Nivaria TEJERA est née en septembre 1933 à Cienfuegos (Cuba) de mère cubaine et père canarien. Sa famille part en Espagne en 1934 quand la guerre civile les surprend. Son père est emprisonné par Franco de 1936 à 1939 date à laquelle la famille retourne à Cuba.
Nivaria publie son premier livre de poèmes en 1949 Luces y piedras (Lumières et pierres). Elle publie son premier roman El barranco (Le ravin) qui paraît en France chez Nadeau en 1956, traduit par Claude Couffon. C’est l’histoire de l’enfant qu’elle fut dont le père est prisonnier politique. Elle participe à la lutte révolutionnaire contre le dictateur Batista.
A l’avènement de Fidel Castro elle est nommée Attachée Culturelle à Rome et à Paris. Elle découvre en Castro une autre forme de dictature et en 1976, bien que sans ressources, décide de rester à Paris. Elle publie alors en Espagne un recueil de poèmes : La barrera fluídica o París escarabajo paru à Paris sous le titre Paris Scarabée (éditions Ulysse/fin de siècle) dont seront extraits les poèmes présentés ici, traduits par Nicole Laurent-Catrice.
En 1970 elle publie en Espagne Somnámbulo del sol traduit par Adelaïde Blasquez et publié chez Actes-Sud sous le titre Somnambule du soleil. Suivront chez le même éditeur en 1986 une réédition de Le ravin, puis Fuir la spirale traduit par Jean-Marie Saint-Lu. J’attends la nuit pour te rêver, Révolution traduit par François Vallée est publié en 2002 chez l’Harmattan. Enfin son dernier roman Trouver un autre nom à l’amour traduit par François Vallée est publié en 2015 à La Contre Allée.
Nivaria Tejera nous a quittés le 6 janvier 2016, à Paris, suivie de quelques mois par son époux le peintre Hanton.
AQUÍ señor todo el mundo con catarro El vecino La llave del agua La ventana El perro invisible que cuida mis pies Uno y otro vecino La radio Los automóviles que tosen a la puerta del mercado Usted Mis huesos |
ICI monsieur tout le monde est enrhumé Le voisin Le robinet La fenêtre Le chien invisible qui prend soin de mes pieds Un voisin et puis l’autre La radio Les voitures qui toussent à la porte du marché Vous Mes os |
__
Si alguien llama a mi puerta dile que mi corazón es una isla O más bien un conejo O aún mi corazón Porque no hay que dar miedo al que pasa A ti tampoco mi hija dormida como una pequeña paloma Mientras que la lluvia cae Más allá de los muros más allá de los fusiles Lejos de todas las fronteras Mientras que los aviones dibujan lineas terribles en el cielo Caminos que sólo atraviesan los hombres transparentes Como la lluvia al sol La noche cae la mañana cae Sepulcro y naranjas y viento y primavera Pan caliente tierra húmeda Cada bala del mundo penetra en mi corazón Yo canto por el que quería cantar y a quien han llenado la boca de Pólvora Yo canto por el que quiera cantar y tiene miedo de cantar Yo canto por mi misma como el grillo como el gallo como el Viento |
Si quelqu’un frappe à ma porte dis-lui que mon cœur est une île Ou bien un lapin Ou mon cœur encore Car il ne faut pas faire peur à celui qui passe A toi non plus ma fille endormie comme une petite colombe Tandis que tombe la pluie Au-delà des murs au-delà des fusils Loin de toutes les frontières Tandis que les avions dessinent des lignes terribles dans le ciel Des chemins que ne traversent que les hommes transparents Comme la pluie au soleil La nuit tombe le matin tombe Sépulcre et oranges et vent et printemps Pain chaud terre humide Chaque balle du monde pénètre dans mon cœur Je chante pour celui qui aimait chanter et dont on a bourré la bouche de Poudre Je chante pour celui qui veut chanter et a peur de chanter Je chante pour moi même comme le grillon comme le coq comme le Vent |
__
CADA hombre lleva dentro de si mismo Un perro solitario que erra y que grita sin detenerse nunca Un perro que muerde la luna y que come estrellas Y se nutre de esa nada Una ventana de hierro plena de arañas que no se abre nunca Y también viejas poderosas hormigas que van tan lejos Que no puede uno seguirlas Y un polvo que gira siempre Como gira la oscuridad del ciego en el mundo Cada hombre lleva dentro de si mismo Una noche enorme (Que ni la soledad puede habitarla) Una tierra pertinaz húmeda y negra Que lo hunde Lentamente Pacientemente En la muerte |
CHAQUE homme porte en lui Un chien solitaire qui erre et hurle sans arrêt Un chien qui mord la lune et les étoiles et se nourrit du néant Une fenêtre rouillée pleine d’araignées qui ne s’ouvre jamais Et de vieilles et puissantes fourmis qui vont si loin Qu’on ne peut les suivre Et une poussière qui tourne tourne Comme tourne la nuit de l’aveugle dans le monde Chaque homme porte en lui Une nuit énorme (Même la solitude ne peut l’habiter) Une terre infiniment humide et noire Qui l’enfonce Lentement Patiemment Dans la mort |
in París escarabajo
Dossier présenté par Nicole Laurent-Catrice