Editions Petra, collection AnthologieS - Traduction et adaptation : Jeanine Baude et Miroslava Vallova
Plaisir de découvrir douze voix de la poésie slovaque contemporaine. Douze voix féminines aux écritures très différentes, qui « travaillent le vers en quête d’un savoir-faire ». Lorsque j’ai reçu ce livre en service de presse, j’ai tout de suite été curieuse de le lire, de parcourir ces poèmes d’un autre pays, d’une autre culture.
Toutefois, j’ai un petit regret de ne pas avoir les textes en version originale en parallèle. Ce qui étonne dans ces voix, aussi diverses soient-elles, ce sont la fluidité de la langue, une certaine présence religieuse, l’exploration de l’intime, le rapport à la réalité, la corporalité, l’harmonie de la langue, la force suggestive des mots, l’expérience formelle, l’émotion...
Ces douze femmes sont : Lýdia Vadkerti-Gavorniková, Mila Haugová, Jana Bodnárová, Anna Ondrejková, Dana Podracká, Viera Prokešová, Stanislava Chrobáková Repar, Eva Luka, Ana Beňová, Mária Ferenčuhová, Nóra Ružičková, Katarina Kucbelová. Derek Rebro présente très bien chacune d’elles à la fin du recueil. Elles sont illustrées par de très beaux monotypes de Maria Desmée.
Cécile Guivarch
Lýdia Vadkerti-Gavorniková
La Naissance du jour
à Colette
Et voilà le jour
premier
après celui dernier
et de nouveau
je respire
je vois
j’entends
je sens
je parle
je suis
chez moi
dans ce monde
qui est à la fois
un et multiple
j’avance
du silence
vers la parole
Mila Haugová
Amarna
: qu’adviendra-t-il de l’espace
qui m’appartient quand
je n’y serai plus ?dans l’ombre.
sur le dos.
je me souviens.
je veux oublier.je ne suis pas plus vieille
que je ne le fus jamais : détail de mon visage
dans le miroir gravé par mes ongles :écouter dans l’ombre.
avec quelle peine
mon cœur bat.
Jana Bodnárová
Du ciel, tombent sur moi
les yeux d’un enfant lointainFlocon de neige, l’œil de ma fille, velours
avec sa petite lumière de platine
il m’entraîne, m’attire vers le haut
Anna Ondrejková
La saison le plus atroce
pour venir au monde : le printemps, chaque fois sans
pitié : dans les jardins déserts le feu
s’accumule, le feu lourd vert
me traverse
je marche dans ma jupe de velours la nuit sur la côte comme
une paonne mutilée
: la lune
verte est toujours plus pleine
Viera Prokešová
Horaire de voyage
Pendant les nuits de juillet,
à la fenêtre, tombe d’un bruit sec
lune étouffante, la lumière des tilleuls.
Rien que du silence autour.
Heureuse, soudainement, quand
à minuit
à trois heures, à intervalles réguliers,
tu entends le train : apaisement
du rythme cadencé,
dans l’ombre horizontale,
des lumières quand elles se cognent.
Il est aussi agréable
de ne pas partir.
Mária Ferenčuhová
Photographies
1.
Paysage : carte.
Les maisons éparpillées alentour
ou complètement emportées par les eaux,
les traces de plusieurs places,
les carrefours, leurs surfaces nettes,
le dessin rigoureusement profilé de leurs rayures,
noires et blanches,
pas une tache de sang,
un jeu de construction abandonné,
où la route s’imbibe de boue,
où la boue lèche la route.Le petit garçon s’est désintéressé du jeu,
il dribble avec son ballon sur un autre terrain.