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Manfred Peter Hein, traduit de l’allemand par Natacha Ruedin-Royon

dimanche 8 avril 2018, par Cécile Guivarch

WEISSE NACHT

Schlaflos weiß
                          die Denkspur von gestern
die Kiefern weiß überwuchert vom Reif
eines Vogels Stimme
                          vergeßlicher Augenblick
Wünschelrute über den Augen
Kiefernnadeln
                          von denen der Reif fällt
auf den Rücken der Hand
Denkspur von gestern
                                             Indianerfährte
im Nesselwald hinter der Ragawietzsch.

NUIT BLANCHE

Insomnies de blanc
                          la trace des pensées d’hier
blancs les pins moussus de givre
ce timbre un oiseau
                          l’instant ne se souvient pas
baguette de sourcier au-dessus du regard
aiguilles de pin
                          dont le givre tombe
en pluie sur le dos de la main
trace des pensées d’hier
                                                 une piste l’Indien
dans la forêt d’orties derrière la Ragawietzsch.

WER GEHT übers Dach
  mit einer Stimme
geschüttelt vom Wind
      Und wer uns findet
  am leeren Tümpel
      Blätter kauend
  oder Holz und Papier –
      hinter dem Speicher
  im trocknen Gras
  Ich hab meinen Vers vergessen
Namen
  die frei sind
ein Leib der mich halten will
  der mit mir geht : ich selber
mit dem ich rede –
      Die Toten kommen
  kommen nicht
      zurück   Niemand
  ich frage nach niemand
      und warum die Schritte
  zählen
      die Luft das Wasser die Erde
  teilen –
      im Rücken vor Augen
Zwei Wege : links und rechts
  und kein Weg
  Eine Gegend die bleibt
      mit dem Gras im Feuer
  dem Gras unter der Asche
      dem weißen Licht
  unter den Lidern
      der Toten.
CELUI QUI VA dessus les tuiles
  la voix
chahutée par les vents
      Et celui qui nous trouve
  près de la mare déserte
      mâchonnant des feuilles
  du bois du papier –
      au dos de la grange
  dans le creux des herbes sèches
  Égaré j’ai oublié mon vers
Ces noms
  indomptables à jamais
un corps qui me retient
  qui marche avec moi : ce moi même
à qui je parle –
      Viennent les morts
  ne viennent
      plus    Personne
  je veux savoir où est personne
      et pourquoi tous ces pas
  les compter
      l’eau le vent la terre
  les partager –
      dans mon dos sous mes yeux
Deux chemins : à gauche à droite
  et puis plus un chemin
  Ce coin de terre qui reste à jamais
      avec l’herbe au plein des flammes
  l’herbe sous la cendre
      blanche la lumière
  dessous la paupière
      des morts.
  ATEMHOLEN

Atemzug Hall der
            Stille
                  Lichtpartikelsturz
hier wo ich gehe –

Aushalten
                  das Weiß
      der Schneelast auf Kiefern gibt
Raum dem Wortlaut –

                 Steig in die Jahre
                  hinab zu sehen was dort
                  dir entgegenschlägt –

INSUFFLÉ

Souffle écho du
            silence
                  chute de particules de lumière
ici où je pose mes pas –

Endurer
                  la blancheur
      de la neige lourde sur les pins ouvre
à la parole une brèche –

                  Une à une les marches des ans
                  descends voir ce qui là-bas
                  te soufflera au visage –

Manfred Peter Hein © Wallstein Verlag, Göttingen


WEISSE NACHT/NUIT BLANCHE et WER GEHT/CELUI QUI VA
In : Manfred Peter Hein, Ausgewählte Gedichte 1956-1986
Zürich, Ammann Verlag 1993, p. 12 et 36.
ATEMHOLEN/INSUFFLÉ
In : Manfred Peter Hein, Spiegelungen Orte. Gedichte 2010-2014
Göttingen, Wallstein Verlag 2015, p. 16.

Traductions par Natacha Ruedin-Royon
In : Manfred Peter Hein, L’érable contre la maison/Der Ahorn am Haus
Thonon-les-Bains, alidades 2017, p. 7, 9+11, 29.


L’auteur

Né en 1931 en Prusse-Orientale (dans l’actuelle enclave de Kaliningrad), Manfred Peter Hein quitte l’Allemagne en 1958 pour s’installer en Finlande, où il vit encore aujourd’hui.
Poète et passeur, il s’attache, par ses traductions et ses essais, à faire connaître de grandes voix de la littérature finnoise et d’Europe de l’Est (voir, entre autres, l’anthologie Auf der Karte Europas ein Fleck, parue en 1991). Deux récits autobiographiques, Fluchtfährte et Nördliche Landung, paraissent en 1999 et 2011.

Poésie (choix) :
Zwischen Winter und Winter (1987)
Über die dunkle Fläche. Gedichte 1986-1993 (1994)
Hier ist gegangen wer. Gedichte 1993-2000 (2001)
Aufriß des Lichts. Späte Gedichte 2000-2005 (2006)
Nachtkreis. Gedichte 2005-2007 (2008)
Weltrandhin. Gedichte 2008-2010 (2011)
Spiegelungen Orte. Gedichte 2010-2014 (2015)

La traductrice
Née en Bourgogne en 1974, Natacha Ruedin-Royon se forme à la traduction à Angers, puis en Allemagne, où elle rédige une thèse consacrée à la recherche de mémoire en littérature. Elle vit aujourd’hui en Suisse.
L’Île, sa traduction de Die Insel, récit d’Ilma Rakusa, paraît aux Éditions d’en bas en 2016.
Un choix de poèmes de Nadja Küchenmeister, Silke Scheuermann et Marica Bodrožić, traduits en français, est publié dans la revue littéraire Europe (mars 2016).
L’érable contre la maison/Der Ahorn am Haus, recueil bilingue de poèmes de Manfred Peter Hein, paraît chez alidades en 2017.


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