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Hep ! Lectures fraîches ! (février 2022)

mercredi 9 février 2022, par Cécile Guivarch

Ma mère n’a pas eu d’enfant, Geneviève Peigné, Editions des Lisières

A titre personnel, lire L’interlocutrice de Geneviève Peigné est restée une lecture inoubliable. Geneviève Peigné y évoque sa mère atteinte d’Alzheimer. Découvrir des livres annotés et réécrits par une mère à la mémoire défaillante. Geneviève Peigné, son audace d’en faire un livre et d’affirmer la puissance de sa propre écriture. Lorsque j’ai appris la parution de Ma mère n’a pas eu d’enfant aux éditions des Lisières, j’ai été piquée d’une vive curiosité. Dans ce dernier livre, la mère de l’auteure est de nouveau présente, mais elle n’est pas la seule de la famille. Ma mère n’a pas eu d’enfant est un travail à la mémoire de ses ascendants. Signe particulier : Geneviève Peigné, après la mort de sa mère, puis de son père est la dernière de la lignée.

« Un père vient de mourir. Pourquoi un père ? A cause de la fragilité du un ? Mon père. Un an plus tôt, une mère, la mienne. // Finis. »

Enfant unique. Survivante de sa famille. Les semaines de démarches administratives. Ces semaines où les mots perdent de leur légèreté. Ces semaines où les ascendants viennent occuper l’espace, l’esprit et même les épaules.

"Pour qui est enfant unique d’une mère enfant unique, d’un père fils unique. Et sans enfant soi-même.
Concentrant tous ses ascendants sur deux épaules et une unique cervelle"

Questionner racines et filiation, ces affaires de cordon et de gènes. Une tâche qui ne peut techniquement revenir qu’à elle seule, dernière en vie de toute une famille qui a précédé. Le faire de manière méthodique. Faisant le compte des membres de la famille jusqu’aux grands-parents, compter neuf personnes et entreprendre de les mettre à la porte - ou au monde. Travail de mémoire où l’intime rejoint la mémoire collective. Force du travail poétique de Geneviève Peigné. Remonter dans l’arbre. Accorder à chacun de ces ancêtres des souvenirs personnels, ceux rapportés par les paroles des uns et des autres. Les souvenirs sont-ils justes ? Les suppositions s’approchent-elles d’une réalité ? Est-ce si important au fond que tout soit strictement réel ? Ce qui prime n’est-ce pas de redonner vie à ces ancêtres, leur donner une forme ? Le faire permet-il de soulager quelque chose mal-enfoui ? Prendre conscience que ces ancêtres ont tous participé à une guerre. Le besoin de se vider de ce poids. De ces ascendants qui ne sont pas vraiment morts, car mourir n’existe pas.

Geneviève Peigné retrace. Tout tient dans sa force d’évocation. Celle de la Grande Guerre, des documents qu’elle a en sa possession, ces correspondances qu’elle ne veut pas garder pour elle, qu’elle dépose aux archives, le justifiant par ces mots : « Je n’en veux pas de sa mort. Je veux que ses mots survivent (...) dans des cerveaux autres. » Néanmoins, l’auteure décortique les correspondances, les cartes postales envoyées par un grand-père mort avant sa naissance. Ce n’est pas sans déception car elle ne découvre pas tout ce que y est cherché. Ces cartes en temps de guerre où les « ne t’en fais pas », les « je vais bien » étaient d’usage mais ne révèlent rien. Charge aux descendants d’imaginer ce qui a été imposé, de faire avec les non-dits. Souhaitant remettre ces lettres à la mémoire collective, l’auteure creuse finalement l’intimité de la filiation. Avec des vides, par exemple celui des femmes n’ayant laissé aucun écrit pendant la guerre. Des vides qui font écrire une sorte de non-vie, une disparition, ou plutôt un manque de reconnaissance. Le si peu qu’elles ont laissé.
Au-delà de l’ascendance, se pose également celle d’une descendance stoppée. « Se passer de la chair de sa chair ». Une réflexion sur le choix de ne pas avoir eu d’enfant. Geneviève Peigné donne sa vision personnelle de la maternité / non maternité. Sur le fait d’être femme et non mère. Elle met en confrontation sa propre expérience avec celle de ses grands-parents qui ont eu un enfant unique. Se demande si à cette époque il s’agissait d’un choix - lorsque les femmes n’étaient pas si libres, lorsque les hommes devaient servir le pays. La peur de mourir en mettant au monde est-elle proche de celle d’élever un enfant ? L’auteure l’assume, donne une preuve d’amour à ces enfants non-nés. Mais subsiste cette question : « Est-ce la pire gifle, la pire répudiation à infliger à un ascendant de ne rien prolonger ? »

Ce livre porte, je crois, une autre question plus profonde : « que laisse-t-on lorsque l’on disparaît ? » Ces traces de guerre, de bombardements qui reviennent tout le long du livre, sont-elles les uniques traces de ces vies ? Chacun a caché la guerre à sa façon. Les guerres apprises à l’école en cours d’histoire, mais jamais de la bouche des parents, des grands-parents. Mais est-ce que ce sont les seuls secrets de nos familles ? Remontant dans l’arbre généalogique, parfois y rencontrer une autre mémoire que celle racontée par la famille. Un secret bien gardé. Une colère aimante. « Elle est ainsi faite la mémoire collective : elle n’engrange que la tragédie. Dans un but respectable : que ça ne se répète pas. On ne va pas être contre »

Quelques mois après les morts de mes deux derniers parents - débordée par le fait que la négation ou l’absence qualifie ma vie.
Zéro frère(s), sœur(s), oncle(s), cousin(s), cousine(s), neveu(x), nièce(s).
Pas sœur, pas tante, pas nièce, pas cousine, pas mère.
Nul(s) enfants(s).
Zéro + zéro + zéro est constitutif de 1.
Un demi-siècle de traversée de ce Sahara ou cet Arctique et je n’y prêtais pas attention ?

Incantation pour nous toutes, Anna Milani, éditions Isabelle Sauvage

Je ne connaissais pas Anna Milani mais le titre d’emblée m’a séduite. Une recherche sur l’auteure s’est imposée pour découvrir qu’il s’agit d’un premier recueil. J’apprends sur l’avis de parution qu’elle est née en Italie en 1975, qu’elle s’installe à Montpellier en 2004 et que ce livre est écrit en français. « Un travail d’exploration qui à la fois déroute et re-situe ». Incantation pour nous toutes est un court recueil d’une trentaine de pages - chacune d’elle composée de quelques lignes en texte justifié. Des phrases compactes pour écrire la maison, l’intérieur, la mémoire enfermée. Cette mémoire présente et obstinée. Anna Milani écrit le corps, celui qui occupe la maison. Présence fantôme en communication avec d’autres présences passées. La sensation d’être prise en cage dans la maison, dans un corps chargé de mémoire(s) mais corps qui dans le même temps désire s’envoler, traverser d’autres contrées. L’auteure convoque les oiseaux, les rivières, les fleuves, la nuit et avec ces petits textes brefs creuse et installe la survie. Ecriture mystérieuse, mystique, onirique dans laquelle le lecteur se trouve pris entre le dedans et le dehors. Par moments, les portes cèdent. Le dedans se trouve dehors, sous la pluie et le ciel. « Comment leur donner des étendues » à ces chambres intérieures ? Incantation pour nous toutes est cette recherche d’espace, une manière de laisser le dehors pénétrer le dedans, le paysage se déployer à l’intérieur du corps. Anna Milani développe un imaginaire bien à elle où les verbes se dressent vers la lumière. Pour conclure, le dehors est conçu de l’intérieur, et dans ce dernier, l’espace est infini. Et Anna Milani est une voix à suivre assurément.

Le corps est un lieu-dit dont on ne connaît pas les voies d’accès. On le situe par convenance à l’intérieur de la maison, mais sa géographie déborde les murs, ses territoires dépassent les limites établies sur la carte. Il s’étale dans les ravins, il assimile dans sa morphologie les intervalles et les creux. Là où résonne son chant d’absences et d’incendies.

Nos voix persistent dans le noir, Sylvie Fabre G., Editions L’herbe qui tremble

L’histoire est chargée. Se répète, se perpétue. L’humanité subsiste avec ses mystères ses merveilles et ses effondrements. Nos voix persistent dans le noir, propose une exploration de « l’échiquier du pourquoi ». La poésie, cette manière de nous interroger, sur le monde, sur la vie, sur la mort, cette fin dont faudrait-il vraiment avoir peur ? Ne faudrait-il pas plutôt avoir peur de l’inexpliqué ? Sylvie Fabre G. débute ce livre avec des questions qui pèsent et nous ramènent vers les origines des origines. Recueil assez sombre où le malheur prend le dessus sur le bonheur, où la poète tente de savoir ce qui pourrait donner de nouvelles perspectives à tout cela. Elle trouve parfois la réponse dans l’émerveillement. Nos voix persistent dans le noir dit pourtant la vie et l’amour, cette marche entre la naissance et la mort. Sylvie Fabre G. écrit aussi pour les femmes, pour la condition féminine à libérer du pouvoir viril.

Sylvie Fabre G. dans ce livre écrit la noirceur, l’oppression, l’innommable qui traverse l’histoire. Elle évoque notre humanité dans un état de survie, « la planète en loques », notre époque où écrans et mondialisation dominent. Mais garde une lueur : « (t)es doigts tendus dans l’espoir d’une autre voie lactée ». La lumière est effleurée. Tout n’est pas si sombre. Dans la troisième partie de Nos voix persistent dans le noir, on retrouve un peu de bonheur, la joie simple d’être là, le poème de la vie. Ecarter la noirceur, cheminer vers l’Or. Sylvie Fabre G., dans ce livre, est parti du sombre, du très sombre et invite à retrouver ce qui tient à la simplicité du vivre. Laisser surgir la vie contre le monde sans cesse en train de se défaire. Les peintures de Jean-Gilles Badaire accompagnent de manière fidèle les mots de Sylvie Fabre G. Montrent la noirceur d’un monde aux paysages désolant, aux arbres dénués de feuilles, sans humains...

Tu es serti de présences, empreintes aériennes
preuves élémentaires d’une enfance. Vues, rêvées,
lues, et aussi imprévisibles que le dessin
de la feuille de fougère sur la pierre ou la patte du lièvre
dans la neige, leur vibration agite ta mémoire
au murmure des souvenirs innomés, incréés.
Rassembleraient-ils les fragments épars du secret ?
Perdu entre clairières du sens et taillis de la
sensure
tu l’as désappris, comme la beauté - divine,
comme la bonté de l’en vie à sa source.

Le Labyrinthe des jours, Mélanie Leblanc, Le Castor Astral

C’est Joie de retrouver Mélanie Leblanc avec ce nouveau livre, Le Labyrinthe des jours. A partir du mythe d’Ariane, elle déroule le fil de l’intime soi. Elle parcourt ces couloirs intérieurs, ouvre son désir à la vie, libère le corps, libère le souffle, affirme la féminité, l’audace de vivre. Elle rend hommage à la femme, à toutes les femmes depuis nos grands-mères, à celles qui se sont sacrifiées et saignent chaque mois. Mélanie Leblanc poursuit la quête de couper les liens de douleur qui unissent les femmes et d’être reliée / à toutes les femmes.

« Depuis des années, on me tient éloignée du labyrinthe par la peur. Celle des monstres, du péché et de la honte. »

Mélanie Leblanc décide de laisser entrer Ariane dans le labyrinthe. Elle entame ce parcours et petit à petit découvre qu’ on ne s’y perd pas on s’y trouve. Parcours dans lequel tirer le fil d’un nous depuis un paquet de nœuds dans (s)on ventre. Cette marche dans le labyrinthe est longue. Souvent il faut prendre de nouveaux chemins, des décisions sans revenir en arrière, prendre le temps nécessaire.

« Si je vais trop vite vers la sortie le labyrinthe n’aura pas fait son travail en moi »

Dans les poèmes, Mélanie Leblanc utilise des tirets, plus ou moins longs, des slashs, des espaces. Cette typographie accentue une avancée de parcelle en parcelle. Permet de relier les mots entre eux et de se relier à eux. Si le mot sexe se dresse, si à un moment n’être plus qu’un corps et désir, il s’agit avant tout de marche, d’une quête de soi. Il s’agit d’oser, de se laisser traverse(r) par le plus simple - l’immédiat - la joie. La joie de la marche, de la lumière, de la pluie - respirer tout simplement.

L’imaginaire est au rendez-vous. Le corps comme une île. Le corps étendu sous la lune. Les sens sont en éveil. Le soi prêt à accueillir nuit, arbre, air, pluie et lumière. Prêt à accueillir ciel.
Apprentissage. Acquérir la confiance, le lâcher prise, la sensation d’être vivante et combien vivante, sans rien attendre de la vie, VIVRE, être Soleil. Se relier au monde, à tout ce qui bat, tout ce qui le traverse. Tout simplement se Trouver : « je me suis trouvée j’ai accueilli l’animal en moi ». Mélanie Leblanc, je me souviens m’avait montré timidement quelques poèmes il y a quelques années. C’était les premiers poèmes de Les falaises. J’ai su d’emblée que j’avais affaire à une voix essentielle de la poésie. Et quelle joie de constater le chemin qu’elle a parcouru... Quelle joie ce livre ! A mettre entre toutes les mains.

L’eau est si transparente / que j’observe les différents habitants / têtards / poissons / algues cheveux de fées / jusqu’à trouver un passage / sous l’eau / je plonge une première fois / & vois que je pourrais passer / là / je reprends mon souffle / je suis très calme / confiante / je sens / qu’il me faut passer par l’eau / j’inspire / et plonge / je me glisse entre les roches / guidée par la lumière / les algues me caressent / je manque d’air / encore quelques brasses / enfin / je peux respirer / mais ce n’est qu’une petite cavité / je reprends mon souffle / & plonge de nouveau / la retenue d’air est plus longue / plus douloureuse / la peur me prend / mais je puise dans mes dernières forces / me glisse entre les roches / pour enfin / retrouver l’air libre / j’inspire.

Rouge peau rouge, Florence Saint-Roch, Le Castor Astral

Rouge peau rouge ou comment convoquer la part d’indien en nous. Audacieux projet. Nous, loin des contrées indiennes mais qui avons quelque chose à voir avec ces tribus, selon Florence Saint-Roch. Sommes-nous comme eux des nomades aux campements provisoires ?

On est de drôles d’Indiens

Florence Saint-Roch donne à réfléchir. Nous nous évertuons à effacer nos traces derrière nous, mais ne serait-ce pas pour revenir à cet état de communion avec la nature ? Sommes-nous au bord de cet autre monde, celui où si « le vent nous cherche (...) nous trouve » ?

Rouge peau rouge, dix chants, dix vibrations de cet autre monde , cet espace en nous. Dix chants pour s’en remettre au vent ou se laisser rejoindre par notre ombre. Indiens pour se rassembler, former une tribu. En dix chants, mots flots, mots justes, mots à entonner, à déclamer autour d’un feu. Dix chants pour nous rappeler nos essentiels, la rivière, le chemin en nous, la lumière et le ciel. Le Nous en communion avec les éléments, notre nature profonde. Sans faire de différence entre le dedans et le dehors, former corps. Invitation à voler, à ouvrir les ailes : on se découvre oiseau. Dans un chant chamanique, retourner à nos propres sources et laisse(r) le courant nous tirer. Le « Nous » et le « On » se côtoient. Ce Nous si grand. Ce On plus intime. Le nous et le soi rassemblés. Ensemble et chacun. Tout se délie rien de se défait.

« On s’applique on se tait ensemble / Chacun dans son ciel »

Florence Saint-Roch explore le mode de vie des indiens, jusqu’à la traque du gibier. Nous ramène à notre côté sauvage. Ces chants convoquent le ciel, le laissent descendre jusqu’à nous. Dire les astres / qu’on porte en nous, (...) le grand esprit la force du vivant. Surtout marcher. Suivre un chemin. Parfois il ne mène nulle part. Parfois on s’arrête on reste au bord // on n’est pas forcément chez soi / dans ce qui nous ressemble. Ou alors on se trouve devant l’insaisissable. Peut-être s’agit-il de retenir que si nous sommes un petit caillou, nous sommes là néanmoins. Peut-être qu’il ne faudrait être que cela. Quelque chose de simple sans rien attendre du monde. « Dans l’immensité des règnes / même les pierres se recommencent ».

(...)

Attentifs aux changements du ciel
On prend position

Au nouveau campement ardeurs nouvelles
On veille on protège l’ordre profond

Pas de fumée sans feu
Nous dit-on

On ne sait pas toujours le nom
De ce qui nous appelle

N’importe
On se risque

On répond

Quelque chose que je rends à la terre, Sébastien Ménard, l’esquif / Publie.net

Débuter ce livre avec toute une liste d’auteurs. Une liste intitulée : # Ici, j’écris avec. Ecrire avec des auteurs essentiellement contemporains, des compagnons, des poètes fondateurs. A la fin du livre, une autre liste, pareillement nommée : # Ici, j’écris avec. Ecrire avec les animaux, les végétaux, l’air, les poussières, l’eau (sous toutes ses formes), les lieux, les outils, les silences, les inquiétudes, le vide, la beauté, etc. Ecrire entouré de livres, de regards, de lectures, d’amis. Ecrire avec la nature, avec nos doutes, nos certitudes, nos douleurs, nos joies... En consultant ces deux pages de Quelque chose que je rends à la terre, on sait que cette lecture sera en compagnie de et de. D’emblée, entrer en confiance dans ce livre, aux poèmes titrés et rassemblés en plusieurs parties (Chers corps / Quelque chose que je rends à la terre / Il faut savoir être dans l’instant ami / Dits / Dans ce grand silence de fauche où chercher ma fontaine sauvage). Tenir entre les mains un recueil ordonné, structuré, avec une trajectoire.

L’écriture, d’un abord simple, est à « la recherche d’une poésie qui serait d’une absolue pureté ». Poésie qui dit les petites choses, ou celles que l’on croit petites, ou dénuées de poésie. Poésie qui appelle les choses, leur donne une âme ainsi nommées. Poésie dénuée d’artifices, puisant au cœur de l’émotion même. Influence certaine des auteurs américains, notamment Ginsberg, dont un des titres est repris. Poésie directe. Elle dit ce qu’elle voit, ce qu’elle ressent. Elle n’image pas. Elle est à l’écoute du monde, des gens, des énergies. Des gens et leur souffrance, des gens et leur solitude : « chers frères humains ». Surtout dire la vie, dire l’amour, aspirer à la « vie bonne ». Sébastien Ménard apporte une réflexion, notamment où trouver la poésie. En référence à Siméon : « la poésie c’est comme ça / qu’elle sauve le monde non // non la poésie ne sauve rien / la poésie crie / elle ne fait que / crier / et encore / elle crie dans son silence / c’est du silence crié la poésie du silence // crié ». Poésie qui dit le « JE », qui doit le « NOUS » et qui tend le poème.

L’écriture de Sébastien Ménard suit les mouvements, celui des arbres, de la pluie, de la vie. Revient parfois à un état animal, à nos origines. Nous dans le Grand Tout, comme la pluie, la terre, le cosmos, à la recherche d’une langue nue. Réfléchir est remplacé par méditer. Et tout dit quelque chose... Le dit du chemin, des pluies, du bois de Kobylka, du fleuve, du buffalo, des confins. Tout simplement, on se laisse porter par cette écriture fleuve. On se laisse porter par les différentes parties, chacune montrant la faculté de l’auteur, avec différentes formes d’écritures, de changer de trajectoire - du quotidien au spirituel. Une pensée profonde qui se déploie notamment dans la dernière partie, montrant ce que nous sommes, ce qui nous fonde. Un livre vivifiant en somme. Un livre de santé.

(...) je suis debout je porte les mots
et du fumier de ferme
c’est la même
intention :
quelque chose - je ne sais pas vraiment quoi -
que je redonne à la vie
à l’humus
à la terre
et à la suite

je marche dans l’herbe humide et j’écoute les bêtes
et si je connais pas leur nom je l’apprendrai
je leur donne
ma confiance aux bêtes
comme à la fumure et aux mots
à ceux qui tentent
je leur donne ma confiance
et écoute - quoi faire d’autre ?! -

je marche dans le grand potager
je suis
les lignes de culture
j’essaie de dire
« au plus près »
cette chose
d’amour total
et de tendresse
jamais finie

Au plus clair de la lumière, Diane Régimbald, Edition du Noroît

Des textes disposés comme des fenêtres au centre de chaque page. Des textes-fenêtres Au plus clair de la lumière, des tirets pour seule ponctuation. Ces fenêtres invitent à la confiance, à la liberté, à la possibilité dans l’ailleurs, permettent de mieux tenir dans l’entendement du vivant. Sous les textes, en bas de chaque page, dans une couleur gris clair, un défilé de verbes d’action à l’impératif présent. Chaque texte débutant lui-même par un de ces impératifs.
« estime ressens déloge inonde embrase qualifie déride innove ». Impératifs, comme une foule d’invitations. Diane Régimbald appelle à crier et à tai(re) la douleur et les peurs, à ouvrir les ailes. Elle énumère ce qu’il convient de libérer tout ce qui résiste pour être soi. Elle convie à aller vers ce mystère, celui qui appelle l’origine de la lumière.

pars au plus loin des rêves où le poème prend la forme d’une fenêtre
(...)
souffle tes désirs jusqu’à ce qu’ils jaillissent par vagues
(...)
imagine qu’il n’y a rien d’inatteignable même ta nudité

Une lecture qui engage à atteindre cette nudité en soi / de soi. Une nudité qui ne peut être négligée par qui veut atteindre la lumière. Diane Régimbald convie à être et pleinement être.

Entends l’appel singulier qui bat en toi
(...)
reviens à ta soif primordiale
(...)
joue le bonheur d’exister
(...)
danse n’arrête pas de danser dans le corps danse

Diane Régimbald énumère également tout ce qu’il faut quitter pour parvenir à s’envoler d’un soi emprisonné. Les peurs et les douleurs, les pourquoi qui nous habitent depuis l’enfance. Un livre comme une sorte de guide. Vers la lumière. Vers le soi nu. Essentiel.

N’aie pas honte de toi même si la honte révèle le doute d’exister   relève-toi ne maquille pas tes yeux maintenant des regards t’accablent de leurs envies ignore-les   fais ta route   tiens debout ne refuse rien des nuages qui tournent dans le vent ivre - il te soulève te dirige vers des aventures de couleurs vives et de bruits doux - repose-toi sous un arbre   attends les récoltes que tu as ensemencées - elles viendront - laisse tomber l’exception

O’Yu - un éloge de l’eau chaude, Benoît Reiss, encres d’Anne Leloup, esperluète éditions

Initiation à l’eau chaude et plus spécifiquement aux bains chauds au Japon. « Cela paraît très peu à nos yeux d’être occidentaux » et pourtant il s’agit d’un véritable culte spirituel. O’Yu est une manière de penser et d’être au monde, un rituel sacré, un cheminement vers un autre moi. Dans une très belle écriture, Benoît Reiss convie, pierre à pierre, avec beaucoup de lenteur au voyage au profond de soi. A ses côtés, Anne Leloup par petites estampes bleues délicatement déposées sur la page, prolonge l’invitation : entrer délicatement dans un bain japonais. Benoît Reiss précise néanmoins, page 19, que ce livre est construit sur le désir de partager une expérience, sans prétention aucune.

Non pas un manuel ni un précis. Pas même un vade-mecum. Mais des pas maladroits sur des pierres imaginaires. Une sincère et véritable perte de temps. Je vais sans méthode, sans savoir. Je veux parler de bains, de plonger mon corps dans l’eau chaude.

Benoît Reiss va. Les mots coulent comme l’eau dans le bain. Ses mots sont de l’eau. Une écriture de gouttelettes. Une méditation active. Une pleine conscience. Pas à pas, page à page, en somme de petits chapitres, Benoît Reiss nous en apprend un peu plus sur l’art du bain au Japon. Il manie l’art de la description, retranscrit l’ambiance des salles de bains, les bâtiments où ils se trouvent, les employés qui les entretiennent, les abords, les sensations procurées et la méditation. Il procède délicatement, en effleurant, écrit juste ce qu’il faut pour signifier au lecteur que l’expérience est à vivre. Le livre est à lire lentement. (Je l’ai lu lentement et même sur plusieurs semaines) Un chapitre. Puis un autre. Quitte à y revenir plusieurs jours plus tard. Une manière de prendre le temps de s’initier, d’entrer dans le livre comme on entre dans un bain d’eau chaude. C’est un livre qui se lit avec le corps et il s’agit de se laisser habiter par les sensations amenées par les mots. Ce corps par lequel nous avons la sensation d’être au monde, ce corps un espace à sensations. Prendre ce temps sacré et se sentir vivant.

Mon corps est plus léger après le bain du soir. Il est lui-même et un autre que lui-même.

Ce livre laisse aussi belle part à l’imaginaire. Dans le bain, Benoît Reiss entre en conversation avec des animaux. Un renard, par exemple, délivre un message sur le chant des humains. Un chat parle des poètes. Un corbeau récite un poème.

Est-ce le bain, est-ce l’écriture, vivre tout cela intensément, bouleversement intérieur. Une lecture initiatique qui propose de penser le monde différemment. Une expérience unique. Une traversée sensorielle et spirituelle. O’Yu, cette divinité nous veut nus. Nudité au plus juste de soi, sans habits, sans paraître.

CORPS DANS L’O’YU

Par sa nature, O’Yu embrasse parfaitement le corps. Elle sollicite le réseau des nerfs dans son entier. Ainsi, divinité de ce monde, O’Yu fait du corps un continent nouveau et reconnu dont il est possible d’avoir, ensemble, une sensation complète - tant le corps dans l’O’Yu se trouve alors tenu sur l’espace resserré d’une tête d’épingle - & une impression d’infinis territoires, à chaque sensation plus vastes et nombreux. Le corps comme horizons inlassablement découverts, jusqu’à l’intérieur des zones les plus réduites de l’épiderme.

la hure-langue, Roland Cornthwaite, éditions Isabelle Sauvage

Qui rencontre Roland Cornthwaite s’essaie dans un premier temps à prononcer ce nom de famille difficile pour un(e) francophone. Roland Cornthwaite, sourire et œil brillant, le justifie par un père anglais et une mère française. De ce bilinguisme, de cette difficulté à prononcer l’autre langue, la hure-langue prend sa source et s’installe vers à vers, page à page. Ecrit morceaux après morceaux, années après années, balbutiant la plupart du temps, s’écorchant à la langue d’un côté et de l’autre de la Manche, ce texte est tranché, n’hésite pas à malmener les syllabes, buter sur les mots, laisser des silences. Pris entre la famille maternelle et la paternelle, entre une langue et puis l’autre, entre le sanglier et le cochon. Roland Cornthwaite est grand lecteur, longtemps actif à la maison de la poésie de Nantes, il signe ici son premier recueil dans un bel écrin, les éditions Isabelle Sauvage. Un livre dont nous parlons ensemble depuis plusieurs années, dont Roland avait déjà confié des extraits pour Terre à ciel. Un texte qui s’est écrit dans la douleur et les doutes. Une mère détestée une grande partie d’une vie. Peu importe, l’important dans ce livre c’est la langue. Il se titre dans la langue, débute par la langue, s’habite dans la langue. Une langue particulière, qui n’est pas tendre, elle triture les mots, tend vers tout ce qui s’est tu, vers tout le difficile à dire. « Pas tendre ce qui pas dit ». Elle tente dire et c’est tendu et c’est colère. Roland Cornthwaite écrit comme à peine on respire. Par l’écriture, laisser jaillir cette langue non-dite, toutes racines de terre souffrances, faire jaillir le sanglier, le sauvage pas / sage pas fauve. Ce groin de famille qui fouille et qui fouille comme le fait la langue, remuer la terre, remuer le terreau familial. Evacuer les détritus, car « rien de moi dans / tout ça ». Un sanglier habite le corps, habite la langue, habite le texte - remue les mots.

Un texte où parfois on « manque d’air », où le corps s’en trouve « dépossédé / dessaisi » où l’errance entre deux langues rend l’homme étranger à lui-même. « Dire / dans quelle langue » (...) « mots du père / interdits / maux d’la mère / dans l’mépris ». « Dire / dans quelle langue » (...) le « linge sale (de) famille ». L’écriture tricote, détricote, assemble les fils entre eux et les délie, fait boule et déroule, remonte ainsi culpabilité et mépris. Néanmoins texte nécessaire. Réparer ce qui s’était écroulé en soi. Un texte pour fuir. Pour se dé-naître. Pour renaître. Tuer le cochon, se défaire d’une langue niée, du poids de la mère. (...) Oser tuer / en soi / la bête (...) Vider l’encre (...) cesser le tourne boule / couper court le labyrinthe fil / ouvrir vers. Nous y sommes... cet ouvrir vers... Couper le cordon de la mère, couper avec ce qui a trop pris d’emprise, s’autoriser à se libérer d’elle, à écrire la fin du cochon, à se couper de tout ce qui n’est pas soi. Et pourtant il y a deux je t’aime, les derniers gestes auprès de la mère mourante. Le deuil qui contre toute attente est présent. « Tu es partie / et je suis resté avec cette blessure (...) et j’ai soif de l’eau de l’apaisement ». Cher Roland... Bravo pour ce courage... Pour tout ce non-dit jailli... Pour ce regard tourné désormais vers une autre nuit, la lumière.

histoire de langue
langue de l’âtre
trois aveux un pater
langue étrang’erre
bifurque dans les mots
se mélange les langes

les mots dits francs
pas en)tendre dans le vrai
les fourchementent
le si lent ce entre

langue ma terre d’elle
lisse trop poli de la reine
apprivoise l’abeille
son aiguillon piqu’hûre

découpe des mots dans l’aut’langue
pas claire la bouillie dans l’mix
(h)er

no comment

Moi la dormante / Journal psychiatrique, Anne Barbusse, éditions unicité

J’ai découvert l’écriture d’Anne Barbusse car elle nous avait envoyé une sélection d’inédits, extraits d’un journal, retenus pour publication dans la rubrique Un ange à notre table. Avec le comité de lecture nous avions été touchés et frappés par le rythme de cette écriture. Rythme traduisant l’importance de témoigner à propos d’un séjour en hôpital psychiatrique. C’est ce journal qu’Anne Barbusse a publié aux éditions Unicité sous le titre Moi la dormante. Et c’est poignant comme une écriture du désastre qui en soi conjure le désastre. Des textes de quelques lignes, quelques vers s’inscrivent sur les pages au fil des jours et, lorsque cela est nécessaire, la prose se déploie comme pour laisser jaillir tout ce qu’il y a à exprimer. Car il ne s’agit pas d’enfermer la dépression dans quelques vers, il s’agit de la libérer, de la convaincre de se libérer, de ne pas se laisser emmurer dans un silence quand le monde continue à être le monde. Anne Barbusse a cette chance. Ecrire pour ne pas se tourner vers le bas ne pas se tourner vers le soi.

On entre dans le livre en ambulance et dans un monde en soi qui s’est écroulé mais qui n’oublie pas que la lumière existe. Anne Barbusse écrit le corps qui n’a pas su prolonger le désir de vivre suite à un mal-amour. Elle pose beaucoup de questions dans ce journal, notamment de savoir si c’est l’âme qui porte le corps, si le seul désir du plaisir aide à vivre, si elle existe que par son corps. Elle s’interroge et parfois répond : « les âmes ne sont pas où sont les corps ». Dépression vécue comme une entre-vie, comme mort et amour dans le même corps. Elle évoque beaucoup la mythologie, la littérature, notamment André Breton, Ulysse, le voyage et sa nécessité. Rechercher un centre. Répondre à ses questionnements. Allumer la lumière.

Anne Barbusse n’observe pas seulement son soi intérieur, son expérience intime, elle rend dans son livre un témoignage sur l’environnement où elle se trouve. : « ils crient comme j’écris / tous ces fous qui ne savent pas encore / écrire ». Ecrire en ayant conscience de ce qui lui arrive et des gens autour avec leurs souffrances psychologiques. Elle puise dans les fragilités et cela l’aide très certainement à garder distance. Des portraits de ceux qui l’entourent, de ces souffrances toutes rassemblées, il est surtout question du rapport du corps et de l’âme.

L’importance de l’écriture : tu écris pour te rappeler ce que tu fais ici. En plusieurs parties... Comme pour souligner différentes étapes de la dépression et son traitement... Dans une première l’en-soi, puis dans une deuxième le traitement, la drogue, la chimie pour agir sur la personnalité. Mais ce qui est remarquable, c’est que malgré l’enfermement, malgré les traitements, Anne Barbusse écrit, note chaque jour, saisit l’urgence de livrer un témoignage, de parler pour ceux qui n’écrivent pas, de porter leur parole.

cette femme suicidée est la première à qui je parle
un peu
j’ai peur d’en être plus perdue
son malheur n’est pas le mien mais si proches
ils s’accoudent se regardent avancer dans
le petit jour des hommes

les malheurs sont faits pour être mis ensemble
mais les uns ne
peuvent rien pour les autres
de concert ils cheminent
à regret de n’être pas autistes

Amoureuse ?, Estelle Fenzy, la Boucherie littéraire

Avec ce nouveau livre, Estelle Fenzy fait revivre les souvenirs de nos premières amours... Aller à cloche pied derrière un garçon, premiers battements de cœur, premier baiser. Nos jeunes années de l’apprentissage amoureux. Car qui ne s’est pas demandé si c’était bien cela tomber Amoureuse ?. Ce point d’interrogation dès le titre pour toutes ces questions que nous nous sommes posées. Le livre rassemble les anecdotes. Certaines font sourire, comme celle de garder l’image de Jésus sous son oreiller car la narratrice l’a trouvé beau. Alors qu’est-ce qu’être amoureuse ? Il me semble que l’Amour est grand, dès lorsqu’il commence par l’icône, dès lors que se rendant à l’enterrement d’une camarade de classe, on se rend compte qu’on l’aimait. Petites scénettes remémorées ici dans une langue qui parle à chacun. On replonge dans l’adolescence, les premiers baisers, les boums, les garçons qui embrassent bien, ceux qui embrassent mal, les coups de foudre, les vidéos X vues en cachette, le lycée et ceux qui disent d’une fille qu’avec elle on peut... Estelle Fenzy interroge aussi le désir, le fait d’avoir envie de faire l’amour pour une première fois, les premiers ébats dans une voiture... Tout cela ne va pas sans les premières désillusions et déceptions. Initiation... Estelle Fenzy a capacité à écrire dans une langue qui est restée celle de la jeune fille qu’elle a pu être. Avide d’amour. Prompte à donner et recevoir.

Mon regard plonge dans ses yeux bleus. Ses yeux bleu-gris. Entre mes cuisses.

D’ici, mes genoux relevés comme des ailes, ses yeux qui me fixent pendant que sa langue s’applique, c’est comme un papillon. Un paon du jour au milieu de la nuit.

Je ne suis pas bien sûre de ce que je vois. De ce que je ressens, oui.

Dans l’herbe, Victor Malzac, Cheyne

Plaisir de lire ce deuxième recueil de Victor Malzac, après Respire paru aux éditions de La Crypte. Bonheur que le prix de la vocation soit attribué à Dans l’herbe, distinction bien méritée. Et pour ne pas cacher mon enthousiasme, joie de pouvoir suivre cette poésie émergente - elle suit les traces des prédécesseurs (l’auteur est un spécialiste de Tristan Corbière) mais les prolonge de ses propres orientations. Car oui, Victor Malzac ose bouger la langue, la déplacer un peu pour la replacer. Il donne un autre ton, une autre impulsion. Il s’inscrit bien certainement dans un collectif, cette nouvelle vague de poètes nés dans les années 1990 qui arrivent sur la place de l’édition. Cette nouvelle génération qui ose et étonne par une belle maturité et faculté à manier les mots. Cette nouvelle génération qui élargit le champ des possibles. Cela donne de belles perspectives pour l’avenir de la poésie, elle est vivante, elle se poursuit, elle se transforme. La langue toujours prête à se créer, à détonner. C’est tout cela que l’écriture de Victor Malzac confirme et c’est réconfortant.

Dans l’herbe, à peine sorti de l’enfance. Le jeune adulte commence son recueil par un « bonjour, c’est moi ». Non pas pour nous entraîner dans un bon jour, mais de ces bonjour, c’est moi en signe d’interpellation. Un de ces bonjour, c’est moi pour introduire une souffrance, celle d’un corps. Dans l’herbe, corps à arracher comme des mottes d’herbe. Arracher la souffrance à l’herbe, s’arracher à la terre, tenter de se rendre à la vie. Se prouver que la vie est puissante, même si pour cela il faut s’abîme(r) un peu. L’écriture est balbutiante, l’écriture bégaie : « bonjour, je, je suis / un automate en moins solide, un rhumatisme, un, un ». Un bégaiement qui accentue un mal être, une mort à peine, un trop plein d’herbe, de pelouse dévorée. Un état second, un état du trop de. « Je me, j’ai chaud, j’ai de la terre ». C’est à cette période fragile, l’adolescence, que Victor Malzac revient. Une adolescence en bande devant le collège à fumer, à se défoncer, à manger. Adolescence dans l’excès. Une bande d’amis qui le défont. Qui fument pour oublier le siècle. Pour dire ce mal être, retourner à la terre en la mangeant et consumons / notre confiance en nous. En buvant - buvez beaucoup buvez / tout ce que vous pouvez... Tout ceci avec la conscience de se détruire en faisant du trop, du trop, de trop, du trop plein.

Ce ventre lourd, ce poids qui noue la gorge (...) fumons mon ami, ma copine. fumons pour oublier (...) fumons tout, fumons la vie la joie dans du papier collé à la salive, dans le, dans le déni de la vie, la grande vie qui grouille juste au-dessus de nous

Conscience de la vie et de la mort. La vie qui fait de nous des gens qui passent pour finalement mourir. Ce livre parle de cette prise de conscience et de la possibilité de se détruire à l’excès. La prise de conscience de ne pas vouloir être comme les adultes, de ne pas être comme eux. Mais plane toujours la possibilité d’un vide, d’un vide bon. Le livre comporte une deuxième partie qui débute par « à moi - je parle beaucoup, mange / beaucoup / / j’ai mangé les tracas / de mes amis, les bouts, les boulimies. » Ce « moi » est là, fendu / perdu, avec un poids dans le ventre. Ce moi qui sait qu’il ne fait pas ce que ses parents auraient voulu, ce gosse qui a besoin d’hurler pour retrouver son centre, ce gosse dont la colère sera folle. Alors ce gosse marche pour digérer et s’allonge dans l’herbe pour ruminer cette jeunesse, apaiser l’animal en soi. L’herbe, la pelouse comme un lieu de repos, comme un lieu de désir, où aspirer au vide, où se libérer.

Plongée dans une perte de repaire, dans un délire collectif. La souffrance des adolescents, l’âge où tout se construit ou se détruit. Mais l’échappatoire dans le trop, dans l’excès - oublier - atteindre ce vide bon. Victor Malzac, ce sujet est difficile, peu abordé en poésie, mais vous avez osé.

dans les mégots j’ai dormi.

et tous les jours je marche dans la ville
pour digérer, je marche
dans le temps long et dur, le temps

du vendredi.

et le soleil et le soleil
fracasse un peu ma tête un peu les pavés
de ma ville - et mille journées passent

comme ça, comme aujourd’hui, et je,
et je les fume et fume tout et tout est comme
une immense anxiété
pas digérée. je voudrais bien, j’irais
(...)

Les mots dessinent les lèvres, Valérie Canat de Chizy, Cahiers du Loup bleu, Les Lieux-Dits

Quel titre ! Je trouve que Valérie Canat de Chizy ne pouvait trouver plus juste. Quand la communication passe par le regard, quand les gestes, comme la douceur de la coiffeuse, est une manière de communiquer. Petits textes du quotidien ou qui reviennent à l’enfance pour évoquer la bulle intérieure qui accueille et voudrait accueillir davantage de l’extérieur. Difficile souvent de communiquer lorsque l’on entend mal et lorsque le masque des années 2020 empêche la lecture labiale. Heureusement, il y a la marche ; l’accueil du ciel. Le soi capable de se suspendre en altitude, comme pour mieux observer et comprendre le monde, mieux lire ses lèvres. Flotter pour se mettre à distance, pour se protéger, toujours. L’imaginaire de Valérie Canat de Chizy est au rendez-vous. Les fleurs sont présentes, celles qui fleurissent la tombe du père mais aussi celle qui représentent des pensées pour les amis. Celles qui viennent embellir l’intérieur. Fleurs de l’âme. Fleurs avec lesquelles communiquer sans peine. Les difficultés au sein même de la famille : « je cherche ma place / dans la famille » et la sensation du manque de la mère : « l’enfant a faim de sa mère ». Les blessures de l’enfance toujours ouvertes avec une sensation d’isolement au sein de sa famille et dans la société. Se dessine finalement l’idée qu’il ne faut pas chercher à être comme tout le monde, qu’il faut être soi, ne plus avoir à cacher ses oreilles. Etre à l’écoute de l’oiseau, s’accueillir soi, être pleinement soi. Après tant de lutte pour paraître, laisser voleter les papillons, trouver dans chaque jour des trésors, parfois simples comme l’odeur d’un petit déjeuner. Faire de tous les moments partagés une pâte, de ces gestes ensemble un gâteau. Laisser le corps fleurir comme un arbre au printemps.

Une nouvelle fois, par l’écriture, Valérie Canat de Chizy répare ses blessures. Toujours à l’écoute du monde. Prête à l’accueillir dans les bras. Quête de livre en livre, Valérie Canat de Chizy trace un chemin vers un tronc d’arbre qui se fortifie.

dans la retenue

le corps en retrait
fleurit

approche du printemps
force et douceur

pétales
suspendus aux branches

j’enlace l’arbre

son large tronc
prend toute la place

dans mes bras

Rien n’est perdu / Tout est perdu, Philippe Leuckx, Cahiers du Loup bleu, Les Lieux-Dits

Revenir est présent dans ce livre. Le veilleur revient. La neige revient. On revient border l’enfant. Revenir est aussi se souvenir... Se rappeler un tremblement des mains, des souffrances que le corps a portés. Il s’agit aussi de se retourner et d’affronter la peur de briser un poème s’il porte en lui la lumière. Philippe Leuckx oscille entre cœur triste et cœur léger d’un poème à l’autre ou même au sein d’un même poème. Mais l’espoir, la confiance à l’arbre, restent présents. Car si ses textes disent la solitude de l’être, l’idée de ranger la mélancolie au placard demeure. Il s’agit aussi d’un livre de confinement où le souffle des passants s’écartent dans la rue, où la rue est tendue comme une corde blessée. Ce n’est qu’au bout de quelques poèmes que l’on devine qu’il s’agit d’un texte sur la pandémie, un texte où le printemps n’a plus la même saveur. On ressent l’angoisse mêlée au printemps, au souffle ténu. Mais demeurent le ciel, la lumière et l’assurance d’être vivant.

Respire la profondeur du ciel
Hume ce blanc de pure perte
Prends le premier chemin
L’enfant au loin brasse le temps
Jette aux oiseaux un peu de lumière
Pour la nuit qui vient

Où va la poésie ?, Essai - Germain Roesz, Vibrations Editions

« Ecrire sur ce qu’est la poésie est d’une ambition démesurée. Ecrire sur la poésie c’est, au départ, proposer une infinité de questions et se les poser sans cesse. » Ces questions sont posées quelques phrases plus loin et guide cet essai : « Où va la poésie ? Où est la poésie ? Que fait, que nous fait la poésie ? » Germain Roesz part de sa propre expérience, de poète, de peintre, d’éditeur. Il ne s’attache pas à proposer une définition de la poésie car selon lui, cela n’existe pas. Elles se comptent par milliers les définitions de poésie, et très certainement qu’Angélique Freitas a raison en écrivant : « la poésie n’est pas. » Alors qu’est-ce qui fait que nous savons être en présence de poésie ? Est-ce la reconnaissance réciproque des lecteurs de poésie qui la détermine comme nous le laisse entendre Germain Roesz ? Riche de ses lectures et références, Germain nous offre de précieuses pistes de réflexion.

« La poésie est un des lieux, un des espaces qui ouvrent des mondes. »

« Cette capacité qu’a la poésie (...) à saisir et sauver d’une certaine manière ce qu’est un humain, dans ses faiblesses et dans ses forces. »

« Montrer le travail complexe de penser le monde et soi-même »
« Le poète ne rend pas compte de ce qu’il sait mais il (dévoile) ce qu’il découvre ».

« (...) transformation entre l’extérieur et l’intérieur ».

« (...) le poème est ce seuil entre moi et nous ».

La poésie : « le vivant qui grouille dans le vivant ». Elle est « ce lieu qui forge une croissance de la langue. »

« Le poème n’est pas le fruit d’une volonté, mais bien celui d’une intention pas véritablement identifiée. »

La poésie « part de ce que porte le poète et se transforme pour toucher notre propre biographie ».

Elle « forge la conscience, l’intensité (de la vie même) »

Ce sont quelques phrases, juste quelques phrases, mais elles donnent un aperçu vers où Germain Roesz souhaite nous amener. Je n’ai pas l’envie de tout vous dévoiler de cet essai, je préfère vous amener à le lire. Mais une chose qui m’a retenue est que Germain Roesz évoque le travail du poète comme quelque chose de lent, un cheminement. Pour lui la poésie « c’est davantage que de la mémoire. Elle fait avec l’oubli. » Mais il ne la définit pas. Ne dit pas où elle va. Dans la dernière page, une conclusion : « Ce que je comprends du poème c’est comment il transporte l’origine et le plus loin que nous. » La poésie reste donc une question pour l’humanité, qui ne serait plus humanité si la question de l’origine du poème n’existait pas. J’aime beaucoup cette idée.

S’il fallut un jour la guerre, Anne Brousseau, la tête à l’envers

Comment revenir de guerre, de ces batailles traversées ? Comment retrouver les gestes familiers, notamment auprès de celle qui est restée à attendre ? Retour de guerre un jour exceptionnellement doux, ce paradoxe de la douceur après l’horreur. Comment parler de ce traumatisme autrement que par le silence ? Anne Brousseau, avec finesse et psychologie, explore l’être, celui qui est revenu. Forte d’empathie, elle a cette capacité à ressentir, à retracer ce parcours de l’après pour tenter de retrouver des joies secrètes / banales. Elle écrit, le ton est posé, sans se morfondre, juste elle égrène les jours du revenu. Elle pose les mots, et le fait de telle manière que cela suscite une vive prise de conscience. Elle raconte et produit un document rare car pénètre dans le mental, la psychologie du personnage. Elle, Anne, n’a pas connu la guerre mais la ressent dans ses veines, où le sang de l’effroi continue de couler. Peur transmise de génération en génération. Nous portons la guerre en nous, d’une manière ou d’une autre.

Retour de guerre, quoi de plus rassurant que des bruits familiers, une voix de femme qui rit et chantonne, une femme à serrer dans les bras. Mais est-ce que cela permet de guérir du traumatisme, jusqu’à craindre le silence ? Peut-on renaître après un tel vécu ? « Chaque matin peut-il être envisagé comme une renaissance possible » ? Demeure ce miracle d’être en vie : « il écoute son souffle / il vit / encore en vie ! ». Mais les cauchemars du champ de bataille restent ancrés.

« La mémoire ne nous dit pas ce qu’elle garde ce qu’elle jette / elle fait cela seule   dans l’ombre »
(...)
« le corps éclaté telle une étoile / ne peut se défaire de ce qui est entré dans sa / chair »
(...)
« Est-ce qu’on revient véritablement de la guerre ? »
(...)
« la mémoire ne pourra pas effacer ça »

Même si celui qui est revenu n’a pas laissé de membre dans la bataille, une partie de soi y est restée - « cette autre chose dont il sent l’absence ». Le difficile retour du soi auprès des autres. La difficulté de se sentir revivre. Toujours avec une subtile profondeur, Anne Brousseau, au fil des poèmes, relève les stigmates de la guerre dans la mémoire du corps, dans la mémoire des hommes. Plus on avance dans le texte, plus retrouver une place, se réhabiliter dans le monde est difficile. Plus ce qui tient lieu de parole devient le silence. Celui qui emmure alors que dehors il fait soleil. Est-il possible au final de ne jamais revenir de la guerre ? Aucun repos pour l’ancien guerrier. A part peut-être l’amour : « il a fallu son corps à elle / tout contre le sien / pour qu’il croie en la vie / pour qu’il croie en la mort ». On ne sait pas de quelle guerre il s’agit, mais au fond quelle importance ? « l’histoire ne recommence pas / mais prend les mêmes chemins. ». Peut-être qu’il faut apprendre à bercer son propre corps pour retrouver une forme d’apaisement ? Retrouver en soi celui qui n’a pas déserté. Se réparer. Anne Brousseau y croit... mais c’est le travail d’une vie, lorsque le guerrier est un vieux bonhomme regardant les fleurs et les fruits du jardin retire cette joie simple du vivre. Dans le dernier poème, le mot bonheur s’invite. Peut-être le goût éternel de l’enfance rendu possible à force de contemplation, de méditation. Ce bonheur qui ne demande pas plus que d’être là.

Il n’envisage pas encore le temps
ni la matière nouvelle ni les gestes
il est simplement posé dans un espace retrouvé

respirer à peine que rien ne se dissipe
des parcelles de lui-même
il y a une ombre dans son dos qui frémit

il accueille tout
tient les mots à l’écart
que ça emplisse les niches oubliées
et la peur mise à distance comme il se peut

il s’agrippe
la maison la cour le jardin le chemin
la route plus loin désormais

L’âcreté du kaki, Gorguine Valougeorgis, Mars-A

Dentiste spécialisé dans l’urgence sociale, et soignant des patients primo-arrivants afghans, Gorguine Valougeorgis parle avec eux le farsi, sa langue maternelle. Il part du récit de l’un de ses patients demandeur d’asile et cela l’interroge sur sa propre condition d’enfant d’exilés. Né à Paris d’un père grec et d’une mère iranienne, Gorguine Valougeorgis publie L’âcreté du kaki, son troisième livre. Il part donc du récit d’un patient exilé afghan. Celui-ci lui raconte comment il est parti de son pays, laissant derrière lui ceux qu’il aime, laissant l’insouciance de l’enfant, une petite sœur à qui il a montré comment manger les kakis à même l’arbre, en laissant couler le jus sur le menton. L’insouciance est de courte durée : « Son menton n’a pas séché encore / Dans la bouche un goût âcre // déjà ». C’est le départ, l’allée de pays en pays. Sans retour. Culpabilité de ne pouvoir tenir la promesse de revenir. Gorguine Valougeorgis fait de ce récit un poème narratif, une poésie qui suit un fil, les vers se disposent sur la page. Franchir frontières et mers sépare toujours un peu plus des siens. Exil... Voguer de mer en mer. Voyager de capitales en capitales. Avoir un droit de passage...

Il passe sa vie
à passer
d’un pays à l’autre

(...)

Il ne sait plus ce qu’il fuit
Il n’est pas arrivé

S’interroger sur le terme de parcelles. La mer n’est plus une copine de vacances. De désillusions en désillusions, puis l’arrivée à Paris, la vente de Malboro bled place de la chapelle (une place sans chapelle), les immeubles dans les cités. Survivre. Mais la vie se transmet, se poursuit à partir d’un spermatozoïde et d’un ovule. A partir de là Gorguine Valougeorgis s’interroge à son tour, lui fils d’émigrés né en France. Il questionne cette sensation de manque au fond de lui. Une vie à se chercher, à savoir qui il est. Une vie à marcher à l’intérieur de son corps comme un exilé sur les chemins. Pourtant « fils d’exilé je n’ai pas connu la faim la soif ». Mais quelque chose manque, peut-être les yeux de (s)a grand-mère. Etre à la recherche d’une communauté à laquelle appartenir, à la recherche de son soi véritable.

« une enfance une vie un corps divisés en trois terres trois langues trois cultures »

C’est ainsi que Gorguine Valougeorgis déploie sa langue, délie une langue nouvelle. « Croiser (s)on histoire avec celles de ceux qui viennent », partager l’espoir d’un monde de paix et d’amour, sans guerre.

Nous
nous acharnons
à tracer retracer
les limites de nos cadastres
pour une parcelle
un droit de passage
engageons de quoi nourrir une bouche
pendant des mois

Nous
sommes nés du bon côté de la mer
 

(...)
Ne pas me sentir chez moi
dans mon pays de naissance
en en parlant la langue
l’odeur le parfum les couleurs

ni nulle part ailleurs

j’ai mis beaucoup de temps à l’entendre
Souvent

la réponse au fond de soi est la plus longue à se répandre

Entre les lignes, Poèmes Estelle Dumortier, photographies Bernard Ciancia, La rumeur libre éditions

Ce livre m’a été offert alors que je venais de perdre ma mère des suites de la maladie d’Alzheimer. Et cela m’a touchée... J’ai retrouvé dans ces photographies les mains et les regards que j’ai moi-même rencontrés en unité Alzheimer en EHPAD. J’ai retrouvé l’amour sur les visages, la tendresse et la vulnérabilité de ces personnes. Alzheimer, un besoin d’amour, les personnes reviennent à l’enfance, appellent leur maman, se souviennent leur vie d’avant. Les photographies de Bernard Ciancia, prises en EHPAD dans le cadre de ce projet orchestré par Pascale Yniesta, alors psychologue référent en unité Alzheimer, sont tout simplement magnifiques, fortes d’une grande humanité. Si on y voit les patients, les soignants sont présents également avec toute leur belle bienveillance accompagnant ces malades, leurs sourires tendres. Je l’avais remarqué en EHPAD cet amour entre patients et soignants, et entre patients eux-mêmes. Un amour accompagne les malades, les aident à affronter leurs angoisses et à se tenir encore présents en ce monde. Bernard Ciancia est décédé avant la parution de ce livre. Pascale Yniesta aussi. Mais Estelle Dumortier poursuit la diffusion de ce livre dans lequel elle a apposé ses poèmes, traces écrites, témoignages de tous ces gestes, de ces moments forts en émotion. C’est intense se rendre dans une unité Alzheimer. C’est intense partager des heures avec ces patients. Estelle Dumortier s’est rendue disponible pendant près de soixante-quinze heures pour dispenser des ateliers d’écriture, de lecture, d’échange de paroles auprès de ces malades. Son travail particulièrement pour les amener à dire-écrire Entre les lignes - autour de quatre verbes qui sont des symptômes de la maladie : répéter, déambuler, chuter, fuguer. Son travail est celui de la parole, du don. Ecouter, lire, donner voix. Le livre est écrit à partir de la voix des résidents ou à partir d’eux. Deux types de textes s’entremêlent donc dans ce livre, forment un ensemble et se relient aux photographies de Bernard Ciancia. Bravo pour ce livre. Un bel hommage à ces personnes. Un cadeau.

quatre-vingt-onze ans
ses yeux d’homme
dans la même panique que ceux de ses neuf ans
dans un train sans arrêt
vers sa disparition sans fin

(...)

c’est le silence qui rend vivant
j’ai eu un accident
depuis je vois trouble
je voudrais devenir invisible
aller sur la lune
et m’envoler

(...)

dans ma chambre
il y a la photo de mon mari
en costume militaire
il était de la Légion étrangère
sa photo j’y pense tout le temps
en ce moment il est mort

(...)

elle n’a plus les mots ni les jambes
toute colère
ses émotions en bataille
qu’on lui tresse sur la tête
pourvu que l’élastique ne lâche pas

(...)

il y a des trucs qui s’effacent
et m’échappent
on devrait parfois vider les casiers
comme des vieilles choses

(...)

ici on m’a appris à chanter la poésie

La vie. Les poètes la chantent. Chacun à leur manière. Elle apparaît parfois sac de nœuds, souffrances et teintée de noir. Mais dans le fond, dans chaque livre, finalement la lumière est là, jamais très loin. La poésie nous apprend à la regarder, à l’apprivoiser. L’ombre sans la lumière ne pourrait exister. L’ombre n’est que le prolongement de cette lumière, et vice-versa. Alors voyez-là, émerveillez-vous, reliez-vous, unissez-vous, aimez-vous ! Le monde, à bien des égards, nous angoisse, nous terrifie. Mais voyez ici le tout petit, la fleur, l’oiseau, le rien qui s’épanouit et vit. Ouvrez vos bras, ouvrez votre cœur, ouvrez votre corps, ouvrez vos ailes. Vous l’êtes papillon, oiseau, libellule. Vous êtes arbre, plante et fleur. Vous êtes. Nous partageons le même souffle, le même ciel. Nous sommes. L’Amour plus fort que le reste. Sans rien attendre du monde. Etre soi. Au plus nu. La vie est là. Je lis la vie dans tous ces textes. Les poètes sont en vie et c’est réconfortant. C’est joie.

Cécile Guivarch


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