UNE OBSCURITÉ REMPLIE DE LUMIÈRE / O obscuritate plină de lumină
Traduit du roumain par Jan H. Mysjkin
Chez moi. C’est là où je me suis promenée avec l’odeur de ton corps sur moi. C’est là où tu es, toi. C’est là où les gens sourient encore dans la rue. C’est quand les yeux des enfants brillent. C’est là où est mon corps dans lequel je demeure. C’est la pensée bien fondée dans laquelle tu me tiens comme dans la paume d’une main. C’est là où partout tu m’embrasses. C’est là où tu m’illumines le visage et me sors du ventre des heures… Chez moi, chez moi… Il était une fois un pareil chez moi… Et je n’ai aucune idée d’où vient ce poème. Et qui parle en lui ? C’est moi ou c’est toi ? Acasă. Acasă e acolo pe unde m-am plimbat cu mirosul trupului tău pe mine. Acasă e acolo pe unde ești tu. Acasă e acolo unde oamenii încă zîmbesc pe stradă. Acasă e cînd ochii copiilor strălucesc. Acasă este trupul meu în care stau. Acasă e gîndul bine rostuit în care mă ții ca în palmă. Acasă e acolo unde peste tot mă îmbrățișezi. Acasă e acolo unde tu-mi luminezi chipul și mă scoți din burta orelor... Acasă, acasă... A fost odată un astfel de acasă... Și habar n-am de unde vine poemul ăsta. Și cine vorbește în el ? Sînt eu sau tu ?
Qu’est-ce que je signifie ? Qu’est-ce tu signifies ? Je, plusieurs je. Tu, plusieurs tu. Nouements d’hier et d’aujourd’hui. Tu fais un geste et c’est toi. Tu me dis un mot et c’est moi. Et les traits de chaque moment s’enfilent comme des grains. Les noms que nous nous donnons toujours, à chaque parole. Et la chair, les os et la peau – autant de fruits mûrs. Et à l’intérieur surgissent toi, toi, toi… moi, moi, moi – plus nombreux que des grains de millet. Et les miroitements que tu traduis en visages, les miens, les tiens, feuilletés, lus et relus. Et tant de pellicules-nids. Ce înseamnă eu ? Ce înseamnă tu ? Eu, euri. Tu, tuuri. Înnădiri de ieri și de azi. Faci un gest și ești tu. Îmi spui un cuvînt și sînt eu. Și trăsăturile de fiece clipă înșirate ca mărgelele pe ață. Numele ce ni le dăruim mereu, cu fiecare rostire. Și carnea, și oasele, și pielea – fructe rodite. Și înăuntru se ițesc tu, tu, tu..., eu, eu, eu – mai multe decît semințele de mătură. Și oglindirile pe care le traduci în chipuri, ale mele, ale tale, răsfoite, citite și răscitite. Și atît de multe pelicule-cuibare.
Une belle journée. Définissez une belle journée, si vous le pouvez, et n’oubliez pas de vous réjouir puisque c’est une belle journée. Une belle journée qui apparaît sur un vitrail de thé vert. O zi minunată. Definește o zi minunată, atunci cînd poți, și nu uita să te bucuri fiindcă-i o zi minunată. O zi minunată cînd se ivește de pe un glasvand cu ceai verde.
Aller de trois à trois points, toujours en avant… et trois points un peu plus à gauche avec un souvenir de jeudi, trois feuilles de tarte, pensées tricolores… et légèrement en arrière, avec des trilles dans les sapins, des achats de Noël à Cracovie, l’œuf chantant pris dans le bazar près de la basilique Sainte-Marie… vin à la cannelle et à l’orange et trois points plus en arrière, comme chez nous, avec des brioches et trois points un peu plus à droite, pour ne pas se figer dans un souvenir, et les good stories que tu reçois des cerisiers... Jacques Brel chantant « Ne me quitte pas ! » et je le laisse s’asseoir sur le tapis, à mes pieds et trois points plus en avant, sur la vitre, un visage éclairé par une icône, avec des cheveux tressés en couronne. Parmi les fleurs du rideau passent des voix et des visages d’enfants et je vois d’autres visages radieux et saints, et de trois points la lumière jaune-orange sur mon visage, parfois un peu plus claire, d’un jaune-paille. Să mergi din trei în trei puncte, tot înainte... și trei puncte mai la stînga cu-o amintire de joi, trei foi de plăcintă, trei frați pătați... și ușor înapoi, cu triluri în brazi, cumpărături de Crăciun la Cracovia, oul cîntător luat din bazarul de lîngă catedrala Sfînta Maria... vin cu scorțișoară și cu portocală și trei puncte mai înapoi, ca pe la noi, cu cozonaci și trei puncte mai la dreapta, să nu încremenești într-o amintire și good stories să-ți primești de la cireși... Jacques Brel chantant „Ne me quitte pas !” și îl las să se așeze pe covor, la picioarele mele și trei puncte mai în față, pe geam, un chip luminat de-o icoană, cu părul împletit cunună. Printre florile perdelei trec voci și chipuri de copii și alte chipuri străluminate, sfinte le zăresc și din trei puncte lumina galben-oranj pe fața mea, alteori ușor mai deschisă galben-pai.
Des heures et des heures qui me paraissent être une ville entière, une sorte d’immense rayon de miel. Et je vois les gens passer à travers moi comme dans des allées, comme au cinéma. Des heures-bouleaux, rabotées par la lumière d’automne, des heures entre un ici et un là-bas cherchant à se rejoindre dans une gare pour deux. Des heures sortant d’un imperméable aux lettres flottant dans un ciel gonflé de pluies. Des heures comme des doigts fins tendus vers nous. Ore și alte ore în care mi se pare că-s un oraș întreg, un soi de fagure imens. Și văd trecînd prin mine oameni ca pe alei, ca la cinematograf. Ore mestecănii, rindeluite de lumina de toamnă, ore într-un aici și un acolo ce încearcă să se ajungă într-o gară pentru doi. Ore dintr-un impermeabil cu scrisori plutind pe un cer dospit de ploi. Ore ca niște degete fine întinse spre noi.
De ceux avec un cœur déplacé, on peut dire qu’ils délogent leur cœur. Du moins, cela paraît ainsi, mais vers où précisément ? Et comment se passe ce déplacement ? Cela signifie que le cœur se déloge d’un endroit à un autre jusqu’à ce qu’il trouve un abri et un sens. Et comment peut-on reconnaître ceux au cœur déplacé ? Ont-ils des signes particuliers ? Despre cei cu inimile deplasate se poate spune că-și mută inima din loc. Cel puțin așa se pare, dar spre ce anume ? Și cum se întîmplă cu deplasarea asta ? Să însemne asta că inima se mută din loc în loc pînă își găsește adăpost și rost. Și cum poți să-i recunoști pe cei cu inimile deplasate ? Au semne aparte ?
Doina Ioanid est née le 24 décembre 1968 à Bucarest. Poète, diplômée de la Faculté de Lettres de Bucarest, elle a enseigné la langue et la littérature françaises à l’Université « Transilvania » de Braşov. Elle a traduit en roumain plusieurs ouvrages de langue française, parmi lesquels Dix heures et demie du soir en été (Vara, la zece şi jumătate seara – Éditions Cartier, Chişinău, 2006) de Marguerite Duras ; Par une nuit où la lune ne s’est pas levée (Într-o noapte fără lună – Éditions Polirom, Iași, 2009) de Dai Sijie. Doina Ioanid est aujourd’hui rédactrice à Observator cultural, l’hebdomadaire culturel le plus important de la Roumanie, après en avoir été pendant une décennie secrétaire général de rédaction. Elle a publié des éditoriaux et d’autres articles à des sujets culturaux ou articles d’opinion, des interviews et des chroniques littéraires.
Après avoir participé à des volumes collectifs, Doina Ioanid a publié plusieurs recueils de poèmes salués par la critique.Titres en français
- La demoiselle de massepain/Duduca de marţipan, traduit du roumain et préfacé par Jan H. Mysjkin, édition bilingue, Atelier de l’agneau éditeur, Saint-Quentin-de-Caplong, 2013.
- Rythmes pour apprivoiser la hérissonne, traduit du roumain et préfacé par Jan H. Mysjkin, L’arbre à Paroles, Amay, 2013.
- Boucles d’oreilles, ventres et solitude, traduit du roumain et préfacé par Jan H. Mysjkin, édition bilingue, collection D’une voix l’autre, Cheyne éditeur, Le Chambon-sur-Lignon, 2014.
- Coutures, traduit du roumain par Jan H. Mysjkin, suivi d’un entretien avec Jan H. Mysjkin, L’Arbre à Paroles, Amay, 2015.
- Le collier de cailloux, traduit du roumain par Jan H. Mysjkin et préfacé par Carmen Muşat, Atelier de l’agneau, Saint-Quentin-de-Caplong, 2017.
- Le bazar de la glaneuse/De bazaar van de sprokkelaarster, collection ‘Bruxelles se conte’, édition bilingue, traduit du français en néerlandais par Jan H. Mysjkin, Éditions Maelstrøm, Bruxelles, 2018.
- Histoires du pays des babouches, traduit du roumain par Jan H. Mysjkin, L’Arbre à Paroles, Amay, 2019.
- Poèmes pour franchir les pas de portes, traduit du roumain par Jan H. Mysjkin, Éditions Atelier de l’agneau, Saint-Quentin-de-Caplong, 2023.