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Les « poèmes-hommages » de Vincent Calvet

samedi 7 octobre 2017, par Sabine Huynh

Vincent Calvet nous a livré ce qu’il appelle « une série d’hommages » qu’il a rendus à des poètes morts ou vivants : Julien Boutonnier, Anna Akhmatova, Serge Essenine, Vladimir Maïakovski , Saint-Pol-Roux, Robert Desnos, Jacques Rabemananjara, Tristan Corbière, Aimé Césaire, Arthur Cravan.
Vincent Calvet nous dit de ces textes hauts en couleurs que « ce sont des poèmes-hommages mais avec un aspect documentaire. J’essaie d’être exact, de ne pas faire d’erreurs factuelles. Tout est vérifiable par la biographie des poètes. » Il précise ceci : « les propos que je mets dans la bouche de Cravan (qui traite Apollinaire de sale juif) n’engagent pas mon opinion personnelle, mais il s’agit des propos qu’il a réellement tenus dans ses écrits. Pour ce qui est de Serge Essenine, les allusions aux juifs correspondent à un épisode de sa vie où, aux USA, en compagnie de sa femme Isadora Duncan, il avait provoqué un scandale dans les milieux mondains par ses propos antisémites. Pour ce qui est du poème en hommage à Césaire, j’essaie de me mettre dans la peau du jeune Césaire du discours de la Négritude et j’essaye d’imaginer ce qu’il aurait pu penser de Barack Obama, celui de la fin du second mandat. Là, pour le coup, je partage ce que je mets dans la bouche de Césaire. J’espère ne pas vous choquer si vous êtes fans du président américain. »

Extraits de Renaissance (recueil inédit).

Souvenir d’Anna

La statue d’Anna Akhmatova dans un jardin
de la rue Vosstanyia
non loin de la perspective Nevski
dans un parterre d’arums semble attendre
le retour de son enfant
et de son amant
des lointains glacés de Sibérie
elle est environnée de lumière ce matin
et semble sommeiller
dans cette ville des merveilles
cet été là
où je rêvais d’elle
sans comprendre...

Saint-Pétersbourg et ses canaux fabuleux
ses ponts rouges bleus verts
ses assassins tout droit sortis
d’un roman de Dostoïevski
Fontanka ou Moïka la petite Venise
ou Griboïedov dominé par les bulbes
du plus bel édifice que je connaisse
mosaïque improbable
la Néva qui déroule ses eaux troubles
en juillet
majestueuse et lente
les eaux encore libres
en cette saison
le long des grilles du Jardin d’été
(comme dans ce poème d’elle
 : je me souviens...)
aux allégories de marbre
parmi les fontaines et les bosquets riants
les fleurs roses les mésanges
la cathédrale Notre-Dame de Kazan
ses colonnades romaines
son architecture imposante
et la ferveur des russes dans leurs prières
qui m’impressionne tant
et l’église sur le Sang Versé
que j’aime toujours
aux toits émaillés
l’église Saint-Isaac et sa froideur monumentale
ses anges de métal noircis par le Temps
le monument à Catherine II et ses pigeons agitant leurs ailes
dans la gaie musique cosaque

Dans l’appartement collectif d’Anna Akhmatova
sur les quais de la Fontanka
le vieux feutre et le pardessus de Mr Pounine
sont encore accrochés à la patère dans l’entrée
la petite icône dans un coin de la cuisine
impose le silence
et le samovar ancien qui fumait
jadis
dans les nuits blanches
les valises stockées dans le couloir
(pour quel départ
sans retour ?)
le petit studio-photo
qui fixa des drames
et des joies
le salon bourgeois
les tableaux futuristes
qui décorent l’intérieur sombre
de cette maison bleue

Dans la chambre d’enfant
un singe en peluche
sur le lit de velours rouge
et dans la chambre d’Anna Akhmatova
un petite table
où fut écrit le Requiem
et bien d’autres très beaux poèmes
 : je m’arrête un instant
et la regarde écrire
comme si je la voyais
en présence

J’ai sans doute trop rêvé
dans le pas des poètes
dans des villes vivantes
songeant aux fantômes
de la poésie
et à ses histoires tristes
à ses morts tragiques
à ses héros.

Pour Julien Boutonnier

Tous les enfants du monde
prisonniers des barrières
des barbelés de la Mort
prient pour celui là
qui court dans la neige
privé de ses parents
envolés en fumée

Tu lui as donné comme nom
Urbinek l’enfant déporté
mon ami Julien
cet enfant à l’étoile
auquel tu t’identifiais
toi meurtri par l’absence de mère
partie trop tôt
dont tu parlais toujours
avec un tremblement dans le corps

Les nuits sont noires
dans le camp de Dachau
les étoiles brillent
dans un ciel glacé
la terre est dure
les wagons plombés
s’échouent dans les ornières
du Temps

Un peuple de fantômes
qui s’amasse à la porte
de l’Histoire
le meurtre de l’enfant
gravé dans la mémoire
ossuaire qui oblige
à ne pas taire
à énoncer la Vie

Le visage de l’autre est un Sinaï
qui interdit le meurtre

écrit le philosophe
et toi c’est en poète
et père
que tu prononces les mots
qui assimilent l’Horreur

Que diras-tu à l’enfant
qui vient de naître
et qui va grandir
à l’ombre des crimes
face à la l’Enfer ?
Que tout enfant qui vient
doit connaître et ne pas oublier
l’enfant qui courait dans la neige
maigre et sale
en haillons
cherchant sa mère et son père
partis vers la lumière

L’enfant qui fut crucifié
pour tous les enfants
que l’Histoire engloutit
tu l’appelles Urbinek
et c’est comme si son malheur
t’avait enfanté

Une manière étrange de prier
avec tous les êtres
que la terre a avalés
et de te crucifier
dans cette image
dans ta clarté.

Extraits de Ce sont de drôles de types (à paraître en 2018 chez Color Gang éditions).

Signé Cravan

Du haut de mes un mètre quatre-vingt-dix
moi Arthur Cravan
boxeur et poète
chevalier d’industrie
marin sur le Pacifique
muletier
cueilleur d’oranges en Californie
charmeur de serpents
rat d’hôtel
neveu d’Oscar Wilde
bûcheron dans les forêts géantes
ex-champion de France de boxe
petit-fils du chancelier de la reine
chauffeur d’automobile à Berlin
cambrioleur
passager de tous les transatlantiques
cartomancien & bouddhiste
je pisse sur la robe des marquises
& des bourgeoises de Paris
je crache au visage du juif
Apollinaire à la face de babouin
& au gras ventre d’ours
& à sa petite Marie
je lui met un bon coup de ma queue
grosse de marlou zutique
pour lui faire peindre plus vite
que les futuristes de Moscou et Rome
que ce faussaire de Bonnard
pour qu’elle enfin jouisse
de son poète à monocle
qui ne résisterait pas dix minutes
sur le ring face à l’esthète de la baffe que je suis
face à l’essentiel guerrier scythe hé me voilà !
mes poings gros comme des ananas
« Dieu que la guerre est jolie » dit-il
avec une moue gentillette
Je t’en foutrai de la joliesse !
vile salope !
espèce de goitre vermifugé !
sagouin de jean-foutre de salmigondis de gros âne
trépané jusqu’à la couenne & comme bien châtré
New-York New York n’est pas assez grande pour moi
les tours de Manhattan & la statue de la Liberté
ne me font pas d’ombre même si
je vis de vin & de vice même si
je rapporte un bouquet à ma femme au doux matin
& une blanche fourrure de vison
débarquée des docks du Havre à la hâte
j’ai l’audace de la Modernité la haute époque
des colonnes de cuivre & d’alu de Fernand Léger
le commerce a favorisé ma jeune initiative
« mes lecteurs sont priés de m’envoyer des colis
de vins ou de friandises
à l’adresse qui suit »
de l’Inde à Zanzibar je m’enivre
du parfum des femmes les belles danseuses
les négresses & les mandchoues
ou même les salopes & les prostituées du Ritz
boxe boxe mon double bon gosse & casse toutes les vitrines
du haut de ton mètre quatre-vingt-dix !

À Divine, dernière vision de Saint Pol Roux

Le divin Soleil sur la mer d’Iroise
éclaire au matin la lande triste
je vois
le calvaire de Croas Very
les menhirs de Lagatjar
& les huit tourelles du Manoir
les rayons dorés traversant la Rosace
qui projette sur les marbres fins une féérie colorée
une myriade de photons
les barques des pêcheurs qui larguent les amarres
dans la clarté christique
mon peuple de laboureurs
la Vierge pleure au ponton
dans le bruit des vagues océanes
ô ma Divine
ô sang de mon sang !

La Dame en Noir m’a visité cette nuit
je le sais
je l’ai vue
j’ai vu la lame de sa faux étinceler sur mon visage
& ses cheveux blancs de vieille
& l’officier au front de taureau
qui sentait la vinasse

Quelle rage au cœur obscur de l’Homme ?
La noirceur & la haine
la croix gammée
les cornes de Moloch

Il t’a laissée sur les bruyères
couverte de sang & privée de ta blancheur de lys
de ton innocente jeunesse
ma douce fille
ma belle
ma Divine

Je pleure ce matin
dans cette chambre d’hôpital
auprès de toi
je pense à notre chère Rose
sacrifiée elle aussi
pour assouvir la soif des loups
qui sont entrés dans notre beau pays
le beau pays de France

Peu importe que mes poèmes
soient dispersés aux quatre vents
que soit perdu mon Livre définitivement
parmi les cromlechs
que ma blessure saigne
c’est pour vous que je pleure
ô mes enfants

Je revois Cœcilian dans sa jeunesse
je revois ce goéland apprivoisé
qui se posait sur ton assiette
pour te déposer une petite sardine bleue
& les autres oiseaux auxquels tu avais donné des noms :
Mizdul Héol Noroît Amour & Thalassa
& le sourire de ta mère

Je vois je vois Christ maintenant
la Sainte Face dans les embruns
le sang a coulé une dernière fois
la Mort a encore frappé à ma porte
je dois rejoindre mes semblables
les simples gens les disparus en mer

Ne dis rien
ne pense pas
regarde moi qui suis le Magnifique
je rejoins les landes célestes
dans le multiple la multitude le vide
dans le plus simple appareil
avec ta Bonté
avec ta Jeunesse
je serai le plus lumineux des spectres.

Écrit de la prison
hommage à Jacques Rabemananjara

Île !
Île !
Des contrées australes au Septentrion
Je célébrerai tes terres idéales
Tes montagnes couvertes de brumes
L’Andringitra & Maromokotro
Le Pic Bob & le Tsiafajavona
Je chanterai tes rivières au cours placides
Le Mpangalana & le Mahavavy
L’Ikopa & le Betsiboka
& les troupeaux de zébus lents
avançant dans la poussière des chemins

Île !
Île nourricière !
Où je suis né comme un enfant-Christ
Entre des hommes industrieux
Qui labourent la terre et pêchent le poisson
Sur tes côtes lumineuses j’ai plongé mon corps dans l’Océan
Et j’ai nagé parmi les baleines
J’ai tiré moi aussi des moissons la richesse
J’ai engendré jusqu’à l’épuisement
Des enfants soleilleux aux rires argentés

Île !
Île fraternelle !
J’ai mordu aux fruits les plus succulents
de l’arbre à kakis & du jacquier
litchis pocanelles & jujubes
j’ai sucé le sucre de la canne
& dégusté la papaye & la mangue
totalement nu quand j’étais enfant
& que je jouais derrière la maison
avec les chiens du voisinage
& les enfants de la parentèle

Île !
Robe éblouissante !
J’ai conversé avec les esprits de la forêt
Assis au pied de l’ylang ylang
Dans le murmure des lémures
Les cris des singes hurleurs
Dans les nuits de pleine lune
Qui n’était encore sanglante
Ô île mienne & belle d’orchidées
De poinsettias & d’hibiscus
De femmes nues qui chantent

Île !
Fine pervenche !
Le lambo grouine dans les fourrés
& retourne la terre pour dénicher les patates douces
Les crocodiles se cachent sous les souches
Les caméléons changent de couleur
La civette chasse les mulots
Toute la Nature est foisonnante
De ta beauté de jeune vierge
Et la Vie pointe ses cornes de chèvre

Île !
Liberté !
Buissonnante liberté !
Je t’attends du fond de ma cellule
J’attends que tu viennes me libérer
De toute ta jeune ivresse
Du Sud au Nord
De l’Est à l’Ouest
Les enfants de la Nation
Boivent le lait de la fraternité.

Desnos à Youki

Je t’en prie ma belle
ne pleure pas
nous nous reverrons
& notre amour revivra
pour trente ans
tu verras
je t’en supplie ne
désespère plus

Nous avons été déplacés
encore dans un autre camp
qui est plus loin de la frontière
à Theresienstadt
& nos gardiens
ne nous laissent
pas le temps de lire
ni de penser

Je n’ai pas de papier
pour écrire des poèmes
ni encre
ni livres
je t’écris en allemand
je n’ai pas le droit de te donner
davantage de détails
sur notre condition de vie

Elle est rude tu t’imagines
j’ai froid parfois
toujours j’ai faim
j’ai beaucoup maigri
à cause du typhus
tu ne me reconnaîtrais pas
mais mon amour pour toi
lui
reste le même
je t’assure

Hier un kapo
a dénoncé mon ami
Louis
qui avait volé du pain
dans la cuisine
& on l’a frappé
jusqu’au sang

Les déportés que je côtoie
ne sont pas des poètes
mais des hommes
courageux
qui ont foi
en leur patrie

Bientôt je reviendrai
ma douce
on annonce la fin de la Guerre
pour bientôt
c’est une rumeur encore
mais les signes sont là
évidents

Ne perds pas patience
tu verras
pense à notre vie future
qui je le crois
sera belle
comme un soleil de mai

je suis certain de te revoir
la poésie me maintient droit
& vivant
malgré les violence des SS
& les rumeurs
les délires
de mes camarades désespérés

La France est grande
tu es très belle
notre amour est immense
notre espoir intense
ne pleure pas
ma Youki chérie
car je reviendrai
& nous ferons de notre maison
un jardin d’éden
& les lendemains chanteront.

Vladimir Maïakovski à Lili Brik

Elle est belle la Révolution
elle a tes yeux
elle a tes lèvres
elle a tes seins
elle a tes cheveux
elle a ta voix
elle a ton sexe

& moi je la pousse en avant
à pas de géant
à voie nue
comme Hercule
nettoyant les écuries d’Augias
de la bourgeoisie capitaliste
je suis un géant
je déplace les monts Oural
à la force des reins
le Dniepr je m’en fais une écharpe
avec les neiges de Baïkal
moi le paysan
aux mœurs rudes
je laboure les terres grasses de la plaine russe
je construis des ponts sur la Moskva
avec les troncs de bouleaux
& les pins de la taïga

Dans ma chambre
rue Loubianskyi
je pense à toi
un jour tu devras choisir
entre lui & moi
ton mari & ton poète
notre communauté
est fraternelle mais
je ne saurais
partager plus longtemps
mon amour
avec un autre homme
tu le sais bien

Sois ma Révolution
sois mon Amour
mon fusil
ma lampe-tempête
dans les rue de Moscou
quand je marche la nuit
en proie aux délires de la poésie
foi de Saint Basile
je suis un fou
je suis un homme pur
je suis la steppe sauvage
je suis un ours
je suis un ogre
je suis les flots de l’Ïenisseï
je suis la tempête de neige de la Kolyma
je suis toutes les étoiles de la nuit
je pousse des hurlements de loup
qui s’entendent jusqu’au Kamchatka
je suis un sauvage à la tête grosse
de mes poèmes-fusées
de mes furies futuristes
qui éclairent le ciel de Moscou
je suis comme Zeus brandissant ses éclairs
comme un guerrier scythe
un cosaque à cheval brandissant l’épée courbe
je cours
je cours
je franchis des têtes coupées
des champs de bataille
de Saint-Pétersbourg à Vladivostok
mon verbe est large comme le fleuve Amour
comme le Don & la Volga
mon rêve vaste comme la plaine de Sibérie
large comme la Baltique
beau comme un Palais d’Hiver
tonitruant comme les canons de l’Aurore
sur les quais de Cronstadt
haut comme les monts du Caucase

Ici
dans cette chambre
rue Loubianskyi
entre mes livres
& mes pistolets
qui attendent
je t’attends
comme j’attends la Révolution
je bâtis des villes
jusqu’en Crimée
j’érige des obélisques
sur la Place Rouge
je charge la barque de Charon
je n’ai pas peur de la mort
reviens-moi
je t’attends
nous abattrons le mur de l’argent
avec nos poings & nos mots
avec la tendresse de nos gestes
avec notre Amour entier
la Cinquième Internationale c’est pour demain
c’est pour bientôt
nôtre rêve ne s’achèvera de sitôt...

Serge Essenine à Isadora Duncan

Ô Isadora je t’adore !
je t’aime mon ange de lumière
Isadora adorable ma belle danseuse
ton corps charmant habille l’espace
mais ton pays me pèse tellement
& le mien me manque trop
je suis las de Manhattan & de ses tours qui obstruent le ciel
c’est trop de mépris & de brillant là-dedans
trop de miroirs hypocrites
qui masquent le mur de l’argent
de la civilisation capitaliste
moi qui suis habitué à l’horizon sans limites
des plaines russes je me sens si petit ici
écrasé comme un insecte sur une vitre de verre
j’étouffe dans vos palais de marbre
je rêve de retrouver la datcha de mon village
& l’église aux bulbes dorés dans la neige
simple & modeste comme une violette
& la statue de la baie qui brandit sa flamme
la liberté je ne la vois pas ici en vérité
je ne vois que l’argent de la Banque
malgré les simagrées religieuses
de tes amis démocrates & juifs
je rêve de la taïga & de ses baies
de ses ours qui arpentent la prairie
les forêts de bouleaux & les jacinthes
ici les roses sont faites de cristal ou de verre
des fleurs de métal on s’y écorche les doigts
mon amour j’ai trop bu je deviens méchant
j’ai envie d’insulter tes amis & tes mécènes
qui ne comprennent rien à mes poèmes
ils me prennent pour un révolutionnaire athée
ils ignorent comment allier la foi & l’espoir des rouges
je suis rouge oui & je peux mordre avec mes dents
d’enfant terrible malgré mes mèches blondes
qui me font paraître un angelot plein de douceur
ils ont peur de moi de mon couteau entre les dents
& méprisent mes idées de petit paysan
mes superstitions & mes rites orthodoxes
mes croyances païennes qui subsistent
comme je suis une enfant de la terre
& de la grande plaine russe
je suis en colère saoulé de vodka & de whisky
ma patience vole en éclat malgré mon Amour
qui est une religion bien plus solide
que toutes les Torahs & les Bibles.

LITANIES DE LA LAIDEUR
Hommage à Tristan Corbière

Laid comme un pou
moche comme une pelle
repoussant comme une pissotière
dégoûtant comme un torche-cul

Moi dans ma bouche ma belle
je garde un louis d’or
dérobé aux riches marchands de perles
& je fais des étincelles
en grinçant des dents

Affreux comme un sanglier
bête comme une chèvre
triste comme un parapluie
insalubre comme un taudis

Moi je tremble devant toi ma jolie
de tous mes membres perclus
de tout mon corps contrefait
incongru comme une machine à coudre
sur une table d’opération

Écœurant comme une teigne
méchant comme un couteau
irascible comme un roquet de bourgeoise
indécent comme une prostituée

Moi je te regarde de mon œil unique
de pirate qui a connu les tempêtes
sur mon navire de fortune
qui a traversé toutes les démences
arpenteur de toutes les mers
moi je te regarde par en-dessous sournoisement
& tu daignes caresser ma poussiéreuse tignasse
comme on guérit les lépreux & les maudits

Impuissant comme une femme
sale comme un chat errant
malade comme un chien
honteux comme un cocu

Dans les rues de Roscoff je te vois
te balader au bras de ton bonhomme
si ridicule dans son queue de pie
que je voudrais gifler si j’en avais le courage
moi qui ne suis pas même un reflet
d’homme qui ne suis qu’immondice que leurre

Branlant comme un château de carte
crissant comme une roue de locomotive
souffreteux comme un vieillard
saoul comme un pot de chambre

Moi rimailleur qui ne rime à rien
je t’envoie des signaux d’indien
depuis la colline d’en face
je ne fais pas grand chose de mes mains
qu’écrire ces lettres qui t’agacent
toi qui me lis entre deux coupes de champagne
comme on donne un sou à un mendiant à la sortie de l’église

Têtu comme une bourrique
tordu comme une racine de marronnier
tortueux comme un serpent
rampant comme une limace

Si je t’envoie un baiser par contumace
depuis ma tombe mouillée d’embruns
sauras-tu voir la perle que je cache
sous ma pelisse d’anthropophage
moi le nègre moi le marin d’eau douce
moi qui me signe chaque matin devant la Vierge
du calvaire moi qui suis de la taille d’un nain

Pauvre comme une piécette
incongru comme un bilboquet
lourd comme un éléphant
encombrant comme une baleine

Tu ne veux pas de moi tu me dis que je suis moche
comme un crapaud mais talentueux comme Hugo
tu me dis que notre amour est sans équivoque
je dois t’attendre sous la loupiote
à minuit quand tu rentres du bal
pour recueillir la grâce d’un baiser ou d’un sourire
que j’emporte dans ma piaule comme un trésor volé

Harassé comme une bête de somme
puant comme un poulailler
putride comme un cadavre de chat
avide comme un ivrogne

Tu ne veux pas de moi mais qui veut d’un povète
même les prostituées se moquent de moi
les enfants me lancent des cailloux au passage
quand je défile dans les rues habillé en femme
mon père désespère de faire de moi un homme
ma mère pleure ce jour est triste pour elle
je suis mort puisque tu ne veux pas de moi

Velu comme un singe
tordu comme une liane
moche comme un morpion
moche moche moche moche.

AIMÉ CÉSAIRE AU NÈGRE DE MAISON BARACK OBAMA
Hommage à Aimé Césaire

Nègre je suis
jusqu’au bout des ongles
jusque dans ma tombe ici
à Fort de France où je repose
auprès des miens ô mes amours !
nègre je resterai
même à l’état de poussière
mon cadavre n’aura jamais blanchi
au soleil de Martinique
mes ossements resteront noirs comme l’encre

Je ne mettrai pas les pieds au Panthéon
je le dis
je le crie
même mort
même en fantôme
dis-le à ton ami Hollande
& au petit Sarkozy
ce serpent tortueux
ce chien enragé
qui n’est pas rentré dans l’Histoire
lui non plus
comme l’Homme Africain
qui restera le juif de tous les autres

Et toi Barack tu es le
nègre de maison
oui
le plus exemplaire qu’on
nous ait donné de connaître
tu es plus blanc que le Blanc
plus sale & puant & ivrogne que lui
plus soumis qu’une prostituée slave
à son maquereau de l’Est
la Banque
le Dollar
la Réserve Fédérale
le complexe militaro-industriel
les lobbys de toutes espèces
les idéologues de la Guerre
qui bombardent les cités d’Orient
ou fomentent des complots
au sein de mon Continent

Le nègre absolu que je suis
ne te dit pas merci
non
pour ce que tu as fait pour l’Homme Noir
pour les nations africaines
pour la noble cause
pour l’émancipation de la Race
pour l’expansion de la liberté
pour l’expansion de la poésie
tu es comme Mr Propre
on voit bien que tu n’es pas vraiment négro
tu scintilles
tu es une image télévisuelle
un instrument de la Domination

Ceux que tu sers les négriers continueront
à maintenir l’Afrique en état d’esclavage
en état de soumission absolue
nos maîtres blancs resteront les premiers
à honorer le Veau d’or
à perpétuer la Domination
à maintenir les frontières des races
à bombarder les peuples insoumis
à couper les mains des marrons
échappés de la plantation
à nous cracher à la face de singes
à nous les enfants de la Liberté
de la fierté nègre reconquise
nous les Damnés de la Terre
chantres de l’identité noire

Je te maudis ô nègre de maison
Barack Obama le musulman
au sourire colgate
bourreau de la Lybie
bourreau du Yémen
bourreau de l’Afghanistan
traître à la Cause
sous ton masque de chocolat
c’est la face du Blanc que je vois
l’âme vile du Blanc
le vice & la dissimulation
fauteur de guerre
fossoyeur de la Liberté
de l’unité de la Race
de la Négritude mon combat
menteur sans vergogne
Mr Propre à face de serpent !



N.B. : Ces propos n’engagent que leur auteur et ne reflètent en aucune façon les opinions du comité de rédaction de la revue Terre à ciel.




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