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Nivaria Tejera traduite par Nicole Laurent-Catrice

mercredi 12 octobre 2016, par Cécile Guivarch

Nivaria TEJERA est née en septembre 1933 à Cienfuegos (Cuba) de mère cubaine et père canarien. Sa famille part en Espagne en 1934 quand la guerre civile les surprend. Son père est emprisonné par Franco de 1936 à 1939 date à laquelle la famille retourne à Cuba.

Nivaria publie son premier livre de poèmes en 1949 Luces y piedras (Lumières et pierres). Elle publie son premier roman El barranco (Le ravin) qui paraît en France chez Nadeau en 1956, traduit par Claude Couffon. C’est l’histoire de l’enfant qu’elle fut dont le père est prisonnier politique. Elle participe à la lutte révolutionnaire contre le dictateur Batista.
A l’avènement de Fidel Castro elle est nommée Attachée Culturelle à Rome et à Paris. Elle découvre en Castro une autre forme de dictature et en 1976, bien que sans ressources, décide de rester à Paris. Elle publie alors en Espagne un recueil de poèmes : La barrera fluídica o París escarabajo paru à Paris sous le titre Paris Scarabée (éditions Ulysse/fin de siècle) dont seront extraits les poèmes présentés ici, traduits par Nicole Laurent-Catrice.

En 1970 elle publie en Espagne Somnámbulo del sol traduit par Adelaïde Blasquez et publié chez Actes-Sud sous le titre Somnambule du soleil. Suivront chez le même éditeur en 1986 une réédition de Le ravin, puis Fuir la spirale traduit par Jean-Marie Saint-Lu. J’attends la nuit pour te rêver, Révolution traduit par François Vallée est publié en 2002 chez l’Harmattan. Enfin son dernier roman Trouver un autre nom à l’amour traduit par François Vallée est publié en 2015 à La Contre Allée.

Nivaria Tejera nous a quittés le 6 janvier 2016, à Paris, suivie de quelques mois par son époux le peintre Hanton.

AQUÍ señor todo el mundo con catarro
El vecino
La llave del agua
La ventana
El perro invisible que cuida mis pies
Uno y otro vecino
La radio
Los automóviles que tosen a la puerta del mercado
Usted
Mis huesos
ICI monsieur tout le monde est enrhumé
Le voisin
Le robinet
La fenêtre
Le chien invisible qui prend soin de mes pieds
Un voisin et puis l’autre
La radio
Les voitures qui toussent à la porte du marché
Vous
Mes os

__

Si alguien llama a mi puerta dile que mi corazón es una isla
O más bien un conejo
O aún mi corazón
Porque no hay que dar miedo al que pasa
A ti tampoco mi hija dormida como una pequeña paloma
Mientras que la lluvia cae
Más allá de los muros más allá de los fusiles
Lejos de todas las fronteras
Mientras que los aviones dibujan lineas terribles en el cielo
Caminos que sólo atraviesan los hombres transparentes
Como la lluvia al sol

La noche cae la mañana cae
Sepulcro y naranjas y viento y primavera
Pan caliente tierra húmeda

Cada bala del mundo penetra en mi corazón
Yo canto por el que quería cantar y a quien han llenado la boca de
Pólvora
Yo canto por el que quiera cantar y tiene miedo de cantar
Yo canto por mi misma como el grillo como el gallo como el
Viento
Si quelqu’un frappe à ma porte dis-lui que mon cœur est une île
Ou bien un lapin
Ou mon cœur encore
Car il ne faut pas faire peur à celui qui passe
A toi non plus ma fille endormie comme une petite colombe
Tandis que tombe la pluie
Au-delà des murs au-delà des fusils
Loin de toutes les frontières
Tandis que les avions dessinent des lignes terribles dans le ciel
Des chemins que ne traversent que les hommes transparents
Comme la pluie au soleil


La nuit tombe le matin tombe
Sépulcre et oranges et vent et printemps
Pain chaud terre humide

Chaque balle du monde pénètre dans mon cœur
Je chante pour celui qui aimait chanter et dont on a bourré la bouche de
Poudre
Je chante pour celui qui veut chanter et a peur de chanter
Je chante pour moi même comme le grillon comme le coq comme le
Vent

__

CADA hombre lleva dentro de si mismo
Un perro solitario que erra y que grita sin detenerse nunca
Un perro que muerde la luna y que come estrellas
Y se nutre de esa nada
Una ventana de hierro plena de arañas que no se abre nunca
Y también viejas poderosas hormigas que van tan lejos
Que no puede uno seguirlas
Y un polvo que gira siempre
Como gira la oscuridad del ciego en el mundo
Cada hombre lleva dentro de si mismo
Una noche enorme
(Que ni la soledad puede habitarla)
Una tierra pertinaz húmeda y negra
Que lo hunde
Lentamente
Pacientemente
En la muerte
CHAQUE homme porte en lui
Un chien solitaire qui erre et hurle sans arrêt
Un chien qui mord la lune et les étoiles
et se nourrit du néant
Une fenêtre rouillée pleine d’araignées qui ne s’ouvre jamais
Et de vieilles et puissantes fourmis qui vont si loin
Qu’on ne peut les suivre
Et une poussière qui tourne tourne
Comme tourne la nuit de l’aveugle dans le monde
Chaque homme porte en lui
Une nuit énorme
(Même la solitude ne peut l’habiter)
Une terre infiniment humide et noire
Qui l’enfonce
Lentement
Patiemment
Dans la mort

in París escarabajo

Dossier présenté par Nicole Laurent-Catrice


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