Somos eternos en cada decisión
I Es la tierra, son los lobos, es la luna. II Ya casi no pisamos tierra, pisamos III Hay que confirmar el mundo en todos sus extremos, [De Asombros] |
Nous sommes éternels en chaque décision
I C’est la terre, ce sont les loups, c’est la lune. II Nous ne foulons presque plus la terre, nous foulons III Il faut confirmer le monde dans tous ses détails, [De Asombros] |
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En lo oscuro hay peligro de luna
Lo vimos claro, tan nítido _________ agua de relámpagos se vertía intacta Fue el prodigio, la plenitud acaso, Tratar de contarlo : hablar por una boca [De Asombros] |
Dans le noir il y a danger de lune
Nous l’avons vu clairement, aussi nettement _________ l’eau des éclairs se déversait intacte Ce fut le prodige, la plénitude peut-être, Tenter de le raconter : parler d’une bouche [De Asombros] |
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Aquí todavía
Nací en las ciudades. [De Miedo de ser escarcha] |
Toujours ici
Je suis né dans les villes. [De Miedo de ser escarcha] |
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David Eloy Rodríguez
né à Cáceres (Espagne) en 1976, installé à Séville depuis 1993, a publié son premier recueil, Chrauf, à 20 ans. Après des études de Communication audiovisuelle et Anthropologie, il se consacre essentiellement à la littérature et aux arts scéniques.
En 1996 il lance avec le poète José María Gomez Valero le collectif « d’agitation et d’expression » poétiques La Palabra Itinérante (La Parole Itinérante), qui entend promouvoir une « poésie en résistance » qui « combatte la servitude » et « émancipe les consciences » (sumalespanta.blogspot.com.es). Comme l’indique son manifeste cette « communauté » entend « réunir des écrivains et artistes soucieux d’apporter leur art aux gens comme un outil qui puisse nous aider à vivre plus vivants ; à mieux comprendre, à sentir, à transformer et qui offrent des espaces et des temps pour la réflexion critique, la rencontre et le dialogue ».
Ne concevant la poésie que comme « parole vivante », les deux poètes, qui travaillent en étroite collaboration, s’en font d’infatigables colporteurs. À la fois animateurs d’ateliers de création littéraire, monteurs de spectacles (autour du flamenco notamment), ils ne cessent de porter la poésie dans les écoles, les prisons, les places publiques, les bibliothèques, les universités, emmenant avec eux peintres et musiciens, mêlant les gens, les genres, les arts, les âges. Ils ont participé à de nombreuses rencontres poétiques ou musicales notamment en Macédoine, en Russie, en Irlande, en Italie, en France ou au Maroc. Ils écrivent également à quatre mains des paroles pour le flamenco et des livres illustrés pour enfants (http://sumalespanta.flavors.me/#vimeo).
En 2005 ils ont créé la maison d’édition Los libros de la herida (Les livres de la blessure) pour donner à lire « une poésie pour penser le monde, des mots qui racontent la blessure béante du vivant, son horreur et son miracle » (librosdelaherida.blogspot.com.es).
Parmi les derniers recueils de David Eloy Rodríguez figurent notamment, Asombros (Etonnements, 2006), Miedo de ser escarcha ( Peur de n’être que givre, 2000, réédité en 2012), Los huidos (Les fuyards, 2008), Para nombrar una ciudad (Pour nommer une ville, 2010), Lo que iba diciendo (Ce que je disais, 2012), Desórdenes (Désordres, 2014), La poesía vista desde el espacio (La poésie vue de l’espace, 2014)) qui lui ont valu de nombreux prix. Ses poèmes figurent dans plusieurs anthologies en Espagne, en Amérique Latine et en Italie. Certains d’entre eux ont été publiés en France par la revue Phoenix.
Sa poésie exprime la colère contre « ceux pour qui la vie ne vaut rien, les assassins au nom du dieu argent, du dieu pétrole, du dieu pouvoir, du dieu dogme », mais aussi l’amour de la vie, l’émerveillement devant le vivant et les « nombreuses voix dans le monde entier qui continuent à dire, à écrire, à faire entendre leur refus, leur respiration pour la vie, leur joie, leur amour ».
En « ces temps de bruit et désolation, d’esclavage et d’imposture, d’individualisme et de violences », elle invite à se « désaliéner ». « Le problème aujourd’hui c’est qu’il y a beaucoup de surveillants et peu de fous. / Le problème aujourd’hui c’est que la cage est à l’intérieur de l’oiseau », écrit-il, estimant « qu’il vaut mieux trembler que se soumettre » et « utiliser la peur de la mort pour aimer ».
Ses poèmes, ancrés dans le réel, allient lyrisme et densité. « Parler comme s’il n’y avait / que quelques mots / et qu’ils étaient définitifs. / Tout poème doit être la lettre d’un suicidé », conseille-t-il.
« Le poème est comme l’érection du pendu / Trop tard et pour personne. Mais il est là », écrit-il encore, dans Miedo de ser escarcha, mais c’est ce « là », cette présence à quoi il ne faut pas renoncer. « Nous pouvons essayer de faire en sorte que nos mots aident à voir, à comprendre, à unir, à guérir, nous pouvons penser les mots, et dire, pour commencer, qu’ils importent », dit-il.