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« Le monde vivable » (extraits) de Claudia Azzola

vendredi 12 janvier 2018, par Roselyne Sibille

Traduction : Angèle Paoli

1 - SIESTA

Al giro degli astri statti accorto,
all’aprés-midi, unica infinità
del giorno, siesta delle membra,
ed è sole con cibo, nostra nutrizione.

Statti accorto – la forma è tenebrosa,
forma è animale, strofe cardiache
nell’ora di Pan intrinseche alla danza.
Orbisaquarum,
il solco, il sottosuolo, la spiga,
pane e crusca, le miche sulla terra,
orbisterrarum,

domani albeggia
quanto ancora potrai accettare ?
Quanto tempo ci sarà per accettare ?

SIESTE

Prends garde à la course des astres,
à l’après-midi, une et infinie
du jour, à l’engourdissement du corps,
avec le soleil pour aliment, notre nourriture.

Prends garde–la forme est ténébreuse,
la forme est animale, soubresauts cardiaques
inhérents à la danse à l’heure de Pan.
Orbisaquarum,
le sillon, le sous-sol, l’épi,
pain et son, des miettes sur la terre,
Orbisterrarum,

demain commence à poindre
combien de fois encore pourras-tu te résigner ?
combien de temps encore avant de te résigner ?

2 - MIGLIAIA, NESSUNO…

Migliaia hanno vissuto senza amore
nessuno senza attorno il guerreggiare ;
il Paese si struttura in fabbricati
canalizzazioni religioni
cantieri campi di campagne
snodi ferroviari, sfociano fiumi
in fiumi, nel mare s’apre il delta,
espansione, ghiaccio, scioglimento.
Disboscano, prosciugano, e va via
il lavoro, lo portano via,
allungano la febbre in corpo
e tomba, debilitano l’albero
psichico, accorpano, spianano,
migliaia s’allungano a strappare
il frutto, sono braccia nere e bianche,
nella mezzombra colgono i fichi.

DES MILLIERS, PLUS PERSONNE…

Des milliers de gens ont vécu sans amour
nul n’a vécu sans guerroyer tout autour ;
le Pays est quadrillé de bâtiments
de canalisations de religions
de chantiers de champs
de nœuds ferroviaires, les fleuves se jettent
dans les fleuves, le delta s’ouvre dans la mer,
expansion, glace, fonte.
On déboise, on assèche, et adieu
le travail, on l’emporte ailleurs,
on fait monter la fièvre dans le corps
puis le tombeau, on affaiblit l’arbre
psychique, on fusionne, on aplanit,
des milliers de gens tendent les bras pour attraper
le fruit, des bras noirs et blancs,
dans la pénombre ils cueillent les figues.

3 - SPROFONDO

è che la poca luce spegne i fiori
la prima imago del mattino
mettere su quattro buone cose
avendo un pugno al cuore duro dura
essenza del tronco connessione
tronca del dir parlare vile
d’illanguidita qualità umana
terreno acido per il seme
guado melmoso fase buia vuoto
tigna corrode
sprofondo

JE M’ENLISE

voilà que la lumière s’affaiblit et que fanent les fleurs
première imago du matin
se fixer quatre points constructifs
poing serré sur le cœur dure
quintessence du tronc connexion
troncage du dire viles paroles
de languidité bien humaine
terrain acide pour la semence
gué fangeux phase obscure vide
la teigne ronge
je m’enlise

4 - CABARET DADA

Applausi, volti conosciuti, scena
di teatro, il cabaret Voltaire,
sberleffi alla gente bella e seria ;
e paladini di libertà e diritti
trasmigrati nelle suburre,
vi abbiamo ritrovati, su scalini
e pietra e scaloni e marmo, in groppa
alla testuggine tetra e porosa,
nella vita tranchante dell’eremita,
e gli attori quando vanno,
automati si fanno avanti, bestioni,
carcere, mondo quieto,
quietudine, despota tra gli uomini.

CABARET DADA

On applaudit, visages célèbres, scène
de théâtre, le cabaret Voltaire,
pieds-de-nez aux belles et sérieuses personnes ;
vous les champions de la liberté et des droits
qui avez migré dans les banlieues,
on vous a retrouvés, sur les escaliers
de pierres et les perrons de marbre,
à cheval sur la tortue sombre et poreuse,
dans une vie qui tranche avec celle de l’ermite,
les acteurs quand ils vont et vont,
se font automates, monstres,
prison, monde de paix
et de quiétude, un tyran au milieu des hommes.

5 - HA FATTO BRECCIA UNA LETTERA ANTICA

Ha fatto breccia una lettera antica :
colava mali longevi con tempesta,
giunti per posta, e tare della specie :
si spacca il mallo, il ditirambo
genesi della tragedia, il coro greco,
negati dai cronisti-scrittori
così per dire, del romanzo,
vocabolario…ordinario !
Ci metto la tacchetta gialla,
a futura memoria, ieratico trifoglio,
auspicio, ventura : per concludere.
E sciacqua il fortunale, tempesta batte.

LA LETTRE

Une lettre oubliée a fait irruption :
elle fait état de maux orageux qui remontent à loin,
transmis par la poste, et de niaiseries du genre :
on décortique la noix, le dithyrambe
origine de la tragédie, le chœur grec,
bannis par les écrivains de la critique
romanesque, si l’on peut dire,
un vocabulaire… on ne peut plus ordinaire !
je mets un petit signet jaune,
pour m’en souvenir, trèfle magique,
auspice ou hasard : pour mettre un point final.
Et c’est là que la bourrasque lessive tout, que la tempête bat son plein.

6 - UN BRINDISI

Metti le labbra all’orlo del bicchiere
la bevanda, dài, trangugiando
dal bicchiere soffuso da un velo ;
fermentazione che passa in cuore,
miele poetico, e nel vetro, allargando,
toccare il vastissimo occidente
dei camminatori del mondo.
Forte sia il brindisi, che schifa
il potere degli astuti demiurghi ;
fosse il Bardo con noi, dice,
it is high time e la candela oscilla.
Forte sia il tempo suscitato contro
l’assetto sociale dei beffati,
porgi la gola
a un nuovo ordine del mondo.

UN TOAST

Pose les lèvres sur les bords du verre,
du verre tamisé par un voile
allez, ingurgite ton breuvage ;
c’est par le cœur que transite le ferment,
miel poétique, et à travers le verre,
en portant plus loin ton regard,
touche l’immense occident
des pèlerins du monde.
Que le toast soit franc, qu’il dédaigne
le pouvoir des démiurges retors ;
si le Barde pouvait être avec nous, dit-il,
it is high time, et la flamme vacille.
Redoutables sont les forces du temps qui se lèvent
contre l’ordre social des bafoués,
tu tends la gorge
à un nouvel ordre du monde.


Notices bio-bibliographiques

Claudia Azzola, poète et traductrice, participe ces dernières décennies à des lectures poétiques et a été publiée en revues et anthologies, dont Versi d’amore di autriciitalianecontemporanee (Corbo e Fiore, Venezia, 1982). Parmi ses recueils, on note : Viaggio sentimentale, Book, Bologna, 1995, Il colore della storia, Campanotto, Udine, 2002, È mia voce tramandare, Signum Edizioni d’Arte, 2004, Il poema incessante (monographie en complément au magazine Testuale, 2007). La Vegliad’Arte, La Vita Felice, ed. Milano, 2014. Il mondo vivibile, La Vita Felice, 2016. Et c’est par cet éditeur qu’elle a publié Parlare a Gwinda, recueil de nouvelles écrites sur le mode de la deuxième partie du XIXème sans le plot, mais basée sur l’introspection du personnage et la recherche sur le langage.
Depuis 2005, elle est fière de publier et de diriger les carnets Traduzionetradizione, revue annuelle dédiée à la traduction poétique et aux avant-gardes littéraires du Novecento, et de travailler en collaboration avec des auteurs de renommée internationale.

Lien vers le site de Traduzionetradizione : www.traduzionetradizione.com

Angèle Paoli : Pour retrouver Angèle Paoli en tant que poète sur Terre à ciel : https://www.terreaciel.net/ecrire/?...

Une note de lecture sur Italies Fabulae d’Angèle Paoli par Michèle Finck sur Terre à ciel : https://www.terreaciel.net/Italies-...

Pour accéder à son site Terre de femmes : web-revue de poésie et de critique...

(Page réalisée grâce à la complicité de Roselyne Sibille)


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