Ce sera sans doute la dernière livraison de cette collection « pOètes au pOtager », puisque l’équipe de Contre-allées a décidé d’arrêter l’aventure de ses rencontres poétiques de juin à Montluçon (et c’est bien dommage). Quatre poètes invités, quatre textes inédits édités, dans de jolies petits livrets signés Dominique Fournil. Pour cette ultime récolte : Olivier Bourdelier, Marie Huot, Yann Miralles et Serge Ritman.
Olivier Bourdelier, Mal dit
Poète singulier, Olivier Bourdelier propose là un ensemble d’une dizaine de poèmes avec force présence animaux, nature. Mais sous le beau et la douceur, une sourde violence. Un désespoir élégant.
J’ai ma peau ma gueule et quoi
ma viande d’un matin l’autre
Une langue travaillée au plus juste. A noter que Contre-allées a publié dans sa jeune collection « Lampes de Poche », un texte d’Olivier Bourdelier, en 2012, A la fin dormir
Marie Huot, Les petits jardins
Douze poèmes numérotés, de six à sept vers. Une régularité qui fait penser aux petites parcelles des potagers en carrés. La poète fait des allers et retours entre soi et le jardin. Soi presque comme une terre. Et un rappel de la mort, de l’ensevelissement des corps en terre.
Alors je descends au jardin
celui qui est une lucarne
pour regarder l’usure des jours
Yann Miralles, Mémoire prise-pour Mila
Ce qui frappe dans ce recueil, c’est le travail avec les signes : points noirs, &, /, italiques, tirets etc… Quelque chose qui viendrait rythmer ce texte presque tout d’un bloc.
là donc : dans le quasi photographique
l’impression
du présent le plus nu, le plus
arrivant –
posé là & pourtant comme
plié, où le jour
d’hui se plie sur le passé :
Errance à partir de l’image d’un fleuve, le Rhône. Il longe le fleuve par la route, avec à ses côtés, une enfant, Mila. Route, paysage, sinuosité, surface. Qu’est-ce que l’enfant retiendra du paysage ? Qu’est-ce que sa mémoire fera de toutes ces images ?
ce qu’elle voit
de ses yeux papillons
petits battements d’ailes
qui le saura
Serge Ritman, Des visages dans ta voix sortie d’usine
Images et mots. Serge Ritman part du tout premier film des Frères Lumière, « Sortie d’usine », filmé en 1895 à Lyon, et déroule son propre film, ses propres réflexions.
où sont nos usines depuis
la sortie en pleine lumière
de la répétition est-ce qu’on
voit un ouvrier faire son cinéma
Il mélange d’autres images, d’autres films (le magnifique « Rome ville ouverte » de Rossellini, ou bien encore Pasolini, Aki Kaurismäki). Mélange avec la vie, le monde, les images d’actualité. Et des visages perdus.
Sophie G. Lucas
(16, rue Mizault, 03100 Montluçon)