Veille, Nathalie Michel, Lanskine
Les jours se succèdent, ne sont pas datés mais numérotés dans Veille. Ce livre est à la fois journal de la pensée et des jours passés à la campagne, du travail dans les champs. Au départ, le lecteur a la sensation d’être dans la contemplation, mais pas dans ce que l’œil voit, plutôt dans ce qu’il reçoit en regardant. Une contemplation qui pousse plus loin, conduit à la réflexion. Ainsi, le ciel serait « juste un peu de vapeur d’eau ». Le ciel, Nathalie Michel ne se contente pas de le nommer, de le décrire, elle en recherche l’essence. Et c’est ainsi avec la plupart des thèmes abordés dans Veille. Au fond, regarder, est-ce voir la réalité ? « Je ne sais pas ce qui est réel » écrit Nathalie Michel. Elle se penche aussi sur la question du pouvoir des mots : « les mots peuvent, ils sont plus forts que nous », « le mot frappe, ce qu’il représente n’est jamais concevable », « les mots arrivent ou pas. Ils restent sur le bout de la langue des heures, des jours, la vie. » Nathalie Michel parvient à utiliser ces mots et à faire lien entre nous et la nature, entre nous et le monde : « la tête si près du sol que je pouvais sentir son odeur. » Il subsiste pourtant toujours l’idée du « comment dire » pour « articuler l’informulable ».
« Il y a beaucoup de vers dans la terre. » C’est sans doute de cette terre que Nathalie Michel retire la plupart de ses mots pour les consigner dans ce qu’elle nomme « un carnet de vers de terre ». On devine les jours de travail aux champs et le besoin de s’évader les rejoindre lorsque le monde devient incompréhensible. Les tâches agricoles interagissent avec la langue, l’écriture en récolte un grand calme ou bien bouleverse sans crier gare. Pensée en apparence anodine mais néanmoins puissante par ce qu’elle peut suggérer par ailleurs : « là où j’ai ouvert la terre / c’est un trou ». Le travail de la terre absorbe, mais n’éloigne pas Nathalie Michel de la réalité du monde. Elle suit l’actualité, celle des migrants et des réfugiés, celle des guerres, celle des femmes et des hommes violentés ou tués chaque jour. Dans le livre de Nathalie Michel, c’est la vie qui voudrait être célébrée. « Le monde [qui] nous perd, nous le perdons », alors que l’ « on veut vivre ». C’est de vivre dignement dont il s’agit et pas sur un morceau de plastique dans la rue. Nathalie Michel face à l’actualité a des « poussées de sanglots restées dans la gorge ». Elle s’interroge car où elle vit, tout est beau et en contraste avec le monde. « Ici je n’ai besoin de rien, il y a tout » Nathalie Michel évoque le « nous », cet élan d’humanité qui rassemble, car il ne faut pas négliger les actions pour tendre vers ce qui est humain : « J’ai à nouveau le sentiment d’un grand nous. Sentiment de ce que font d’autres ici et là sur la terre, nous sommes nombreux. » Et ceci alors même que l’auteure constate que « les nouvelles du monde sont encore mauvaises », « dans les journaux L’UNIVERS MEURT » et se demande comment il tient. L’auteure se sent en décalage, en contraste avec une autre partie du monde. Pour elle, la vie « vibre ou passe sans faire de bruit », lorsque pour d’autres « le bruit que fait la vie les tue ». Livre essentiel. Gros coup de cœur. À lire et à relire.
Le corps de la langue, Julien Bosc, Quidam éditeur, préface Bernard Noël
Chaque mot est pesé. Rythme, langue en apparence simple, mais livre bien plus complexe qu’il en a l’air. Julien Bosc part d’une rencontre charnelle entre un homme et une femme et c’est pour nous mener vers un autre chemin : Le corps de la langue. C’est la femme, une prostituée, qui parle au cours de l’acte, l’homme, lui, est silencieux. L’homme est à la recherche de la langue perdue, « le silence de la voix dedans », la langue originelle. Cela en fait un livre étonnant par sa construction, l’idée de faire surgir une voix qui se serait éteinte, cette voix des plus primitives. « Alle(r) […] d’un bord à l’autre de la peau et du mot ». Le corps est utilisé pour délier, faire émerger la langue alors que l’homme, dans ce livre, ce sont des mots qu’il silence. Ainsi au-delà des corps, plusieurs types de questions se posent. La langue n’est-elle pas, au fond, elle-même le corps ? Peut-on les différencier ? Suffit-il de paroles pour être langue ? N’existe-t-il pas un langage du corps ? Les sensations ne sont-elles pas aussi langage ? Julien Bosc réalise une performance. Comment ce qui, en apparence, pourrait sembler un acte érotique devient une profonde réflexion sur la langue ? Comment langue et corps sont chacun un langage ?
la langue et la parole avec
me la mettre
là où tout se dit
et se lie
de vous à moi par la langue
Le dernier livre des enfants, Ariane Dreyfus, Flammarion
« J’écris parce ce que je vais disparaître », ainsi commence Le dernier livre des enfants. Livre aux voix multiples où l’idée d’aller vers la mort est très présente. Il n’est pas question uniquement de mort car la vie y est célébrée, vibrante, cette vie qui ne fait qu’avancer. De multiples personnages, de films, de romans, de photos, sont mis en scène, et pour chacun le rythme et l’écriture sont différents. Cela donne à ce livre une grande originalité. Surtout, Ariane Dreyfus entre en symbiose avec ses personnages et l’on pourrait croire qu’elle parle d’elle. Multiples références, multiples sources d’inspiration, diverses citations, construisent ce livre d’une force onirique qui intrigue. Livre d’histoires, Ariane Dreyfus puise dans un large éventail de possibles. Très inspirée en particulier par les personnages du roman de Richard Hughes, Un Cyclone à la Jamaïque et de son adaptation cinématographique par Alexander Mackendrick. Au fil du livre, les personnages partagent l’idée de « ne pas mourir », et cela revient comme un leitmotiv, pour mieux célébrer la vie. De la naissance, par l’eau, celle qui amène les enfants et continue de couler « Je passerai par un petit ruisseau / L’eau va où elle va », aux enfants que l’on observe, les enfants qui ont été, nous et ceux qui le sont encore. Comment allons-nous dans la vie, pleins de désirs et d’amour ? Ariane Dreyfus est de plus en plus proche de ces personnages et nous nous sentons proches aussi. Nous tendons tous à disparaître et nous nous demandons quelles traces nous laisserons : « De ces traces qui furent moi / Plus aucune dans l’eau », « On ne rentre pas dans la mort, on y disparaît ». Mais nous sommes pleins de vie : « Tous les soirs, avant de dormir, j’écoute la terre respirer, pour respirer avec elle et ne pas mourir ». Surtout, Le dernier livre des enfants, ne serait-il pas aussi un hommage aux poètes, à ceux qui nous ont précédés, qui sont morts et dont la poésie continue de grandir avec les générations qui se suivent ? « Je pense aux poètes morts pour ne pas mourir ». En annexe de ce livre, Un chantier de poème, comme un cadeau de l’auteur, un éclairage sur sa pratique d’écriture.
Moi aussi, je vais
Je ne sais pas quand
Le dernier poème
Je me penche au bord de
Chaque jour
Collection de sombreros ? Thomas Vinau, illustrations de Vincent Rougier, préface de Martin Page, Rougier V. éd., collection Poésie & Peinture
En exergue, « Je vous aime tous, alors ne me faites pas chier » (Yves Artufel). C’est cet amour de l’autre, de l’humain qu’il soit enfant, jeune, vieillard, femme ou homme, que l’on retient intensément de la prose de Thomas Vinau. Collection de petits tableaux écrits à laquelle s’ajoute une collection de vignettes par Vincent Rougier. Chaque vignette étant placée en dessous des poèmes, invite à poursuivre vers une autre réflexion. Ainsi, cette Collection de sombreros ? est un tout. On peut lire dans l’ordre ou le désordre ou bien plonger la main dans une vieille boîte à gâteaux remplie de cartes postales. Martin Page dans la préface écrit de l’écriture de Thomas Vinau que c’est un « travail littéraire intimement lié à la nature et au quotidien, à ce que nous faisons des journées du monde. » C’est une poésie d’images, de petites choses à l’apparence anodines ou pas, de la vie qui passe. Du quotidien avec un radiateur qui fait du bruit la nuit, la caissière de chez Shopi, la soupe ou les promenades dans la nature ou dans la ville. Nature, choses de la maison ou de la ville, absences et solitudes. Thomas Vinau fait preuve de sensibilité face à certaines personnes un peu oubliées. Ceci car l’auteur aime les gens : « Les gens sont ma principale source de distraction, les gens sont mon spectacle favori. Je pourrai rester des journées entières, assis, à regarder le monde s’agiter sous mes yeux. J’aime les gens. ils sont dégoûtants et magnifiques. » Le lecteur ressent les influences de Richard Brautigan ou encore de Pierre Autin-Grenier auquel un poème sur la brouette est d’ailleurs dédié. Dans ces textes, les situations commencent parfois simplement et puis, les choses prennent une tournure à laquelle on ne s’attendait pas, souvent en décalage. De cette façon la poésie opère. Les vignettes de Vincent Rougier sont d’ailleurs parfois ponctuées de points d’interrogation ou de lettres un peu en pagaille, cela illustre de manière complice l’écriture. Beaucoup de douceur, le rythme de l’écriture est paisible, phrases courtes passant de l’une à l’autre, du coq à l’âne, comme au fil de la pensée. Des lettres imaginées se glissent au milieu de ces vignettes, comme celle écrite par « le monsieur du magasin Phildar », ou celle de l’enfant de 8 ans à un producteur de dessins animés. Dans la poésie de Thomas Vinau : « Tout est dégagé, léger, le ciel bleu fait du bien. » Et même s’il y a des choses tristes, « ce n’est pas grave. »
C’est un peu triste de penser qu’aucun chien, aucun oiseau, aucun rat, aucun ours ne lira jamais nos poèmes. Pas qu’ils en aient le moindre besoin, mais c’est un peu triste de se dire que ce petit concentré de pureté merdeuse et sublime, qu’on appelle vie, ou réalité, ou amour ou histoire et que l’on glisse d’un cœur à l’autre à travers les mots d’un livre, n’atteindra jamais, ne pourra jamais atteindre, le cœur d’une mouche, d’un aigle ou d’un loup. C’est encore un peu triste de penser aux poèmes qu’ils écrivent eux, d’une manière ou d’une autre et qui restent pour nous à jamais inaccessibles. Si ce n’est, parfois, à travers le reflet du ciel qui traverse un regard. C’est un peu triste enfin d’imaginer que lorsqu’il n’y aura plus un seul homme sur cette terre pour partager un seul mot avec un autre, tous les livres du monde ne seront plus que de la terre et des feuilles morts. C’est un peu triste mais ce n’est pas grave.
sommes nous, Sofia Queiros, éditions Isabelle Sauvage
Joie de retrouver l’écriture de Sofia Queiros dans ce nouveau recueil sommes nous. Ici, de petits textes se suivent comme des échantillons de pensées. Celles-ci s’enfilent comme des perles, forment des minis-listes. Ces listes de petites choses se situent dans l’action avec une série de verbes : parler, patauger, marcher, s’étonner, désirer qui côtoient et contrastent avec le besoin d’hurler, la rage enfouie autant de signes d’existence et de vivre. Sommes nous, c’est elle, c’est il, c’est je. C’est avant tout de l’humain, homme et femme, de soi, de nous, de notre place dans le monde, de chacun de nous avec nos particularités, nos sensibilités. Il ne s’agit pas seulement de l’homme et de son nombril, mais de l’homme et de la conscience du monde. Ce « il » qui « pense à la mer Méditerranée qui ressemble à un cimetière », est glissé dans un texte parmi d’autres choses dont l’amour et la vie quotidienne. Sofia Queiros évoque, parmi d’autres choses, le besoin d’attention dont fait preuve chaque être humain. Elle évoque et puis laisse s’envoler la conscience, le fil du texte se déroule, sautant de pensée en pensée. De soi, aux gens dans la rue, à l’humanité toute entière, où pourrait être la différence dans le fond ? Ainsi tant de pronoms, qui finalement se rejoignent, forment une même personne et la complexité de l’être humain.
Dans une seconde partie, brins et débris, les textes restent sans ponctuation, mais sont découpés en 3 strophes, comme pour donner de l’aération ou une forme d’organisation de la pensée. Telle une série de petits tableaux, cette deuxième partie évoque davantage la violence, aborde beaucoup de sujets de société, de l’enfance aux problèmes des adultes, à la vieillesse et la mort. En quelques lignes, quelques mots, Sofia Queiros a une force d’écriture qui permet d’aborder des sujets graves en rappelant que le monde est aussi capable de douceur.
je ne désire rien de plus qu’une petite maison un petit jardin un grand amour où abriter ma routine de petits plats de ménage et de repassage de plants de végétaux comestibles et savoureux de marches en silence les doigts noués de chansons fredonnées ne désire rien de plus que corps nus apaisés qu’au soleil
La terre tourne plus vite, Camille Loivier, Tarabuste Editeur
Ecriture pleine de vie, limpide, en apparence pure et légère. Camille Loivier emploie un vocabulaire simple, n’utilise pas d’effets de style. Une certaine fraîcheur se dégage. C’est tout un art car ceci n’est qu’apparence, chaque texte dissimule des sens multiples et souvent la gravité se dissimule. Ces textes se lisent en profondeur, en dedans et en dehors. Ils ne sont pas seulement enrobés, ils bouillonnent d’idées. Camille Loivier a l’attention pour ce qui disparaît, pour ces petites choses de la vie où nous sommes tout simplement. Cela côtoie une autre maturité, « la sagesse de ne plus croire / ce monde éphémère ». Passage sur terre, conscience de soi et du monde, identité, traces de spleen, d’angoisse, d’ ancêtres, d’enfance, « le sentiment d’être là ». Dans chaque texte, un fil rouge, la recherche de ce qu’est l’existence. La citation d’Edouard Glissant en exergue en apporte une réponse : « c’est peut -être lutter et rêver ». Ainsi Camille Loivier sème, ici et là, des pensées, amène le lecteur à réfléchir en initiant toutes ces questions que chacun se pose. Camille Loivier nous dépayse, à l’intérieur comme à l’extérieur en nous entraînant dans différents lieux ou bien en se retirant dedans. Traversant différents pays, Camille Loivier évoque le poids de l’Histoire. Elle a du monde une vision humaine et sensible, une idée du vivre ensemble dans la tolérance et la faculté d’évoquer sans rendre l’atmosphère lourde. Le ton reste empreint d’une certaine légèreté. L’écriture de Camille Loivier est comme « le haut de la vague [qui] se déplace/ plus vite que le bas ». Dans chaque poème, quelque chose se déplace, fouette et nous emporte dans un mouvement d’océan. Le sommet dans le poème de Camille Loivier atteint un pic vers le milieu avant d’en redescendre, doucement ou brutalement. Une écriture guidée par l’émotion et le lecteur est conquis.
« Je me demande ce que l’on ressent / de l’existence de celle des autres »
« on entend le cri des choses / dont on dit qu’il fait écrire »
« cet étonnement d’être / presque personne »
« Tu ne sépares pas / l’esprit du corps / car tu n’es pas / à l’intérieur / du dedans / tous est différent »
« une vie a-t-elle tant d’importance »
« la chaleur passe dans la vie / un instant »
« le poème qui n’arrive pas à temps / se rattrape dans un geste inutile »
« Un pays est d’abord la fenêtre d’une chambre »
Ceux du large, Ananda Devi, Editions Bruno Doucey
En une phrase, l’éditeur donne le ton de ce livre : « chant de fraternité pour tous les refugiés du monde ». Trois langues se mêlent ici, avec les traductions de l’auteure en français, anglais et créole mauricien. Ceux du large, ce large où la vie (comme la mort) peut être « offerte et refusée ». Ce large où « l’océan n’a plus de nom », tout comme ces milliers de personnes englouties. L’exil est évoqué de manière directe, l’auteur puise dans la réalité des faits, sans maquiller ses sentiments. Elle évoque les exilés qui fuient leur pays alors même que « rien ne les attend au bout de l’absence ». Elle évoque la difficulté de l’exil, comme « les pieds sont si lourds quand on quitte / son pays même meurtri même vieilli ». Elle sait la douleur des refugiés, ceux qui tournent toujours leur regard vers leur pays. Elle raconte le poids des conflits, la réalité insoutenable de ces morts qui n’ont pas de sépulture, les femmes qui ont des « grenailles / arrachées de leur cœur ». Porte-voix de ceux qui partent, elle évoque la part d’humanité que chacun recherche dans ce voyage alors que la fuite est un instinct animal. C’est aussi le livre des refugiés arrivés sur la terre ferme et qui découvrent les barbelés. Elle n’oublie pas de parler des convertis à daesh, de ceux qui font le jihad : « il suffit de comprendre pourquoi les moutons / si vite se transforment en meute », et des jeunes filles parties en Syrie à la recherche d’un idéal. Elle évoque la guerre et « les chairs dynamitées ». Elle ne porte pas une vision optimiste sur le monde lorsqu’elle écrit : « que dirons-nous aux enfants de demain » ? « En attendant on se terre / dans sa bulle de peur ».
Je suis arrivé ! Je suis arrivé !
S’écrie-t-il, la bouche pleine de sable
Oubliés les jours sans eau
Et la terreur de l’eau
Les corps jetés
Les lèvres fendues
Les langues poisseuses
Le sel dans les plaies
Y compris celles à l’envers
De sa peau
Il tombe à genoux et embrasse les bottes
D’un gendarme médusé
Là où il fait si clair en moi, Tanella Boni, Editions Bruno Doucey
Les mots sont mes armes préférées, titre du premier poème. Tanella Boni donne sa voix aux exilés, aux femmes, aux personnes de couleur, pour que « ce qui doit être dit » le soit. Son écriture est limpide et directe. Dans sa poésie l’image est présente mais discrète et ciselée, ce qui donne une force incontestable à ses mots. Tanella Boni capte le lecteur, même s’il n’est pas entraîné à lire de la poésie. Elle est une poète remarquable, sa voix porte. Elle nomme les choses, parle des injustices, des inégalités. « La petite vérité de la différence / Puisqu’il faut bien la nommer ». De par les problèmes de tolérance et de racisme, « l’humain exclut des merveilles / de l’humanité ». La guerre, l’exil et les souffrances pour qui a connu cela et doit réapprendre sur une autre terre et qui lorsqu’il reviendra sur sa terre d’origine connaîtra un nouvel exil. « Tout départ est aussi un retour / Tu pars avec tes rêves ». Elle dit ce sentiment reçu de la part des regards qui indiquent que « ce pays est loin d’être le tien ». « Je traverse un pays sensible / A la couleur de peau / J’ai l’impression de vivre au XIXe siècle ». Il est question de mémoire, car l’histoire se répète et « les souffrances ne s’effacent pas », des migrants traversent les mers, échouent, un garçonnet est mort, « un ange tombé du ciel » parmi « des milliers de corps inconnus ». Ces exilés qui « ont quitté leurs pays / Le cœur en bandoulière » ont des « rêves transparents qui restent inaperçus », « des rêves émiettés mais résistants ». Elle évoque aussi les djihadistes : « ceux qui ont peur des femmes nues / n’ont pas peur de la mort […] ils ignorent le nom de Dieu ». L’écriture de Tanella Boni est sans conteste engagée. Elle délivre un message de tolérance, d’amour, d’appel à la paix alors que « Personne n’a envie /D’entendre /Ce qui doit être dit / Ce qui doit être écrit / Ce qui doit être entendu / Et raconté comme un conte ».
Ma peau devenue
Transparente
Elle l’était
Sans doute depuis toujours
J’ai oublié d’ouvrir les yeux
Sur mes lieux
Qui ne pèsent pas
Le poids de l’idée
Mes lieux piétinés
Ma parole écrasée
Mes mots refusés
Jetés sous l’éteignoir
Quand ma barque vogue
D’une mer à l’autre
Et ma peau imprégnée
De l’humeur du monde
Or le monde me préfère
Confinées à mon pays
Ancrés, Marilyse Leroux, Rhubarbe
« Ensemble debout
contre l’effroi qui plombe »
Dans ces vers, le poids d’un monde s’effondre mais « Ensemble debout » : élan de fraternité, forme de résistance pour continuer de vivre. Ancrés… Comme la poésie de Marilyse Leroux qui va au fond de nous, « oppos(er) un rythme / à ce qui n’en a plus ». Nous suivons le va et vient entre la mer et nous, même si celle-ci peut nous échapper, à tout moment comme le monde. Le ton de Marilyse Leroux est sobre : « Se dire que le silence / est le nu de la parole » mais donne l’unité au nous, de l’amour à qui rassemble les hommes dans « l’espace qui nous porte ». Nous, comparés à la mer, « ancrés en elle / et en nous-mêmes / exilés pareillement ». Nous nous donnons à son va-et-vient. La poésie de Marilyse Leroux s’approche de la contemplation méditative, mais cela va au-delà de ce que l’œil voit. Cette voix nous amène au fond de nous. Dans un élan de fraternité pour « nous qui n’existons les uns /que par les autres ». Marilyse Leroux fait naviguer sur le chemin de la vie pour « ne pas sombrer / continuer / de pêcher le ciel / avec son ombre ».
Tant d’interactions
entre le monde et nous
pour dire l’unité
qui nous habite
collines, ratures, Franck Doyen, La Lettre Volée
Franck Doyen évoque un village dans un autre temps marqué d’insouciance et rythmé par les saisons et les amours. On sent les odeurs de bêtes, du foin, du feu de la Saint Jean. C’était un autre temps. Le récit est « rouillé ». Quelque chose s’est perdu, quelque chose est en train de pourrir, le paysage est en débris et contraste avec cet « autrefois lisse et moelleux, dans lequel vous aimez vous rouler, seul ou à deux, l’odeur chaude de l’herbe coupée ». Quatre parties composent ce recueil. Dans chacune, le premier texte évoque la rouille, la pourriture, la puanteur, des « restes d’écarts et de paysages » et est en contraste avec les textes suivants empreints de vie auprès des bêtes et de patois tout en rappelant sans cesse ce qui s’est déjà effacé. Un désordre actuel côtoie la nostalgie, quelque chose qui est en train de disparaître, englué dans la boue : « Vous n’avez plus ni mot, ni langue, ni geste ». S’agirait-il du « bruyant effacement de l’humain par l’humain » ? Toujours est-il, la nature, même avec une odeur de métal, finira-t-elle par reprendre le dessus face à « ces bêtes-ci enragées, assoiffées » ? Ou bien l’écriture, comme « les bêtes, les fleurs et les arbres, les collines, les ratures », finira-t-elle calcinée ?
paupières, montagnes, refuge des imbéciles et des bannis, des fuyards, des bêtes déjà mortes plus que sauvages, derrière les yeux, face à la ligne d’horizon, le murmure invisible de la terre que rien ne fâche ni ne délivre,
dans le lointain, le brusque écroulement des villes et des villages, le bruyant effacement de l’humain par l’humain, suffocations et gémissements, incompréhension de la mort devenue familière, proche, une folie cogne et s’installe aux fenêtres, à l’abri des rancunes et des vitres, la parole comme unique couperet, s’effritent les murs, les bans de pierres sèches
Je porte la merveille, Laurence Lépine, Les écrits du Nord / Editions Henry
Cinquante courts poèmes de quelques vers pour une écriture toute en finesse, qui révèle sans révéler. Laurence Lépine suggère au lecteur plus qu’elle ne dit et donne à cette poésie une part de mystère. Le lecteur est invité à réfléchir, à laisser infuser ce que les mots peuvent porter. Les poèmes sont biens construits, bâtis sur des images et un travail sur la langue. Chaque poème interroge. Au fil du recueil, des hommes marchent, parcourent dans le sang, de quoi survivre, en maquillant les yeux de cernes d’espérance, le poids des absents (ceux que la glaneuse a fauché). Le chant des mots est comme une muraille en soi, cette merveille portée au milieu du front. Le plus important n’est pas de savoir de quoi parle le recueil, mais de se laisser porter par les mots, la merveille. Cette écriture s’invente, provoquée par des étincelles. Le lecteur sent le poids de la vie côtoyant la mort. La poésie de Laurence Lépine est toute en pudeur et retenue mais d’une certaine maturité. Elle porte une réflexion essentielle.
« L’Homme / sommeille encore »
« Tu portes en toi / les gestes de ceux qui te précédent »
« Une femme / à Paris / se cache derrière un arbre »
« Le jour / allait se lever / sur un mot étrange »
« Le monde s’attelle à nouveau à son histoire »
Pudeur, certes, mais juste assez pour que le lecteur au fil de sa lecture lise sa propre histoire. Sans conteste, Laurence Lépine sait manier l’art de l’universalité. Et ce n’est pas pour rien que Je porte la merveille a reçu le Prix des trouvères en 2016.
26
Ils sont venus
tissant le monde de leurs mains
comme si le monde
n’était qu’une chose
à paraître
Voile blanche sur fond d’écran, Simone Molina, la tête à l’envers
« - ma langue maternelle - est étrangère en sa maison ».
Dès le premier texte, le lecteur sait un déchirement, des « cris affolement muets ». Quelque chose qui est enfoui depuis l’enfance. Quelque chose où « les mots échappent ». Surtout, il y a cette langue maternelle qui se perd, qui se fait furtive mais qui est très présente au fil du livre et sous différentes formes : « je cherche le verbe« . Simone Molina, poète mais aussi psychanalyste, évoque le trauma de la guerre et de l’exil. Toutefois, elle n’oublie pas de parler d’amour, et cela avec sensualité. Ce désir nécessaire à « l’apaisement qui tremble ». L’importance accordée aux rêves est très présente. Les images de l’enfance surgissent, on y retourne avec les odeurs, les sensations mais surtout la « gorge asséchée par l’Histoire », la peur, les cris qui se « perdent aux fenêtres » et l’exil : « pars et reviens ». Le lecteur sent une suffocation causée par la poussière. Des gravats écrasent les corps, une jambe, et laissent une « trace imprimée ». On pourrait croire à un mauvais rêve : « tu ouvres les yeux et ne vois rien ». Mais la réalité est horreur : « les voix sont abandonnées / à leur chagrin, à leur effroi ». Après l’exil, il y a la recherche de soi : « tu essayes de te reconnaître ». L’enfance brisée par les gravats et la poussière, il faudra réapprendre à écouter « le bruissement du monde ». L’écriture de Simone Molina est belle, imagée et lyrique. « Le cri renverse l’écriture ». Au-delà de son expérience personnelle de l’exil, Simone Molina évoque les patients venus dans son cabinet de psychanalyste, ces patients portent « le silence du verbe », parlent « du coin de la table » de ce qui est « fixé figé en dedans ». Voile blanche sur fond d’écran est un livre d’enfance brisée : « j’ai cessé / un jour / de compter sur les rêves de l’enfance », mais aussi un livre sur le trauma, le silence induit par les guerres et l’exil : « on voudrait oublier / alors que tout commence ».
tu fermes les yeux et ne vois rien
tu entends un tumulte
il est exactement logé
dans le vide creusé par le désastre
aujourd’hui
tu sais qu’à écouter les voix des autres
tu essayes de te reconnaître
non
tu tentes de reconnaître ta voix
ta voix abandonnée
en deçà de la poussière et des gravats
[…]
Une cuisine en Bretagne, Joël Bastard, LansKine
« Le peuplier s’éloigne du sol, de son enfance et perd sa langue dans la surdité d’un ciel blanc ».
« Je dois dire à mon père qui ne m’entend pas, profitons-en ! »
« Je t’attends sur le banc que je suis en train de construire ».
Retour au pays de son père, en Bretagne, pour Joël Bastard, où passé et présent se côtoient. « Les genoux contre le zinc", retrouver les discussions d’hier et d’aujourd’hui. Ce livre est construit par fragments, paragraphes, notes qui donnent chaque fois un tableau, un portrait, une histoire, une pensée. Tendresse, humour, réflexions sur la langue et l’écriture. La langue est relativement présente dans Une cuisine en Bretagne : celle des phrases et des mots, langue du pays ou étrangère, celle qu’on connaît ou qu’on ne connaît pas, et l’attachement apporté.
« Ce qui nous manque à tous, c’est d’être en Bretagne et de parler chinois au vent qui passe ».
Une atmosphère se dégage au fil des pages. Par petites touches la Bretagne est évoquée : paysages et personnages. Un voyage et en-deçà, la mort du père, le souvenir, comme un hommage, une façon de rendre voix : « tu ne dis toujours rien et je parle pour toi ». Mais plus que cela, Joël Bastard fait un retour sur ses origines :
« Ressent(ir) le pays jusqu’à l’os »
« Creuser profond en terre pour qu’une phrase s’élève »
« J’ai l’âge de la disparition de mon père et je marche vers le lieu de sa naissance »
« Essayant de plus bégayer dans la langue comme ces ancêtres passés du breton au français ».
Il nourrit sa réflexion autour de l’écriture, du bonheur d’écrire, d’être écrivain (contre son gré) et du livre qui se construit :
« J’écoute ma voix qui répète ce que je viens d’écrire. »
« En réalité, lorsque nous écrivons, l’écriture est devant. »
« Je reprendrai ces notes dans le futur et lirai les écrits d’un autre. »
« Je laisse venir la nuit occuper la page comme elle vient en forêt. »
Le passage du temps dans Une cuisine en Bretagne est présent :
« Je n’ose penser à mon enfance. Elle est enfermée en moi et fait pourtant mes yeux. »
Le lecteur ne s’ennuie jamais avec Joël Bastard qui donne beaucoup d’images à sa poésie et évoque paix : « c’est la paix qui donne des ailes aux oiseaux et du jaune au soleil. »
Et s’il n’était jamais revenu en Bretagne sur les traces de son père ? Est-ce qu’il n’aurait pas usé du pouvoir de l’écriture pour faire remonter les mots d’hier infusés dans ceux d’aujourd’hui ?
Celui qui écrit n’est pas celui que l’on croit. Vous ne le rencontrerez jamais. Même si vous tenez le stylo. Jamais. Il écrit pour personne comme pour tous et cette écriture ne lui appartient pas. C’est un souffle indispensable qui passe de bouche en bouche. Ne s’attache pas, ne fait que passer. De main en main de l’encre née d’une nature bien avant nous.
Au bord, Sereine Berlottier, LansKine
Donner voix à celle, celui, ceux pour qui il est devenu « impossible à dire tout ce qui serait / comme on voudrait ». Quand il ne reste que les yeux, la pensée et un corps malade, proche de la fin. Sereine Berlottier évoque ce bord : au bord d’un lit, au bord d’une vie, au bord de la mort et comment après avoir basculé, il reste le souvenir un peu vieilli. La voix, la pensée, tous les sens sont en éveil dans ce texte où l’émotion guide l’écriture. Au bord est rythmé par des vers qui prennent le temps de dire le proche malade et ainsi l’espoir. Vers qui permettent d’aller au plus net des émotions ou de dire le manque de parole.
« La prose ne s’oppose pas au poème
Continué vers son bord le plus net »
Paroles, phrases, mots s’assemblent et parlent de silence. Dans ce silence, le poème s’écrit, retient le temps. L’atmosphère de l’hôpital est suggérée par petites touches. L’écriture est originale, la phrase s’invente sans cesse. Quelque chose se déchire, s’en va, se vit si intensément que les phrases donnent parfois l’impression de se bousculer ainsi que la langue, « prête à rattraper qui s’échapperait ». Ainsi, « tu meurs et je te dis autre chose », comme une façon de retenir celui qui s’en va. Puis vient le corps sans, la disparition, le temps du souvenir avec l’enfance évoquée, les photos et petit à petit, « par la fenêtre / la scène de ta mort a vieilli ». Ce livre sur la mort d’un proche, ne tombe pas dans le pathos, ceci car Sereine Berlottier manie très bien l’art de l’évocation. Le livre va par fragment, prend le temps de laisser s’installer phrases et silences. Passer d’un bord à l’autre et pour ceux qui restent, continuer.
On ne dit pas tout ce soir
Aux arêtes du cube où nos reflets se croisent
Tu n’apparais nettement que de t’éloigner
Non pas ensemble mais bord à bord
Ventre immergé près d’une main qui écoute
Qui fait ce qu’elle peut à quoi bon les dates ici ?
Oubliant le nom des plantes nécessaires
J’arrose encore
Dans cette absence
Où le muguet a séché
Fin de saison, Louis Dubost, le phare du cousseix
Faire verbe pour évoquer une fin de saison, une « existence / aux trois-quarts parcourue ». Tel est le fil de ce poème de Louis Dubost. « Trop loin / trop près // de la fin de saison / pour envisager // ce qui n’a pas / de visage ». Chaque matin, le corps est toujours là « à remplir le temps / comme une brouette ». Jardin et vie intimement liés dans l’écriture de Louis Dubost (on pense à son dernier livre Bestiolerie potagère paru aux éditions Les Carnets du dessert de lune). Ainsi, la métaphore des « tuteurs / pour équilibrer le temps ». En quelques pages, Louis Dubost offre une réflexion sur le temps et le corps, ce corps qui d’un coup sera inhabité. La poésie permet cela : ne pas avoir peur de la mort, accepter ce qui menace dans le ciel. Louis Dubost écrit d’une écriture paisible, un poème sur la mort. Poème qui ne serait pas si la mort n’existait pas. Le texte est court mais peut se relire plusieurs fois, en se laissant saisir, en poursuivant sa propre réflexion.
A force
de jouer à vivre
on n’écoute plus
le temps venir à soi
et le temps s’enfuit
sans tourner la tête
on fait porter le chapeau
au liseron qui s’enroule
autour de la béquille
paresse ou lâcheté
la sourde oreille
n’entend rien
à la vie coiffée
par la mort.
Où j’apprends à ma mère à donner naissance, Warsan Shire, traduit par Sika Fakambi, éditions Isabelle Sauvage, collection corp/us
Ce livre fait partie de la nouvelle collection aux éditions Isabelle Sauvage corp/us, dirigée par Sika Fakambi. Collection, qui selon la présentation de l’éditeur, permet à la voix et à la parole, incarnées et sonores, de donner gestes à la langue pour une cartographie de l’être déplacé au monde. Poèmes affiches, poèmes sonores, cartographie panafricaine permettant ainsi de faire connaître, ici, Warsan Shire pour la première fois traduite en français de l’anglais. Où j’apprends à ma mère à donner naissance rassemblent des poèmes qui racontent des histoires de femmes (premier baiser, premières règles, épilation,…) Poète somalie et britannique, Warsan Shire a grandi en Angleterre mais rend langue à ses grands-parents, aux femmes de son pays. La langue, le territoire, l’identité occupent une place centrale. L’image de la femme africaine, sensuelle, pleine de désir, mais aussi dominée par l’islam est au fil du livre remplacée par la femme violentée et par les violences faites aux migrants. Ainsi, un plus long poème est intitulé Conversation à propos de chez soi (au centre d’expulsion) où est dit sans détours la façon dont sont accueillis les réfugiés et le manque de tolérance. Ces poèmes sont simples et troublants. C’est le récit d’un monde où sensualité et religion se côtoient ainsi que le désir et la haine. Coup de cœur.
Sofia la nuit de ses noces a pris du sang de pigeon.
Le jour d’après, au téléphone, elle m’a raconté
comme son mari a souri à la vue de ces draps,
comme il les a rassemblés pour les porter à son nez,
fermant les yeux et passant sa langue sur la tache.
Et elle a imité sa voix de baryton, et comme il susurrait
son nom - Sofia,
pure, chaste, intouchée.
Nos rires couvraient les parasites.
[…]
s’effondrer sans, Nicolas Grégoire / Daphné Bitchatch, Æncrages & Co
Nicolas Grégoire, après Face à / morts d’être, paru aux éditions Centrifuges en 2014, poursuit son travail de mémoire sur le Rwanda où il vit comme expatrié et instituteur. Etre témoin et nécessité de dire. Mettre des mots sur la situation d’un pays « pour tenter de dire un peu ». Ecriture à la hache, parsemée de silences insoutenables quand on sait les cris, les corps et la honte. Il y a ce sentiment d’impuissance, de trouble face à la réalité qui pèse et empêche la tête de se taire. Les mots sont pourtant là, preuves de l’horreur éprouvée mais tout en retenue, dans l’incapacité à faire plus. Retenue car dans ce pays, Nicolas Grégoire y vit en « privilégié ». Mots noués, phrases à peine construites et déstructurées, comme si la honte se bornait malgré tout et « limite des mots et d’être, de n’être là vague sans certitude du bien fondé de la chose ». Le pronom « on » remplace le « je », met à distance, fait rester au bord. Vivre au Rwanda avec « le fragile d’être ici » et « notre faiblesse / l’incertitude pour laquelle / on vit ? » Au fil du texte, mais furtivement, le « on » laisse la place au « je ». Est-ce une façon d’accepter de n’y pouvoir rien ? Mais être-là, est tel qu’« on se jette là / épuisé même ». « On porte ses poings dans les yeux. La mort sans cesse rentrée. » Nicolas Grégoire dit l’inacceptable, l’incapacité, la déchirure et il faut le faire, pour ne pas taire, ne pas oublier.
Sans s’effondrer vraiment
on babille
on se noue à
ses propres coups
l’œil posé
sur les vieilles traces d’une poutre et
la douceur d’un visage
on ne s’y épargne pas
Cécile Guivarch