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Tua Forsström, « Je me suis enfoncée dans la forêt » - Traduit du suédois par Françoise Sule, par Cécile Guivarch

mardi 26 octobre 2021, par Cécile Guivarch

Les Editions du Noroît en éditant Je me suis enfoncée dans la forêt traduit par Françoise Sule, offrent à découvrir une voix suédoise et une écriture puissante, celle de Tua Forsström. L’auteure est née en 1947 et vit entre Helsinki et la campagne proche de la mer dans le sud de la Finlande. Elle appartient à la minorité finno-suédoise et écrit en suédois. Avec une douzaine de recueils publiés, elle a reçu de nombreux prix, dont en 1998, le Nordiska radets litteraturpris (le Prix de littérature du Conseil Nordique).

1

Te souviens-tu, enfant,
quand nous prenions le même chemin jour après jour ?
Il y avait un petit torrent qui grondait bien
fort, et la falaise tombait à pic dans l’eau

2

Pour atteindre la rive nous devions nous tenir toutes les deux par la main
et tu étais une petite fille vêtue d’une robe

3

Il y a des rêves qui sont plus transparents que l’eau
Tu es peut-être partie dormir tout là-bas
J’écris ces lettres pour toi de neige et de pluie
Je reste jusqu’à ce qu’il fasse nuit puis
je marche le long du sentier à l’ombre des aulnes tels que je me les rappelle
C’est un lieu lointain et distinct

4

Voler à contre-courant enlacées dans
le torrent, facile comme tout !
L’eau ruisselle sur les pierres
Dans le rêve limpide nous savons que nous rêvons
La légèreté dans l’eau
La légèreté au sortir de l’eau
La sensation de planer oui de vraiment planer
Des plumes et des poussières dans le vent

Dans ce livre, imaginaire et souvenirs sont convoqués. Une petite fille se détache du poème ainsi que des sensations mêlées à la nature. Une nature à la fois grande - le torrent gronde fort / la falaise - et cette petite fille vêtue d’une robe, petite fille mais qui se fond complétement dans la nature. Comme souligner ici la conscience qu’ont certains enfants de cette grandeur. Le lecteur comprend cependant au bout de quelques vers qu’il s’agit de ne pas oublier une personne disparue. Cette petite fille est un souvenir. Le lecteur la voit cette petite fille, sa petite robe se fondre dans la forêt, la voit papillon, la voit nager, la voit petite herbe parmi les herbes, petit scarabée.

S’égrènent les moments partagés et un voyage entre les rives. On embarque dans un long poème ou bien dans un autre qui ne fait que deux lignes. Mais si ce livre évoque une petite morte, il s’agit surtout de transformation. La vie / la mort. Cette petite disparue et ce petit brin d’herbe. La vie / la mort, reliée à la terre. Il s’agit aussi de naviguer dans le temps. Ou les temps. De naviguer dans cet espace en soi où se puise l’imaginaire. Convoquer et faire vivre encore. S’envoler comme les oiseaux.

21

Si le rêve a une maison c’est peut-être
la rive ici avec un merle à l’ombre
de la falaise quand le soir nous nous prenons
par la main et jouons ensemble
et avons toujours le même âge, toujours.

(...)

Je me suis enfoncée dans la forêt est aussi un texte de marche. Sur le chemin, voir ce qui rayonne, songe(r) à tout ce qui est merveilleux et à ce qui est irréparable. Il y a le cœur et le monde. Livre en plusieurs parties. Dans chacune s’inscrit le rêve. S’inscrit la nature. L’eau et les oiseaux y sont très présents. Nous imitons les mouvements des oiseaux dans les rêves.

Dans une écriture fluide, autant aérienne qu’aquatique, Tua Forsström nous entraîne dans sa marche. Dans un songe. Marcher ravive. L’imaginaire fait revivre. L’écriture ramène. Le rêve amène. Tua Forsström conduit le lecteur à la légèreté. Faire revenir l’enfance avec la simplicité d’un « quatre trois deux un (...) ». Comme s’il s’agissait d’apprendre à ne pas oublier.

Le chapitre suivant se nomme
je ne sais pas à quoi tu rêves et
je te tiens dans mes bras.
Tu étais le vent constamment chaud qui
transperce le cœur. Tout ce qui était
merveilleux. Là où se trouve notre trésor, là
notre cœur se trouvera.
Nous avons marché dans l’herbe haute et
nous avons nagé avec les poissons.
Petite compagne courageuse.

C’est un bonheur de découvrir cette écriture suédoise, et ceci grâce au travail de traduction de Françoise Sule, qui est française d’origine mais qui vit en Suède depuis une quarantaine d’années ; elle y a enseigné la langue et la littérature française à Stockholm. Elle traduit du suédois vers le français, notamment Jila Mossaed (Le Cœur demeure dans le berceau).

Cécile Guivarch


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