Écoute, tu dois,
ça n’arrête pas. As-tu fermé à clé ? – Oui. – Au-dessus de la
table la tête tombante se frotte au sommeil.
– Tu l’entends l’enfant ? – Non.Noční krajina
– Slyšíš to dítě ? – To jsou kočky. – Ne.
– Nad stolem tvář, únavou dlouhé oči,
na žlutých prknech temně rudý plát.
– Přiložils ? – Ano. – Poslouchej, teď zas. –Ovály stromů ve svahu. Zelená tma
tlačí se na tabule skla. Naléhá
na strom strom, štít na štít, obrys na obrys :
– Povol mi, ustup ! – K listu listprosebně láme ruce. – Poslouchej, musíš,
neustává. Zamkl jsi ? – Ano. – Nad stolem
o spánek škrtá padající hlava.
– Slyšíš to dítě ? – Ne. – .
Tereza Riedlbauchová - Extraits de Tache d’encre des Caraïbes - traduit par Katia Hala
Désir
Blanche et silencieuse
silencieuse et blanche
est la nuit à Istanbul
Les gouttes réverbèrent le sable brulant
– les fleurs des arbres fruitiers
– ou peut-être même de la neige chaude ?
Le chemin argenté est immaculé
il ne laisse pas de trace au milieu
de l’intemporalité il mène de nulle part à nulle part
– au lac de plomb
– aux maisons en pierres blanches
– aux montgolfières au-dessus des temples troglodytes
Je ne sais si j’y viendrai un jour
mais déjà – Mon amour – je languis après
– ce ruisselant et si léger miel
Roumanie, juillet 2016Touha
Bílá a tichá
tichá a bílá
je noc v Istanbulu
Kapky odrážejí vypálený písek
– květy z ovocných stromů –
– nebo snad i teplý sníh ? –
Stříbrná cesta je čistá
nezanechává otisky
míří v bezčasí odnikud nikam
– k olověnému jezeru –
– k domům z bílého kamene –
– k balonům nad skalními chrámy –
Nevím, jestli tam jednou přijedu
ale už teď – Lásko – chybí mi
– lehounký stékavý med –
Rumunsko, červenec 2016
L’humilié sera élevé
Aujourd’hui en rêve tu étais assis face à moi,
suffisant et hautain,
et tu méprisais chacun de mes gestes.
Le bijou, le vêtement et le sourire tu ne les voyais pas,
ma préciosité te rendait fou de rage.Tu cherches parait-il des boites de livres rares.
Chacune avait une cachette sûre dans mon appartement,
chacune d’elle humait la douceur de ma paume.
Avant que tu – avec la froideur qui t’est propre –
n’emportasses tout me trainant
dans la rue par la même occasion.Jusqu’à ce que je tombe sur le seuil
et que de ma bouche jaillissent des étoiles
alors enfin tu as pleuré
– non sur moi – mais sur toi
et sur ton destin vide.Ponížený bude povýšen
Dnes ve snu jsi naproti mně seděl,
sebejistý a povýšený,
a pohrdal každým mým pohybem.
Šperk, šat a úsměv jsi neviděl,
můj detail tě doháněl k zuřivosti.Prý hledáš krabice od vzácných knih.
Každá měla bezpečný úkryt v mém bytě,
nasávala hebkost mé dlaně.
Než jsi – s chladem sobě vlastním – vše
odvezl a mě přitom vyvlekl na ulici.Až jsem padla na práh
a z úst mi šlehaly hvězdy,
konečně jsi zaplakal
– ne nade mnou – ale nad sebou
a nad svým prázdným osudem.
Jouissance
Enfin le silence
personne n’appelle, n’écrit
et ne demande rienDans la rue le serpent se meut
voiture – autobus – tramway
et la foule se déversant de VŠE
a chaussé son chapeau de parapluies
çà et là scintillent
de l’orange – du jaune – de l’arc-en-cielIl pleut
et à l’intérieur le silence
rien ne bougeJe vais petit-déjeuner
Slast
Konečně je ticho
nikdo nevolá, nepíše
a nic si nevyžadujePo ulici se sune had
auto – autobus – tramvaj
a dav proudící z VŠE
si nazul klobouk deštníků
tu a tam zazáří
oranžová – žlutá – duhováPrší
a uvnitř je ticho
nic se nehýbePůjdu posnídat
Petr Borkovec, né en 1970 à Louňovice pod Blaníkem. Poète, écrivain, traducteur, auteur de livres pour enfants. De 2005 à 2023, il a été programmateur et animateur du café littéraire Fra à Prague. Il écrit régulièrement des textes pour la station de radio Vltava, les magazines A2, Qartál et I-littérature. Il enseigne à la Chaire de création littéraire de l’Université des arts de Prague.
Tereza Riedlbauchová (1977, Prague) poétesse, éditrice, historienne de la littérature. Tereza Riedlbauchová a étudié la langue et la littérature tchèques ainsi que le français à la Faculté des lettres de l’Université Charles de Prague. Elle a obtenu un doctorat en histoire de la littérature tchèque. Elle a également obtenu un Master 2 à la Sorbonne (Université Paris 4) où elle a été lectrice de tchèque de 2007 à 2011.
Elle a ensuite travaillé jusqu’en 2017 en tant que conseillère de recherche et directrice adjointe du Musée de la littérature à Prague. Depuis elle se consacre surtout à l’écriture et à l’édition.
Katia Hala (née en 1977 à Prague, vivant principalement en France depuis 1983) est traductrice, metteuse en scène et conférencière.
Un entretien avec Norman Gourrier-Warnberg, sur Terre à Ciel : Collection Poésie Contemporaine LUA - éditions Les Carnets du Dessert de Lune
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