Poème pour les oiseaux, Gary Snyder, traduction Marie-Christine Masset, Editions Le Castor Astral
Comment avez-vous connu l’œuvre de Gary Snyder et qu’est-ce qu’elle a provoqué en vous de si important pour que vous ayez envie de traduire Poème pour les oiseaux ? Que vous inspire sa poésie ?
La traduction d’un recueil de poésie est toujours en soi toute une histoire. J’ai découvert Gary Snyder pour la première fois lors de la lecture du livre de Jerome Rothenberg Les Techniciens du sacré dans un addenda, il s’agissait du poème Premier chant du Chaman, extrait de Myths & Texts, traduit par Yves di Manno. Je me suis précipitée sur la version originale de l’œuvre, je l’ai lue, j’ai contacté Jean-Yves Reuzeau, cofondateur des éditions Le Castor Astral, il m’a exprimé tout son intérêt pour une traduction intégrale du recueil. J’aime cette poésie tout droit jaillie d’une antre que je dirais sacrale. Associer dès le titre les mythes aux textes, lire ici stratifications terrestres, ces formes du visible comme le formule si justement Philippe Descola, était un appel, une force, auxquelles je ne pouvais échapper. La poésie de Snyder est expression première du monde et des peuples, amour essentiel de la nature, du vivant. Ethno-poésie, oui, si on ajoute l’engagement politique de Snyder. La traduction d’une œuvre, quelle qu’elle soit, pour me prendre vive, doit être liée à une force essentielle, la primauté d’un combat, et en ce qui concerne Snyder, elle implique la protection et l’amour du vivant et les résonnances des mythes dans chacun de ses pas, gestes et mots. Je ne peux me soustraire aux Peuples Premiers, la culture amérindienne sillonne l’œuvre de Snyder, il est poète mais il est aussi celui qui reprend en force et beauté dans Poème pour les oiseaux les rites et les chants des Mohave ou des Kawakiult. La poésie de Snyder est le healing tant attendu, cette réparation nécessaire, elle chante la beauté atemporelle d’une culture (mais pas que) et véhicule chaque vibration des mythes qui la constituent. Traduire exige qu’en soit perçu et restitué chaque son. Ainsi, autre nécessité de guérison, avais-je traduit Le Versant noir de Kevin Gilbert, premier Aborigène, avec Noonuccal Oodgeroo, à avoir été publié en Australie et en France bien des années plus tard, grâce encore aux éditions du Castor Astral. Snyder se dilue dans les cultures et traditions qu’elles soient amérindienne, japonaise, chinoise, indienne, bouddhiste, il est ce chaman-poète, ce poète guérisseur, qui répare et ouvre des voies. Sa poésie que je qualifierais de première est salutaire.
Et d’abord qui est Gary Snyder ?
Gary Snyder est né en 1930 à San Francisco. Il vit jusqu’à l’âge de douze ans à Salt Lake City dans l’État de Washington puis à Portland dans l’Oregon où s’éveille son intérêt pour la culture amérindienne. À quinze ans, il gravit le Mont Saint Helens et écrit ses premiers poèmes à l’âge de douze. La revue d’étudiants Janus les accueille. En 1951, il obtient un diplôme en anthropologie et littérature, il devient ami avec Lew Welch et Philip Whalen et partage avec eux une maison à Portland. À dix-huit ans, après avoir rejoint en auto-stop New-York, il s’embarque pour la Colombie sur un navire marchand. Il travaille sur un chantier de fouilles archéologiques, part en stop à San-Francisco où Whalen l’initie au Zen. Il travaille comme bûcheron dans l’Oregon, il y rédige The Berry Feast, poème qu’il lit à la Six Gallery en octobre 1955, en compagnie des poètes de la Beat Generation, ou culture souterraine américaine, amorce de la San Francisco Renaissance. En 1953, il travaille à nouveau comme guetteur d’incendies, Whalen s’engage aussi, et l’un et l’autre communiquent par radio. C’est ici, dans l’État de Washington, dans la forêt nationale du Mont Baker sur la montagne Sourdough qu’il écrit Mythes & Textes, écriture qu’il poursuit jusqu’en 1958. Il commence des études en langues et cultures orientales, il est le Japhy des Clochards Célestes de Kerouac : « Japhy était plein d’entrain « Je vais composer un nouveau poème, très long… » ». En 1957, il travaille pendant huit mois dans la salle des machines d’un navire et visite entre autres le Golfe Persique, l’Italie, les Îles Ôkinawa… En 1967, au sud du Japon, il fonde à Swanose un ashram où il vit de nombreuses années. Il achète des terres avec Allen Ginsberg à San Juan Ridge dans la Sierra Nevada, il y construit sa maison Kitkitdizze (nom d’une plante locale). Il y met en œuvre ses pratiques bio-régionales. C’est de cette même maison que Lew Welch part le 23 mai 1971, après avoir écrit un mot et pris un pistolet, pour disparaître dans la Sierra. Dans sa biographie de Snyder écrite à New-York en 1989, Allen Ginsberg écrit : avec le temps, Snyder se mue en philosophe militant de l’espace sauvage, intègre le karma écologique de la planète à la vision communautaire authentique de la poésie amérindienne. Construit sa maison dans une forêt de chênes noirs et de pins ponderosa qui ressemble à un parc national, à 1000 mètres d’altitude sur le versant occidental des Sierras ; y travaille pendant deux décennies avec sa femme Masa Uehara et leurs fils Kai et Gen. En hommage à son ami Lew Welch, Gary Snyder a fondé en 1974, une communauté zen et bouddhiste The Ring of Bone Zendo sur la montagne San Juan Ridge en Californie. Gary Snyder a traduit de nombreux textes philosophiques et gnomiques indiens, japonais et chinois. Il a fortement aidé à la propagation du bouddhisme zen aux États-Unis. Kenneth White dans son livre Gary Snyder Biographie poétique (traduit par Matthieu Dumont et paru aux éditions Wildproject) résume en quelques mots le personnage : anarcho-bouddhiste-Kwakiut. Jack Kerouac dit quant à lui qu’il est le type le plus intelligent que nous ayons jamais rencontré. Snyder a écrit à ce jour 33 livres incluant des recueils de poésie, des essais, et des traductions. Il a obtenu en 1975, le prix Pulitzer pour son recueil L’Île Tortue.
Est-ce-que Poème pour les oiseaux est différent, selon vous, des autres livres de Snyder ? Que révèle ce beau titre selon vous ?
Poème pour les oiseaux est le titre choisi pour l’édition en français de Myths & Texts. En fait, il s’agit du titre d’un poème du recueil. Nous l’avons trouvé aussi trouvé très beau. Merci ! Il évoque un tout et en même temps suggère avec les envols des oiseaux et leurs traversées tout ce à quoi aspire Snyder, à savoir que le poème écrit soit lu et essaime ailleurs, à travers l’espace, le temps et les cultures. La portée du titre original dans une traduction littérale aurait été amoindrie. Dans un de ses essais, L’écriture de la nature, Snyder écrit : tout texte est un stock d’informations qui traversent le temps. La stratigraphie des roches, les couches de pollen dans un marécage, la croissance en cercles concentriques d’un tronc d’arbre, peuvent être considérés comme des textes. La calligraphie des fleuves qui tantôt avancent, tantôt se retirent laissent des couches qui témoignent d’anciens lits de rivière est un autre texte. Ce qui explicite merveilleusement bien le titre anglais et la portée écologiste et philosophique du livre. Poème pour les oiseaux a été publié en 1960, il s’agit du deuxième recueil de Snyder après Riprap, paru lui en 1955, dont la traduction par Jérôme Dumont a paru aux éditions Héros-Limite en mai 2023. Riprap est né au cœur du parc Yosemite sous l’influence géologique, nous dit Snyder, de la Sierra Nevada. Poème pour les oiseaux est écrit, lui, comme je le disais plus haut, en pleine forêt du Mont Baker sur la montagne Sourdough. La nature profonde est la source d’inspiration première de Snyder. Il affirme que les rythmes de ses poèmes suivent ceux du travail physique qu’il accomplit et de la vie qu’il mène. La musique que cela engendre s’infiltre dans les vers. Il ajoute à cette musicalité celle d’autres langues. C’est un homme de la route, il accomplit son chemin du Dharma, et en cela ses recueils de poésie célèbrent avec la même intensité travail et nature, que ce soit Riprap, Poème pour les oiseaux, Montagnes et rivières sans fin… Aucune redite dans ces recueils mais un même souffle, une même densité, une même éthique.
De traduire cette poésie, où traditions bouddhistes, amérindiennes, chinoises et japonaises s’immiscent, est-ce que cela a influencé votre propre vision du monde et de la poésie ? Je suppose par ailleurs qu’on ne peut être que fasciné par cet auteur qui a voyagé, côtoyé les plus grands poètes de la Beat Génération et qui est présenté comme un disciple de David Thoreau ?
Lire Snyder et le traduire c’est pénétrer une langue plurielle, découvrir des trajectoires, percevoir une infinité de possibles. Il est le beat sans fin, le battement que rien n’arrête et celui qu’il extirpe des miasmes pestilentiels pour le sauver. Chacun de ses gestes et chacune de ses paroles est en parfaite adéquation avec ce qu’il est. Il exprime le vivant. Il est le cœur de la nature, des peuples et celui du monde. Fidèle à sa philosophie, s’il est le chantre de la deep ecology, plus que le disciple de Thoreau, je dirais qu’il en est le maître. Poème pour les oiseaux se clôt par une reprise de la fin de Walden. Leurs mains se tiennent, ils avancent, et Snyder montre le chemin. Bien sûr, il a connu, a été ami avec des poètes dits de la Beat Generation, mais Snyder est allé encore plus loin, il infiltre dans sa poésie les chants, les mythes de nombreuses cultures, ses connaissances et pratiques font de lui un multi-poète, un homme de toutes les origines. Ainsi ne cite-t-il jamais ses maîtres zen ou bouddhistes comme des références, des modèles, lui, poète de vingt-six et quatre-vingt-treize ans, il les incarne avec sagesse et les écrit dans ses textes-poèmes. Il faut admirer son extrême travail d’essayiste, lui, le bûcheron, il abat pour nous pensées et idées, son livre Le sens des lieux, traduit par Christophe Roncato et paru aux éditions Wildproject, ou encore La Pratique Sauvage, traduit par Olivier Delbart et paru aux éditions du Rocher, sont à lire pour percevoir et entendre, ce que ce modèle du clochard céleste, a retenu et nous offre du monde à réparer et à construire.En termes de poétique, qu’est-ce que celle de Snyder pourrait avoir de différent avec la poésie contemporaine en général ? En quoi pourrait-elle être singulière ? Est-ce que la réponse est contenue dans le fait de faire éclore un nouveau mythe ?
Le mot liberté est celui qui me vient en premier pour emblématiser ce que Snyder descelle et offre. Rien ne le sépare de la route qu’il prend où vibrer, travailler, aimer, penser, écrire. Faire. Depuis son enfance où il gravissait déjà les montagnes et aujourd’hui, Snyder s’est déployé comme la fleur symbolique qu’il nous offre dans son introduction de Poème pour les oiseaux. Il est libre. Sa poésie est libre, ne s’encombre ni de grille-pain ni de métaphores. Mais s’il veut évoquer sa baignoire, ou le claquement de la hache sur le bois, il le fera. Si l’envie lui prend d’écrire une métaphore, il le fera. Sa trajectoire est celle du beat, du battement du vivant et de l’éclat de la pensée. Il intègre dans ses vers des pensées bouddhistes de grands maîtres, des chants mohave, il pulvérise sa langue et la rend plurielle. Sa poésie n’est pas simple à traduire : il faut le suivre ! Ainsi l’aide d’Andrea Moorhead, poète américaine et maîtresse d’œuvre de la revue de poésie multi-langues Osiris, a-t-elle été précieuse, ne serait-ce que pour la technicité de certains termes ou les élans extatiques de Snyder. Et il est doux de savoir qu’une amie à l’autre bout du monde, vous accompagne sur la route de la traduction avec une extrême attention. Snyder affirme que les rythmes de ses poèmes suivent ceux du travail physique qu’il accomplit et de la vie qu’il mène. La musique que cela engendre s’infiltre dans les vers. Il ajoute à cette musicalité celle d’autres langues. Malgré la multiplicité des pôles culturels, Snyder sait où il va, rien n’est disparate ni morcelé, dans chaque poème, le lecteur l’entend et le voit vivre, perçoit chaque son de l’espace qui l’entoure. Il est tout à la fois le geste et le paysage qui l’habite, Snyder est le topos. La poétique de Snyder, chargée des forces cinétiques de l’espace et du champ culturel des peuples, est l’essence mouvante de ce qu’il nomme la grammaire fauve du langage humain. Écriture et ponctuation ne sont pas anarchiques mais scansion du vivant. Parfois, jaillis dans la narration du poème et agissant comme une constellation, ou un palimpseste du poème, deux vers, parfois plus, non ponctués brillent de sagesse et échappent à toute temporalité. On ne s’étonnera pas que Snyder figure dans l’ouvrage de Jérôme Rothenberg Les Techniciens du Sacré. Sans être épurée, la poésie de Snyder est libre, elle vise juste et ne s’encombre d’aucun superflu. Il n’est dans l’imitation d’aucun courant, il n’adhère à aucun d’eux, ainsi sa poésie a -t-elle toujours la force et la portée d’une première parole. Cette immédiateté et justesse vivifient le rythme, Snyder ne s’oppose pas au lyrisme, il n’en a pas besoin. Il vise le centre, toujours, certains écriraient qu’il le transforme en idéogramme, mais même de cela, il s’en contrefiche. Le nouveau mythe qui éclot dans sa poésie est celui d’une terre réconciliée à l’homme, foisonnement de possibles fidèles à la plus juste et nécessaire des pensées.
Est-ce qu’il y a un poème qui vous a marqué en particulier lors de la traduction ? Lequel et pour quelle raison ?
Je reviendrai à premier chant du chaman le premier poème de la section Chasse, celui même qui m’a propulsée dans la traduction de l’intégralité du recueil. J’ai été saisie par son apparente simplicité, sa force incantatoire, l’osmose du poète avec le topos, l’évocation brûlante du passé (vivant) du peuple dans les deux premiers vers, la force tranquille du poète dans sa vision simple mais puissante du paysage. La naissance de ce nouveau mythe m’a plongée dans un état similaire, je faisais corps et vie avec le poète et son chant sacré parce que primordial.premier chant du chaman
Dans le village des morts,
Les os éparpillés à coups de pieds
J’ai mangé la résine d’un billot
(graisse de baleine)
Orties et peupliers. L’herbe fume
au soleil
Des billots roulent dans la rivière
le sable brûle les pieds.Deux jours sans manger, les camions passent
dans la poussière lumineuse, les rivières
grossissent.
Dégel dans les hautes prairies. Vers l’ouest en juillet.Des huîtres pourrissent, entre les marées
les berges puent.Je suis assis sans penser au bord du chemin en bois
Je fais éclore un nouveau mythe
Je regarde les salamandres-alligators
le dernier camion parti.
Poèmes extraits de Poème pour les oiseaux
The morning star is not a star
Two seedling fir, one died
Io, Io
Girdled in wistaria
Wound with ivy
« The May Queen
Is the survival of
A pre-human
Rutting season »The year spins
Pleiades sing to their rest
at San Francisco
dream
dream
Green comes out of the ground
Birds squabble
Young girls run mad with the pine bough,
IoL’étoile du matin n’est pas une étoile
Deux jeunes pousses de sapin, l’une est morte
Io, Io
Ceinturée de glycine
Étouffée par le lierre
« La Reine de Mai
Est la survivante d’une
Saison de rut
Pré-humaine »L’année tourne
Les Pléiades chantent à leur repos
à San-Francisco
rêve
rêve
Le vert sort du sol
Les oiseaux se prennent le bec
Les jeunes filles courent comme des folles avec une branche de pin,
Io
« Lodgepole Pine : the wonderful reproductive
power of this species on areas on which its
stand has been killed by fire is dependent upon
the ability of the closed cones to endure a fire
which kills a tree without injuring its seed.
After fire, the cones open and shed their seeds
on the bared ground and a new growth springs up. »Stood straight
holding the choker high
As the Cat swung back the arch
piss-firs falling,
Limbs snapping on the tin hat
bright D caught on
Swinging butt-hooks
ringing against cold steel.Hsü Fang lived on leeks and pumpkins.
Goosefoot
wild herbs,
fields lying fallow !But it’s hard to farm
Between the stumps :
The cows get thin, the milk tastes funny,
The kids grow up and go to college
They don’t come back.
the little fir-trees doRocks the same blue as sky
Only icefields, a mile up,
are the mountain
Hovering over ten thousand acres
Of young fir.« Le pin Lodgepole : le remarquable pouvoir reproducteur
de cette espèce sur les sols où son bosquet a été détruit par le feu
dépend de la capacité des cônes clos à supporter un feu
qui tue l’arbre sans blesser ses graines.
Après le feu, les cônes s’ouvrent et répandent leurs graines
sur le sol brûlé et une nouvelle pousse jaillit. »Debout
tenant bien haut le choker
Tandis que le Cat fait reculer l’arche
Les pisse-sapins tombent,
Des branches claquent sur le casque
le D brillant est saisi
Les crochets de levage oscillant
battant contre le métal froid.Hsü Fang7 a vécu de poireaux et de citrouilles.
Chénopodes,
herbes sauvages,
champs en jachères !Mais c’est dur de cultiver
Entre les souches :
Les vaches maigrissent, le lait a goût bizarre,
Les gosses grandissent et vont à l’université
Ils ne reviennent pas.
le petit sapin ouiLe même bleu pour les roches et le ciel
Champs de glace, un mile plus haut,
une montagne
Flottant au-dessus d’une dizaine de milliers d’acres
De jeunes sapins.
1
Headed home, hitching
leaving mountains behind
where all Friday in sunlight
fighting flies fixed phone line
high on the lake trail,
dreaming of home,
by night to my girl and a late bath.
she came in naked to the tub
her breasts hung glistening
and she scrubbed my back.
we made love night-long.
she was unhappy alone.
all Sunday softly talked,
I left, two hundred miles
hiching back to work.Je suis rentré chez moi, en faisant du stop
laissant les montagnes
où tout le vendredi au soleil
je me suis battu contre l’assaut des mouches
la ligne de téléphone réparée
haut sur le sentier du lac, rêvant de chez moi,
avant la nuit ma copine et un dernier bain.
elle est entrée nue dans la baignoire
étincelants ses seins pendaient
et elle me frottait le dos.
on a fait l’amour toute la nuit.
seule elle était malheureuse.
tout le dimanche on a doucement parlé,
je suis parti, j’ai fait deux cent miles
en stop pour retourner au travail.
Ray Wells, a big Nisqually, and I
each set a choker
On the butt-logs of two big Larch
In a thornapple thicket and a swamp.
waiting for the Cat to come back,
« Yesterday we gelded some ponies
« My father-in-law cut the skin on the balls
« He’s a Wasco and don’t speak English
« He grabs a handful of tubes and somehow
cuts the right ones.
« The ball jumps out, the house sceams
« But he’s all tied up.
The Caterpillar clanked back down.
In the shadow of that racket
diesel and iron tread
I thought of Ray Wells’ tipi on the sage flat
The gelded ponies
Healing and grazing in the dead white heat.Raywells, un grand Nisqually21, et moi
on installe chacun un crochet coulissant
À l’arrière des grumes de deux gros mélèzes
Dans un hallier de stramoines et un marécage.
On attend que le Cat revienne,
« Hier on a castré quelques poneys
« Mon beau-père a coupé la peau des couilles
« C’est un Wasco22 et y parle pas anglais
« Il a attrapé à pleine main les vaisseaux et je ne sais comment
a coupé les bons
« Les couilles ont sauté, le cheval a hurlé
« Mais il est ligoté.
Le Caterpillar cliquette en reculant.
Dans l’ombre de ce boucan diesel
et bandes de roulement en fer
J’ai pensé au tipi de Ray Wells à sage flat23
Les poneys castrés
Guérissent et broutent dans la chaleur d’une pâleur mortelle.
this poem is for birds
Birds in a whirl, drift to the rooftops
Kite dip, swing to the seabank fogroll
Form : dots in air changing line from line,
the future defined.
Brush back smoke from the eyes,
dust from the mind,
With the wing-feather fan of an eagle.
A hawk drifts into the far sky.
A marmot whistles across huge rocks.
Rain on the California hills.
Mussels clamp to sea-boulders
Sucking the Spring tidesRain soaks the tan stubble
Fields full of ducksRain sweeps the Eucalyptus
Strange pines on the coast
needles two to the bunch
The whole sky whips in the wind
Vaux Swifts
Flying before the storm
Arcing close hear sharp wing-whistle
Sickle-bird
pale gray
sheets of rain slowly shifting
down from the clouds,
Black Swifts.
-the swifts cry
As they shoot by, See or go blind !ce poème est pour les oiseaux
Des oiseaux dans un tournoiement, dérivent vers les toits
Glisse de milan, ils planent vers le banc de brume côtier
Des points dans le ciel changent de ligne en ligne,
le futur défini.Effleure les volutes des yeux
la poussière de l’esprit
avec l’éventail en plume d’aile d’un aigle.
Un faucon dérive loin dans le ciel.
Une marmotte siffle à travers d’énormes rochers.
Il pleut sur les collines de Californie.
Les moules se fixent sur les rochers
Suçant les marées du printempsLa pluie détrempe le chaume beige
Les champs sont pleins de canardsLa pluie balaie les Eucalyptus
Des pins étonnants sur la côte
les aiguilles en faisceaux de deux
Le vent fouette tout le ciel
Des Martinets de Vaux
Volent avant la tempête
Forment une voûte si proche que l’on entend
le sifflement aigu des ailes
Paradisier
gris-pâle
des trombes d’eau descendent lentement
des nuages
Martinets Sombres.
-les martinets crient
En passant à toute vitesse, Regarde ou perds la vue !
second shaman song
Squat in swamp shadows.
mosquitoes sting ;
high light in cedar above.
Crouched in a dry vain frame
- thirst for cold snow
- green slime of bone marrow
Seawater fills each eyeQuivering in nerve and muscle
Hung in the pelvic cradle
Bones propped against roots
A blind flicker of nerveStill hand moves out alone
Flowering and leafing
tuming to quartz
Streaked rock congestion of karma
The long body of the swamp.
A mud-streaked thigh.Dying carp biting air
in the damp grass,
River recedes. No matter.Limp fish sleep in the weeds
The sun dries me as I dancesecond chant du shaman
S’accroupir dans les ombres du marais.
les moustiques piquent ;
lumière forte plus haut dans le cèdre
Recroquevillé dans une ossature vaine et sèche
-soif de neige froide
-limon vert de moëlle osseuse
L’eau salée emplit les yeuxTremblant dans les muscles et les nerfs
Accrochés au berceau pelvien
Les os calés contre les racines
Scintillement aveugle de nerfImmobile une main part seule
Éploie fleurs et feuilles
devient du quartz
Roche striée congestion de karma
Le long corps du marais.
Une cuisse striée de boue.Une carpe mourante mord l’air
Dans l’herbe humide,
La rivière recule. Peu importe.Ramolli le poisson dort dans les herbes
Le soleil me sèche quand je danse