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Carlos Roberto Gómez Beras - Traduction par Miguel Ángel Real

mercredi 27 octobre 2021, par Cécile Guivarch

Avec l’aimable autorisation de l’auteur

PAISAJE HUMANO

Bajo los párpados
Los precipicios del ego
Las selvas de la complacencia
Los callejones de la mezquindad
Las cimas de la angustia
Las urbes de la soledad.
Óleo que permanece.

Fuera, la acuarela de lo aparente.
Las posesiones, los muros y los cuerpos.

PAYSAGE HUMAIN

Sous les paupières
Les précipices de l’ego
Les jungles de la complaisance
Les ruelles de la mesquinerie
Les sommets de l’angoisse
Les métropoles de la solitude.
Huile qui reste.

Dehors, l’aquarelle de l’apparence.
Les possessions, les murs et les corps.

LA PESTE

Las grandes tragedias,
con sus voces pobladas de ausencias
con sus gestos cercenados de suerte
con sus caminos ciegos de impotencia,
nos acorralan, nos incautan
y nos exigen rescatar al niño ingenuo
que espera en el banco del parque.
Por eso el amor es siempre
la más feroz de todas las calamidades.

LA PESTE

Les grandes tragédies,
avec leurs voix peuplées d’absences
avec leurs gestes à la chance écourtée
avec leurs chemins aveugles d’impuissance,
nous traquent, nous happent
et nous exigent de sauver l’enfant naïf
qui attend sur le banc dans le parc.
C’est pour cela que l’amour est toujours
la plus féroce de toutes les calamités.

LA POESÍA

Luego de tantas palabras,
lloviznas y atardeceres
creo que, a veces, he logrado
reunir en un feliz intento
un deseo con su adjetivo
un olvido con su pronombre
un gesto con su adverbio.
Alquien pensará que así logro
espantar la vil soledad
con ese amuleto inexplicable.
Otro pregonará que así logro
seducir la muerte
con ese rosario intoxicado.
Pero nadie conoce las bondades
de este oficio empedernido
de ensartar quejidos y silencios.

LA POÉSIE

Après tant de mots,
de bruines et de couchers de soleil
je crois que parfois, j’ai réussi
à réunir dans une tentative heureuse
un désir avec son adjectif
un oubli avec son pronom
un geste avec son adverbe.
Certains penseront que je parviens ainsi
à chasser la solitude vile
avec cette amulette inexplicable.
D’autres annonceront que je parviens ainsi
à séduire la mort
avec ce chapelet intoxiqué.
Mais personne ne connaît les bontés
de ce métier invétéré
où l’on enfile les plaintes et silences.

De Aposento, Ed. Isla Negra, Puerto Rico, 2019

Pero nadie preguntará por nosotros
que alguna vez fuimos eternos
como dos ánforas llenas de vino.

Pero nadie nos dedicará una tonada,
un dia festivo o una calle
porque solo estaremos vivos.

Ambos haciendo lo que mejor sabemos :
tú, fingiendo que estás alegre
yo, fingiendo que estoy triste.

Mais personne ne s’inquiétera pour nous
qui une fois fûmes éternels
comme deux amphores remplies de vin.

Mais personne ne nous consacrera une chanson,
un jour férié ou une rue
parce que nous serons seulement vivants.

On fera tous les deux ce que nous savons mieux faire :
toi, tu feras semblant d’être heureuse
moi, je ferai semblant d’être triste.

ALBA

Tu alma es el alba
que cierra el sueño
que abre los días.

Dormida o insomne
caminaste descalza
entre el recuerdo.

Lenta de sombras
y herida por el hastío
tropezaste contigo misma.

Lo que tu huella deja atrás
no son los desechos
de las horas y los gestos.

No, míralos cómo gimen,
son los cadáveres
de tus intentos
por alcanzar el infinito.

AUBE

Ton âme est l’aube
qui clôt le sommeil
qui ouvre les journées.

Endormie ou éveillée
tu marchais pieds nus
parmi le souvenir.

Ralentie par les ombres
et blessée par la lassitude
tu trébuchas avec toi-même.

Ce que ta trace laisse derrière
ne sont pas les déchets
des heures et des gestes.

Non, regarde les gémir,
ce sont les cadavres
de tes tentatives
pour atteindre l’infini.

INVENTARIO

La luna que besó tu rostro antes de ser pasado.
La torre del reloj que imitaba tu cuerpo distante.
Tus pasos primeros en el quicio de la nada.
Tus buenos modales carcomidos por cierto ácido.
La mujer que eras cuando todo era un umbral.

Si, te deseé, pero no hablemos de cosas perdidas.
La nostalgia es un refugio para quienes han amado.

INVENTAIRE

La lune qui embrassa ton visage avant qu’il ne devienne passé.
La tour de l’horloge qu’imitait ton corps distant.
Tes premiers pas à l’orée du néant.
Tes bonnes manières vermoulues par un acide quelconque.
La femme que tu étais quand tout était un seuil.

Oui, je t’ai désirée, mais ne parlons pas des choses qu’on a perdues.
La nostalgie est un refuge pour ceux qui ont aimé.

UN BODEGÓN

Sobre la mesa blanca
hemos colocado el corazón.
El tuyo está repleto y húmedo
como una ciruela que se estrena.

El mío está arrugado e incierto
como una manzana en una pérdida.
¿Quién ha dicho temor en esta misa
donde cada uno ya ha dejado,
como un festín, la piel y los huesos ?

No hay otra ofrenda posible
que no sea arrojar a la verdad
el vino amargo de la nostalgia
y el pan viejo de lo callado.

Después, el mundo quedará
inerte, opaco, lejano pero latiendo
como quedan las cosas
cuando las hemos extraviado

NATURE MORTE

Sur la table blanche
nous avons placé le cœur.
Le tien est rempli et humide
comme une prune qui débute.

Le mien est ridé et incertain
comme une pomme lors d’une perte.
Qui craint quelque chose dans cette messe
où chacun a déjà laissé,
comme lors d’un festin, la peau et les os ?

Il n’y a pas d’autre offrande possible
sauf celle de jeter à la réalité
le vin amer de la nostalgie
et le pain vieux de ce qu’on ne dit pas.

Après, le monde restera
inerte, opaque, lointain mais dans un battement
comme restent les choses
quand nous les avons égarées.

De Un largo suspiro Ed. Isla Negra, Puerto Rico, 2021

Carlos Roberto Gómez Beras (République Dominicaine, 1959)

Prix National de Littérature en 2019 pour son recueil Aposento - Cinq fois Prix National de Poésie de Porto Rico : Viaje a la noche (1989), Mapa al corazón del hombre (2012), Errata de fe (2015), Árbol (2017), Sólo el naufragio (2018).
Il a également publié La paloma de la plusvalía y otros poemas para empedernidos (1996), Aún (2007), Utánad (2008, édition bilingue hongrois-espagnol, Ed. Orpheusz, Budapest, Trad. María Teresa Reyes et Georges Ferdinandy), Sobre la piel del agua (2011, Anthologie personnelle, Ed. Arte y Literatura, La Havane). Arbol a été publié dans une édition bilingue serbe-espagnol en 2018, sous le titre Drvo, ed. Obodsko Slovo & Stampar Makarije, Monténégro, Trad. Silvia Monros).
Ses poèmes ont été traduits en français, anglais, italien, estonien et allemand, publiés dans des revues nationales et internationales et inclus dans des anthologies des Caraïbes et d’Amérique Latine.
En 2013, il fut invité par Marquette University dans le cadre de la bourse A. W. Mellon.

Miguel Ángel Real

Né en 1965, il poursuit des études de français à l’Université de Valladolid (Espagne), sa ville natale. Agrégé d’espagnol, il enseigne au Lycée de Cornouaille à Quimper.
En tant qu’auteur, ses poèmes en espagnol ont été publiés dans les revues La Galla Ciencia, Fábula, El Coloquio de los Perros et Saigón (Espagne), Letralia (Venezuela), Santa Rabia (Pérou) Marabunta, El Humo et La Piraña (Mexique), ainsi que dans l’anthologie de poésie brève Gotas y hachazos (Ed. PÁRAMO Espagne, décembre 2017).

[...]

Il se consacre aussi à la traduction de poèmes, seul ou en collaboration avec Florence Real ou Marceau Vasseur. Ses traductions ont été publiées par de nombreuses revues en France (Passage d’encres, Le Capital des mots, Mange-Monde, Recours au poème) Espagne (La Galla Ciencia, Crátera, El Coloquio de los Perrros) et Amérique (Low-Fi Ardentia-Porto Rico, La Piraña-Mexique). Dans cette dernière publication il dirige deux sections de traduction nommées « Le Piranha Transocéanique » et « Ventana Francesa ».
Il fait partie de l’équipe de rédaction de la revue poétique espagnole Crátera.

Lire biographie complète et poèmes sur Terre à ciel


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