Bonnes feuilles po&psy 2025
Gary LAWLESS
CARIBOUDDHISME
traduit de l’anglais (E.U.) par Danièle Faugeras
gravures de Florence Barbéris
po&psy princeps, 86 pages, 15 €Gary Lawless, né en 1951, est poète, libraire, rédacteur en chef et éditeur (Blackberry Books)
Né à Belfast, dans le Maine, en 1951, il vit depuis 1986 à Nobleboro, avec sa femme, la photographe Beth Leonard. D’abord gardiens de Chimney Farm, la propriété des écrivains Henry Beston et Elizabeth Coatsworth, ils en ont hérité en 2013 et l’ont placée sous une servitude de conservation.
Gary et Beth animent la librairie « Gulf of Maine Bookstore » à Brunswick, dans le Maine, depuis trente-cinq ans. Parmi les livres publiés par les éditions Blackberry Books, citons Comment vivre sur la planète terre, l’œuvre complète en langue anglaise de leur ami Nanao Sakaki, qui a été traduite en français et publiée par PO&PSY en 2024.
Après avoir obtenu son diplôme au Colby College en 1973, Gary Lawless a quitté le Maine pour passer un an en Californie où il a étudié avec le poète Gary Snyder.
Il a enseigné la littérature environnementale au Bates College et a dirigé des projets d’écriture pour des personnes handicapées, sans abri et immigrants.
Il a donné des lectures et des ateliers en Italie, en Slovénie, en Lettonie, en Lituanie, en Allemagne et à Cuba. Il a été artiste en résidence à l’Island Institute de Sitka, en Alaska, au parc national de l’Isle Royale, dans le Michigan, et au Cabot Trust, dans le nord de Terre-Neuve et le sud du Labrador.
Gary est un poète largement publié, avec seize recueils de poésie aux États-Unis et cinq en Italie. Caribouddhisme est son premier livre traduit en français.Extraits
(Ouverture)
Au début de juin 1995, Beth Leonard, Nanao Sakaki et moi, nous nous sommes rendus à Terre-Neuve pour voir des icebergs, des caribous et des orignaux. En faisant route nous devisions, remarquant combien chaque lieu a ses propres messages, ses propres visions, ses propres enseignants et pratiques. J’ai suggéré que nous devenions des caribouddhistes, déambulant avec les grands troupeaux, écoutant leurs histoires, goûtant la glace, et nous joignant à leur quête de lichens. Ce livre est pour mes compagnons de route, Beth et Nanao.
(de CARIBOUDDHISME)
QUEL MONDE
Il y a un chemin
qui serpente entre les épicéas de Sitka,
passe devant des mâts totémiques volés
à leur île natale,
vidés des cendres et des os,
placés le long du sentier.
Au loin, un volcan.
Le corbeau vole
juste au-dessus de la surface des choses,
le pygargue à tête blanche guette à travers
les couches d’air et d’eau
le poisson
qui croise,
brillant dans la rivière
froide comme une lumière
venue d’un autre monde.
Tout est en mouvement, tout
est en mouvement pour
se rassembler, se rassembler et
se séparer, de nouveau.
L’eau se précipitant.
Le cœur battant.Je t’attends
à l’embouchure de la rivière.***
La danse est un langage qui rêve.
La poésie, la façon dont nous bougeons,
à travers le monde, dans le cœur.
Attends le moment
où l’histoire te choisit.
Tu commences à danser et
rien d’autre ne compte,
les mots commencent à venir,
et nous ne pouvons cesser de rire.***
(de ÎLE ROYALE)
chaque magnifique matin du monde
je choisis le brouillard,
je choisis le loup,
je choisis de réapprendre à marcher
sur la mousse avec l’orignal à travers
l’eau dans l’air,
l’eau sous les pieds,
respirant le souffle du monde
chaque magnifique matin.Rien que des pistes d’orignal dans la brume,
aujourd’hui : brouillard et vent,
arbres contre ciel.
Je veux disparaître dans un nuage,
chercher mon chemin vers la lumière du soleil,
suivre l’orignal qui descend
les sentiers secrets dans les bois
pour atteindre les endroits où les loups
se reposent au-dessus des crêtes, en nous,
là où le cœur vagabonde, sauvageProfond dans la
roche qui
fossilise –
plus là –
le vent continue de bouger,
les orignaux poursuivent leur chemin,
les oiseaux atterrissent, et s’en vont –
nuages, brouillard, jours ensoleillés –
tout s’enfonce lentement
dans la pierre –
vient le jour et nous avons disparu
(plus visibles –
– plus durs et plus bas –)Ces cadeaux que l’île nous donne :
l’orignal traversant le port à la nage
la lune s’élevant au-dessus du brouillard
fleurs le long du sentier
le doux cadeau du chant des oiseaux tu ne
peux pas attendre de l’île qu’elle vienne à toi –
les cadeaux sont donnés sans prévenir.
Tu dois être là à regarder, à écouter,
et le cadeau doit bouger comme l’eau –
Tu dois le transmettre
de quelque manière que ce soit.***
(de POÈMES SUR LES HUARDS)
I
roses sauvages en bas
jusqu’à l’eau
un huard solitaire
nord-est de l’île
senteur de cèdreII
ligne brillante de lis d’un jour
haut sur une colline
de l’autre côté du lac
chêne brise rivage
arbres, balbuzard
sur l’Île aux Huards, de nouveau
observant, observant
appels de huards
vers l’estIII
sifflet de train brise
à travers les arbres et
un castor en bas pas
de huards alentourIV
nénuphar ou
huard blanc
sur l’eau tous deux
brillants
fleurs fleurs
à la surface de
ce mondeV
les huards emmènent notre amour
dans le lac
bonjour bonjour
lequel est le
monde réel eau
dans toute cette obscurité
les huards appellent
bonne nuit bonne nuit
je t’aimeVI
chaque soir maintenant
j’écoute les huards
pour entendre leurs voix
pour quitter ce corps
pour retourner vers les étoiles

