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Hep ! Lectures fraîches ! (juillet 2017)

samedi 15 juillet 2017, par Cécile Guivarch

  • Voltige !, Isabelle Lévesque, L’herbe qui tremble

Heureuse de retrouver la langue d’Isabelle Lévesque, ici aérienne et fleurie. Singulier et en mouvement, Voltige ! est un livre de fleurs et de souffle. Le vent se fait à la fois fougueux et léger, entraîne avec lui la voltige des fleurs, une folle danse où les pétales se mêlent parfois aux lèvres d’une nuit passée. L’écriture permet de retrouver des pas dans la neige ou de donner des « signes d’amour imperceptible(s) », d’évoquer des mains qui manquent. Isabelle Lévesque nous offre tant de fleurs parce qu’elle les aime, les photographie, passe du temps au quotidien auprès d’elles pour trouver en chacune une personnalité. Et dans ce livre, chaque fleur est personnifiée, nous nous en sentons proches, nous devenons des fleurs à notre tour, très certainement. « Je garde / l’image dans le mouvement qui m’incline. » Le vent, très présent dans Voltige !, fait danser les fleurs et aussi les force à se courber et à aller contre lui et à se redresser toujours. Une écriture qui donne ou redonne souffle, rend la vie, permet de revivre les instants et la nuit. Ecriture sensuelle où la « nuit séparée du jour », « tes bras me glissent des épis, les blés, les cheveux ». Originalité quand tout se mêle, crée des images emplies de poésie. Quand la langue s’invente : « ta fièvre florale ravive les blés », « c’est coquelicot la vie - toujours. » Notons l’importance du coquelicot dans l’œuvre d’Isabelle Lévesque, aussi bien en photographie qu’en poésie. Une fleur à multiple sens. Fragile à la couleur chaude, écarlate, brasier, sang, qui dit la vie, l’amour, la mort et la mémoire, le coquelicot est un symbole fort. Il n’est pas le seul, beaucoup de fleurs des champs, bleuets, marguerites, jonquilles, chardons, pâquerettes, boutons d’or : « l’or en fleur » dans le bal.
Isabelle Lévesque écrit comme les fleurs passent leur âme dans celle d’un être aimé et aussi leurs couleurs dans les yeux. « Sur tes lèvres / mes mots fleurissent. » Les mots, les fleurs permettent de se recoudre au ciel.
Dans Voltige ! le temps, ne revient pas : « derrière le temps, je vois l’or » car « l’arbre ne renaîtra pas ». Ainsi, deux hommes, entre dans la danse des fleurs. L’un, figure manquante, certainement paternelle, et l’autre présent dans les nuits où l’on sent les corps se courber à l’instar des fleurs. La danse des fleurs mêlée aux baisers, les corps au rythme du vent et de la nuit. Ainsi se rejoignent, au fil de la lecture, sensualité et absence. Deux figures masculines. « Tu répondais au soleil par un nom de fleur. »
Les corps légers, comme les fleurs, se plient au vent, se redressent, sur terre ou vers le ciel.
Ainsi, nous sommes.
Le regard d’Isabelle Lévesque sur la vie rend au monde sa beauté.
Mort et vie dans ce livre, mais les fleurs sont d’éternelles renaissances. Dans chaque poème, un rythme. Dans chacun la langue se renouvelle. Et les peintures de Colette Deblé, des femmes du passé que l’artiste fait renaître, rouges coquelicot, en mouvement sur la page.
Ce livre fait du bien, il nous apporte légèreté, permet la voltige au lecteur, nous rappelle comme le monde est beau, là, à nos pieds.

Je reste où livre à demeure, je recompte
aux champs les brins
à tout jamais.
Rien ne fait pétale à revers. C’est
coquelicot la vie - toujours.
Orchestre, cacophonie, le cours des fleurs.

Je veux des gestes orange
de tige frêle. Toute une heure sise de silence.
Je veux. Tordre le cou des principes
pour étreindre le corps lent du soir.

  • A son défunt, Eric Sautou, Faï fioc

Art de dire et de défaire, de dire et de souligner, d’aller plus loin, de résonner fort. Toujours une écriture qui s’invente, avec de nouvelles tournures, avec une simplicité qui n’est qu’apparente et l’habileté de toucher le lecteur à chaque phrase. Eric Sautou évoque de nouveau la mort de sa mère, comme dans son précédent livre paru chez Flammarion, Une infinie précaution. La douleur, la perte et l’émotion sont au cœur de ce livre.

« Les arbres souffrent (les arbres et les fleurs) »
« Je reviens chaque fois mais tu ne reviens pas »
« Ton image fait mal et je tombe »
« Ce qui est la vie se fane »

A son défunt pourrait être cité en intégralité tant on y rencontre des pépites, des tournures de langue qui bouleversent.
Au-delà de la langue, c’est un livre de réflexion sur la mort, le deuil : « mais est-ce que c’est la mort est-ce que c’est la vie » et sur celui qui reste sans le défunt. Celui qui reste n’est plus jamais seul, sans cesse le mort le hante, on lui parle, on continue de l’aimer. Celui qui demeure poursuit sa route : « les jours d’après je ne meurs pas ».

La construction du livre est en plusieurs parties qui suivent le décès puis les phases différentes dans lesquelles se situer : la douleur qui semble insurmontable les premiers temps puis la prise de distance, le silence, les poèmes de plus en plus brefs. Ecrire des « lambeaux » de poèmes, quand « tu reviens » alors que le « visage se ferme ». Le livre se ferme sur une photographie de la mère, dans sa jeunesse, un hommage à la vie, à ceux qui « sont le ciel ».

Eric Sautou sait écrire l’émotion, c’est une écriture gorge nouée et cela le lecteur le ressent si bien qu’il devient lecteur d’Eric Sautou, le suit, livre après livre.

on ne peut
que laisser échapper une fois encore la fleur de son bouquet
c’est de la paille
c’est de la cendre (bientôt ce n’est plus rien)

*

tout ce qui est de toi
est tombé de ma main comme les fleurs
de ton jardin comme le temps

Lisières des saisons, Roselyne Sibille, Les éditions Moires

Plusieurs saisons de la vie d’une femme, chacune son titre déjà poème. En préambule de chacune, des listes : plantes, arbres, oiseaux. Rythmes d’une vie proche de la nature. Lisières des saisons a pour thème principal le temps. Celui qui passe, celui qui « a été bu » et transforme la tendresse de l’enfant en bouleversements de la vie, en brisures. Roselyne Sibille déroule une vie, ses grandes étapes, ses saisons, avec cette question permanente : « Aurons-nous su goûter le temps ? »
Ce temps qui dès l’enfance est présent, par les interrogations : « Tu te demandes méditative », « Tu tends ta main / m’agrippes au temps », « où pousse un arbre étonnamment ». L’enfant qui interpelle le soleil, la lune, les étoiles, les arbres, l’herbe, le jardin, le mystère de la vie.
« Je ne sais comment ta bouche accueille le vide / ni d’où vient la nuit qui chuchote pour toi. » Les conversations avec les oiseaux, le monde que l’enfant absorbe, complice avec la nature et ceux qui l’entoure.
« Une main pose des cerises / brillent fraîches / dans le nid d’une autre main ». L’enfance de la femme est certainement mêlée à celle de l’un de ses chérubins, d’où l’utilisation du pronom « tu » : « C’était au temps d’avant tes mots / Tu ne posais pas tes pas / Tes mains connaissaient tout du sol ». Puis ce monde des tendres années disparu : « où est passé leur monde ? ».
Alors vient le temps de l’adolescence où complicité et complexité se lient. Braises et frémissement, liberté et jeux, ombre et cumulus : « Quelle intensité dans les nuages / quand la pluie déchirera le ciel ? » Puis la jeune femme, enceinte, « Je porte mon enfant et des boucles d’oreilles. » « Je contiens une planète et porte un jardin sur mon dos. » Suit l’âge mûr : « on se reconnaît encore et si peu. » et aussi le questionnement sur le pouvoir des mots, leur force et la méfiance à leur accorder. Absence et silence, période qui contraste avec les précédentes. Quelque chose s’est fêlé, rompu, quelqu’un a été perdu. Il y a une descente vers le noir : « Greffée à la terre je m’impasse / je m’impossible à échapper ». Mais la femme remonte, cherche la lumière ainsi qu’un « masque civilisé ». Cela se termine avec le temps des rides : « on est là / on résiste ». Continuer malgré les douleurs, le passé, les abandons, les morts « avec élan dans les rouleaux de la lumière ».

Roselyne Sibille a de l’élégance dans son écriture et la facilité de créer des images inattendues, avec toujours beaucoup de tendresse. Elle montre comment résister aux accrocs de la vie, comment aller dans cet espace temps, cette éternité qui veille sur nous. Comment écarter les nuages pour réinventer le soleil, car le temps recommencera : « Si les mots renaissent au matin / nous pourrons peut-être / marcher vers demain ».

F comme libre
allongée dans le printemps

Les fleurs s’enracinent à ta hanche et ton genou
Ton silence est recouvert d’une odeur de terre
Dans son rayonnement s’infuse le temps

Les mots se perdent parmi les herbes
déboulent en tous sens
hors du sens
les pieds accrochés aux reflets
à la liberté joueuse des arbres

  • Dans la traversée du visage, Hervé Martin, Editions du Cygne

Hervé Martin poursuit son cheminement poétique avec une poésie épurée pour dire le silence, l’absence, la mémoire, la nécessité des mots. Courts poèmes et vers brefs traduisent beaucoup d’émotion en peu de mots. Recueil après recueil, l’auteur est à la quête de souvenirs venant de l’enfance. Il montre comment l’écriture creuse et avance pour faire jaillir ou perdurer la mémoire.
« Les rêves / ne meurent jamais / et l’enfant en toi / veille ».
« Et tu fouilles le silence / pour remplir ta mémoire / du peuple de l’enfance ».
Le poème permet d’atteindre les différentes couches de soi et de « rester debout ». L’écriture est un « matériau élémentaire / pour colmater l’univers intérieur ». Au fil du recueil, le « mot » devient « pierre-mot » : jolie expression qui fortifie le poème, en résistant et en évitant le silence. Cela nécessite de se connaître : « Tu ne peux écrire / sans savoir qui tu es ».
Le lecteur se retrouve, cherche l’enfant qui ne le quitte pas. Il redécouvre cette question métaphysique que chacun se pose dès le plus jeune âge : « Qu’est-ce donc vivre ? »
L’écriture d’Hervé Martin est pleine de sensibilité. Elle nous invite à réfléchir. L’auteur marche dans les mots pour aller au centre de soi, y déchiffrer quelque chose d’aussi mystérieux que les nuages.

Et marcher dans les mots
qui avancent sur toi
vers le centre
précis de ton être

Tu te relèveras
le visage tourné vers le ciel
les yeux déchiffrant
la langue des nuages

L’écriture la vie, Valérie Canat de Chizy, Les Editions du Petit Rameur

Dès la première page, Valérie Canat de Chizy donne le ton : « Tu ne sais ce qu’est vraiment la vie ». En « quête d’un semblant de lumière », pour répondre à cette question déjà abordée par Hervé Martin (voir ma note précédente) : qu’est-ce donc la vie ? Est-ce le poème ? Autour de Valérie Canat de Chizy, le soleil, les feuilles, les fruits, les vaches, les autres qu’elle n’entend ni ne comprend pas toujours. Autour, « tout resplendit » et pourtant « ce sentiment de désespoir » empêche la lumière extérieure d’entrer à l’intérieur. Le monde, qualifié d’ « univers de vitre », est comme une paroi que l’auteure aimerait traverser pour aller à la rencontre des autres. Derrière cette vitre, Valérie Canat de Chizy vit en exil, les conversations lui parviennent par bribes, elle se sent étrangère. Pour se rassurer, un moyen : se tourner vers l’intérieur, vers ce qui rassure. Elle tente de se protéger des mauvaises ondes et surtout elle écrit. C’est l’écriture, la vie. Celle qui permet de vivre en s’acceptant. Celle qui permet d’ « être à l’écoute de l’oiseau » même si le cœur crie. Celle qui ravive les souvenirs mais va de l’avant. La vie, l’écriture, tout aussi bien. Écrire est comme un prolongement des veines, cela circule et ouvre la voie, permet de regarder autour et voir comme tout est vivant et beau. Le poème permet tout cela, rassure et blesse à la fois. « Il faut écrire pour apaiser / le sentiment d’inexistence ».
Valérie Canat de Chizy écrit sur la différence, sur cette impression de ne pouvoir communiquer et s’interroge sur le sens de cette vie-là. Livre après livre. Dans celui-ci, on sent que ce thème continue de mûrir. Et on a envie de savoir écouter l’oiseau, les fleurs et le ciel, c’est plus que la vie, c’est la poésie.

lorsque j’interroge
on me tend un miroir
me disant
que tout va bien
assis quatre autour
d’une table au soleil
autour d’une conversation
saisie par bribes
dont le contenu m’exile.

  • Demain l’instant du large, Luce Guilbaud, Lanskine

Luce Guilbaud s’adresse à celui qui prend la mer, l’homme qu’elle attend depuis la terre vendéenne et qui va « debout sur la mer ». Les mots évoluent ainsi au rythme des voyages et des vagues. La poésie de Luce Guilbaud est touchante, surtout de par la beauté de la langue.
« Tu iras / sans prudence / dans le vent qui dure »
« Tu écartes le ciel et la mer / des deux mains pour mesurer / le morceau d’horizon qui te revient »
Beaucoup d’espace dans ces poèmes, quand l’homme prend le large, le marin devient si petit et pourtant parfaitement intégré. L’homme en mer, accepte tout d’elle : le vent, les tornades, les noyés, la beauté.
« Puisque les récits voyagent / d’une terre à l’autre », Luce Guilbaud nous embarque dans un long poème où se mêlent la fascination et la beauté, l’horizon, le ciel, la mer et tous ses dangers, ses incertitudes liées aux tempêtes. Cette fascination pour ce « large toujours plus large ». L’écriture de Luce Guilbaud vogue au gré des retours de l’aimé et de sa navigation imaginée. « Celui qui part sur la mer me renoue / revient / le même et plus ». Elle rend également hommage aux femmes qui attendent au port, évoque ainsi sa propre grand-mère, et nous rappelle son très beau livre Comme elle dirait la mer.
Demain l’instant du large comprend une seconde partie dans laquelle est évoquée la Charente, cette rivière qui prend des airs de mer. Nous sommes alors dans un autre voyage avant de revenir aux Sables d’Olonnes, au port, la plage, les oiseaux et vers les grandes voiles et le large. Ainsi toujours ce rapport à la mer et cette question : « Est-ce la vague ou / le bateau qui va à la caresse ? » Luce Guilbaud vit près de la mer, ses aïeules y ont vécu aussi. Elle est très proche de la mer : « où que tu sois la mer en toi. » Pourtant cette dernière porte aussi les absents tout en reliant aux racines. Un très beau livre.

La mer sans conclusion

Je passe mon temps à te chercher
je passe mon temps à te trouver
________________ et le temps passe
entre mes mains avec lumière et jardin sous la mer
tu me tiens entre deux rafales sur la jetée
__ il faut connaître les alignements
__ et se repérer à la bouée d’eau saine
__ pour entrer dans le port
les bateaux alignés voile au fourreau s’endorment
l’hiver on repeint les pontons en gris
tu dis que nous n’aurons plus le temps
__ de mesurer les vagues et
__ que tu partiras encore
____ repousser l’horizon
____ repousser l’avenir __ sans savoir.

  • Ceux du lointain, Patricia Cottron-Daubigné, L’Amourier

Guidée par l’Énéide de Virgile, Patricia Cottron-Daubigné évoque les exilés, ceux qui se déracinent depuis des siècles, des Troyens aux Syriens, en passant par les Érythréens et les Soudanais.
« l’homme que les armes / ont chassé ont fait fuir / ont fait venir / ici »
Ceux du lointain est comme un chant dans lequel sont reliés les hommes. « L’homme en lambeaux », est accueilli dans le poème. Virgile guide Patricia Cottron-Daubigné dans cette écriture qui dit la honte, la détresse, le désastre de l’humanité. À lire l’Énéide, prendre conscience que la même histoire se répète depuis toujours, et aujourd’hui encore l’homme doit s’exiler, fuir la guerre et souffrir d’avoir quitté le pays. Elle écrit « le courage / de celui qui affronte le monde » car « les hommes marchent toujours au-delà / de ce qui les écrase ». Elle les accueille dans un élan d’humanité : « nous vous accueillons / vous et vos compagnons ».
« Les siècles n’y changent rien / il faut partir »
Énée de Troie devient Énée de Syrie. L’un comme l’autre marche.
« Nous marchons tous / pour nos enfants / loin de la guerre »
Dans une deuxième partie, Patricia Cottron-Daubigné fait transition avec les roumains. Sous forme de rencontres, elle évoque comment les roms sont chassés et couverts de honte et de mépris dans « la décharge où on les fait vivre ». Les femmes font les poubelles, les enfants ont faim. Elle se rend dans les bidonvilles et décrit. Dans une troisième partie, écrite en 2014, elle évoque les migrants « accueillis nulle part ». La mer qui venge. Lampedusa. Les barbelés. Les mains qui ne se tendent pas. Et cette triste constatation, alors que « nous décidons de ne pas penser / de ne pas regarder », « nous perdons notre origine / ce que nous sommes / êtres humains »

La parole de Patricia Cottron-Daubigné est très juste. Elle donne sens à son travail d’écriture : « je lis, je regarde, je pleure, j’ai honte / j’écris ». La grâce de sa langue doit beaucoup à sa capacité d’empathie, ce qui lui permet de prêter sa voix. Ici à celui qui marche vers l’Europe pour sauver son enfant, à cet autre qui se souvient du visage de sa femme lorsque le bateau a chaviré, à celui qui a enterré les siens à différents endroits de la Terre (mais jamais là où ils sont nés).

chante mon désir celui
qui me pousse sur les routes
vers vous
les dieux n’ont tissé aucun destin
je viens nous venons
les hommes marchent toujours au-delà
de ce qui les écrase
je suis Aeneas d’Erythrée
ma peau est sombre
mais porte si bien la lumière
je fuis l’oppression les brutalités les sévices
ce qui m’attend dans mon pays
arrestation disparition
chante poète la honte
de vos mains
fermées
la traîtrise de vos maîtres
je marche j’ai porté sur mes épaules
mon vieux père si maigre
si fatigué
mon fils marche à mes côtés
sa main dans la mienne

  • Ton nom de Palestine, Olivia Elias, Al Manar

Poète de la diaspora palestinienne, née à Haïfa, Olivia Elias a vécu successivement à Beyrouth où sa famille s’était refugiée, puis à Montréal et à Paris. Plongée au cœur de l’expérience de l’exil, il s’agit pour elle non seulement de ne pas oublier mais de faire vivre la Palestine. Evoquer la beauté du pays natal, « Je suis née au pays de la beauté », les paysages, les odeurs et la musique. Le lecteur sent dès les premières pages que cela ne se fait pas sans douleur. Le chemin vers l’écriture de ce livre est le fruit d’une longue maturité : « j’ai longtemps cherché les mots / pour dire ta beauté ». La Palestine évoque pour nous avant tout les conflits et l’exil. Pour la famille d’Olivia Elias, il a fallu partir. Alors, l’écriture s’installe, charme et dénonce. Témoin de l’histoire vécue par les palestiniens, Olivia Elias fait le récit des exilés à bord de camions ou de trains, de ceux qui ne pourront plus cueillir les oranges de leur jardin. Elle raconte comment les frontières ont été contraintes de « bouger » et les hommes de se déplacer. Comment « les maisons des vivants » sont détruites pour construire des cimetières. « La guerre est une drogue dure / qui exige la répétition. ». Des Conquistadors à aujourd’hui, toujours la soif de l’or et de la religion. Encore et encore, cela revient : « Ce n’était pas hier mais aujourd’hui », on pourrait croire qu’on va tourner la page, mais le poids de l’histoire demeure : « c’était hier et nous sommes aujourd’hui. »
« Musiciens je vous parle d’un pays / englouti dans une faille de l’histoire. » Olivia Elias rappelle la guerre et le fait à la manière d’un conte musical, d’un long poème pensé pour être lu, chanté, joué. L’auteure évoque « un peuple magnifique », « un peuple qui tambourine / sans relâche aux portes de l’avenir / d’un pays relégué aux marges de l’histoire. » Avenir… espoir, mais les hommes sont fauchés et les corps reposent « dans cette terre crucifiée ». Espoir pourtant, car les palestiniens résistent et la Palestine ainsi « engloutie » devient « éternelle ». Même le cœur en mille morceaux, les hommes continuent de vivre et marchent. Touchée par ce livre.

Temps d’infinie tristesse
Ô Palestine de rose et de jasmin
habillée de dignité rêvant d’impossible
Ivres de puissance ils ont accroché ta dépouille
à l’arrière de leurs chars
et défilent en faisant le V de la victoire
pour parfaire ton écartèlement

Est-ce ainsi que les hommes vivent
et leurs baisers au loin les suivent ?

  • Cosa, François Bordes, dessins d’Ann Loubert, L’Atelier contemporain

Retourner sur des lieux qui « désormais s’appellent jadis », où chaque chose a changé. Mais cette chose, qui est-elle ? Ainsi, on sait d’où vient le titre : Cosa. A quoi cela correspond-t-il ? Une mémoire, une invitation, un rêve, un poème ? Cette chose a une voix et hante le poète. « Cosa-la-fantôme », « cosa-la-muraille », elle nous relie à nos peurs et souffrances passées, à nos morts. Elle est invisible, cramponnée à nos épaules. On voudrait s’en libérer, laisser tomber les masques. On voudrait la fuir. Pourtant, elle semble avoir grossi au fil des années et des événements de la vie. François Bordes, par l’écriture, cherche à se délier de cette chose : « adieu cosa adieu / place au feu place au rêve ». Cela n’est pas si simple, cela nécessite le départ, de rompre le fil et d’adhérer aux rites aborigènes, devenir « Wangarapa ». Les dessins d’Ann Loubert renforce le sentiment de ce qui se cramponne à nous, trace les traits de ce qui nous relie. Livre étonnant et mystérieux.

tu es venue dans mon rêve
cette nuit
cosa

tu voulais que je te nomme ainsi
cosa petite chose

je ne comprends pas ce que cela voulait dire
et je cédais à ton invitation
je t’écrivais je t’appelais
cara cosa
chère chose
cosa mia

  • Entre chair et terre, Françoise Ascal, peintures de Jean-Claude Terrier, le Réalgar

D’où venons-nous, qui « nous a façonnés » ? Friables et fragiles, « pétris / d’argile et de larmes », sous le poids de nos morts, de nos ancêtres et de leurs silences. Avec Entre chair et terre, Françoise Ascal interroge une nouvelle fois nos origines. Comme une obsession, Françoise Ascal explore ces vies anciennes, ces « chairs mortes » dont nous venons. L’empreinte de ces ancêtres est conservée dans nos corps, nous en sommes liés depuis des générations. Ces morts sont en nous, ils sont une énigme dont il s’agit de « détisser » nos vies. Ainsi, Françoise Ascal en vient à poser cette question : « un corps à soi / est-ce trop demander ? » Elle parcourt les chemins de ces ancêtres, au lavoir, à la rivière, chemins où tout a changé depuis mais les lieux restent les mêmes. Nous avons changé nos manières de vivre, mais nous sommes reliés à nos morts qui « sont beaucoup trop vivants ». L’auteure remonte aux premiers hommes, aux origines pour tenter de percer le mystère dont nous sommes faits. Les aïeux nous ont transmis leurs savoirs, les premières lettres et les mots. « Sans parvenir à déchiffrer le livre pourtant ouvert de vos traces » : les traces de nos ancêtres ont été recouvertes mais conservées pour ne pas oublier. Pourtant le mystère demeure sur l’identité véritable de ceux qui nous ont précédés « qui étiez-vous ? » « L’alphabet de l’origine » et l’intrigue pour ces mots éteints, sont ces zones d’ombre dans lesquelles Françoise Ascal puise la force de son écriture si particulière.

Il neige sur nos mémoires.

les flocons volent, recouvrent vos traces,
comblent nos lacunes.

Dedans dehors s’entremêlent.

Des myriades de cristaux fondent entre nos
doigts, identiques, uniques, tels vos visages un
instant apparus.

Joachim, Cédric Le Penven, Editions Unes

Cédric Le Penven écrit l’attente de l’enfant. De celui qui ne vient pas, longtemps attendu, « cet enfant que le corps me refuse ». Puis l’attente de celui dont la vie est naissante, Joachim. La paternité, comment l’appréhender, sans angoisse, sans projeter sa propre enfance, sans reproduire les gestes d’un père qui n’aurait pas été aimant. À l’attente de l’enfant, se mêlent la place occupée par les livres qui nourrissent l’écriture de Cédric Le Penven et les paysages. Ces sources d’images permettent de dire, de « sem(er) des aveux ». Tout cela s’emmêle, ne fait qu’un et l’écriture s’invente : « le jour nu sur la table / dont j’imagine le premier cri ». Les yeux pleurent comme un robinet lorsque l’enfant est enfin annoncé, puis viennent les doutes : « Saurons-nous offrir / ce qui nous a manqué ? ». Sur le point de devenir père, Cédric Le Penven revient sur des souvenirs d’enfance, auprès de la violence de son paternel et de la tendresse des femmes, mère, grand-mère, qui lui ont permis de devenir ce qu’il est aujourd’hui, « pourquoi je est je ». Ces blessures d’enfance s’ouvrent de nouveau avec la perspective de paternité. Les évocations ne se font pas sans épreuve : « moi qui sais que mon visage / ne me ressemble pas / que je passe des nuits / à parler avec un double ». Ainsi, on comprend l’importance de l’écriture et des mots, leur pouvoir d’apaisement : « les mots / regardent fixement la colère / à ma place ». Avec l’arrivée de l’enfant, les doutes s’envolent, l’amour déborde :

et puis te voilà, je ne peux songer aux premiers regards
échangés entre ta mère et moi, sans
sentir monter un amour si vaste
qu’il me fait peur comment vais-je pouvoir reprendre
le fil d’une existence loin de toi

Dans une deuxième partie, La Gourgue, il est question de mémoire encore. « Géographie intérieure » dans laquelle revenir et endroit où a été prise la décision d’avoir un enfant. Cédric Le Penven écrit la façon dont un lieu « épouse secrètement la forme de nos consciences ». La Gourgue renferme des secrets, son bruit d’eau ressemble à la voix de Joachim, l’enfant tant attendu. Y revenir, est retour aux sources, se souvenir de moments douloureux mais aussi des femmes qui l’ont aimé dans son enfance. C’est aussi se rappeler de ces premières lignes d’écriture dans un cahier qui ont permis de se libérer de la violence, avec « assez de colère assez d’amour ». Car à lire Cédric Le Penven, on ressent de l’amour et celui-ci prend toujours le pas sur la colère, la souffrance. L’angoisse, est dite mais le ton reste toujours calme et retenu. Il s’agit pourtant de ne pas se taire car « personne ne me fera croire que le silence est humain ». L’écriture de ce livre compte certainement, Cédric Le Penven est enfin prêt à faire découvrir le monde à Joachim.

j’ose à peine
t’adresser quelques mots
enfant à naître

de peur de te voir disparaître
avant d’avoir vu le jour

tu n’as pas encore de prénom

(regarder droit dans les yeux des autres
sans sourire sans pleurer)

  • Babel Tango, Nolwenn Euzen, Tarmac éditions

Depuis son premier livre Présente, paru à L’idée bleue en 2007, Nolwenn Euzen a peu publié. Ainsi Babel Tango permet de récompenser l’attente de la lectrice intriguée que je suis par cette écriture contemporaine et originale. Récit, prose, poésie, Babel Tango n’est pas à qualifier, il est à lire avant tout, pour ce qu’il est : écriture. Dans ce livre, se mêlent souvenirs d’enfance et quotidien, l’inquiétude d’être au monde et la tristesse des actualités. « actualité suspecte : dehors est là, plus étendu que jamais, en pente. » Il est question de tenir dans le monde. Les phrases sont courtes, les souvenirs d’enfance défilent et contrastent avec l’aujourd’hui. On s’interroge alors, comment de l’insouciance de l’enfance, on se cogne à l’âge mûr, à un monde difficile à déchiffrer :
« Masse d’actualités délivrées à grande vitesse, éliminer les anecdotes, les détails, les répétitions inutiles. Le monde provient en style brouillon, truffé de ratures, chaque matin demande du tri. » Comment doit-on évoluer dans ce monde où la seule chose que les hommes puissent avoir en commun est « le besoin d’être plus heureux que nous sommes à l’endroit où nous ne le sommes plus ». Un monde où tout est catégorisé, mis dans des cases : bon / mauvais, oui / non, etc. Il faudrait sans doute pouvoir recommencer l’enfance, car « on comprend mal / le monde encroué ». Nolwenn Euzen écrit à la manière d’une liste et déroule le monde mêlé aux souvenirs, en contraste. Evocations notamment d’école où la grammaire est présente. Cette « grammaire syntaxe pas », comme dans une sorte de silence car « on dit rarement ce que pour ne pas. Autour remplit. » « Chaque mot pousse », chacun a son importance, son silence. « Laisser la grammaire respirer ». Nolwenn Euzen déstructure souvent les phrases, détonne et produit ainsi une écriture résolument moderne. Les formulations touchent : « Le mot charge comme une bête. Touche l’endroit où… Nous ne voulons pas fondre. » Car il s’agit de faire revivre la langue : « Si le mot rend vivant, c’est que nous débordons de mots morts. » « Les mots nous conduisent où nous les quittons. » Inventer, les réinventer, ceci peut-être pour ne pas perdre le temps qui passe : « la vie ne laisse pas le temps s’inventer ». Ce récit aborde ainsi multiples sujets, tourne autour de l’actualité, du passé, de l’acceptation de soi et du monde, de l’écriture, de tout ce qui nous construit où nous déconstruit. Le passage du temps, la façon dont l’on se met à penser lorsque l’on attend l’âge de la moitié d’une vie occupe une place importante : « se vider avec l’âge, se remplir de questions. » C’est un « récit qui n’en est pas un », mais il s’agit d’écrire avec de plus en plus de rythme, vers une envolée. Nolwenn Euzen épouse ainsi une certaine forme de pensée qui fait état de tous ces rêves qu’on aurait pu couver : « le passé rouille, s’écaille, tache. Comment tenir le bac à linge ? Une mère secoue, de la poussière d’étoiles à chaque épingle ». Que reste-t-il alors de l’enfant que nous étions : « on perd le personnage en route, seule sa force subsiste ». Peut-être qu’ « il faudrait arrêter de toquer à la porte de l’enfance comme un cœur trop rapide. » Comment ne pas attendre déjà le prochain livre de Nolwenn Euzen, celle qui écrit : « Je ne pense pas. Je penche. » Voudra-t-elle bien ne pas nous laisser patienter de nouveau dix ans pour la lire ?

Ce qui entre dans la phrase. On ne sait pas bien d’où.
Il faudrait que je connaisse par cœur. Que j’enfile comme un gant. Mais non. Depuis le temps que je l’utilise, pourtant. Depuis le temps que j’ai commencé ce récit-qui-n’en-est-pas- un.

Si j’emmène cette phrase scruter, enquêter, si je la blesse. Si je la penche dehors, la charge de guerre. Car enfin cette phrase est responsable, elle ne peut pas parler pour rien.

  • depuis distance, Lucie Taïeb, Lanskine

Entre souvenirs et quotidien, entre l’été et quelque chose de perdu, on se laisse porter par ce récit. Le lecteur est saisi par les ambigüités : « quand tu voudras à mon retour / je ne serai pas de retour », « nous sommes revenus j’ai retrouvé un corps / je m’égare lorsque je me lève ». C’est le récit d’un quotidien : « ne pas savoir ce que nous ferons / après avoir râpé les carottes » et aussi du temps, de l’âge et du chagrin. Lucie Taïeb emmêle différentes choses, de la plus grave à la plus légère, et donne alors au texte une part de mystère. Idée d’avancer dans les âges, d’avoir passé l’enfance et l’adolescence et de parvenir dans ce temps d’une moitié d’existence. Âge où le chagrin vient parfois toquer et même la maladie. S’agirait-il de ne pas être seul pour passer le temps ? « Nous renaissons et franchissons ensemble tous les âges. » Lucie Taïeb chamboule la syntaxe, laisse dérouler sa voix et nous entraîne vers une histoire, un récit, où les corps sont contre corps, où l’amour va et vient, où la tristesse se mêle à la joie et à la complicité, où le temps ou bien la maladie présage de mourir. Livre de rupture, de séparation : « depuis distance où je t’écris, une fois encore : je ne reviendrai pas, j’aime mieux poursuivre à distance. » Depuis distance s’ouvre sur des vers et se poursuit en proses de plus en plus longues. Le rythme s’accélère. L’intrigue se délie petit à petit, jusqu’à livrer sa pleine vérité sans crier gare. Récit d’une séparation. Le lecteur met un peu de temps à comprendre, car l’auteure nous entraîne sur plusieurs chemins, brouille les pistes, dévoile par petites touches, avec l’art d’aller et revenir dans les mots. L’écriture de Lucie Taïeb est à suivre, assurément.
Le livre s’accompagne d’une création filmée autour de la lecture du texte par l’auteur. Le vidéo-poème a été réalisé par Guillaume Poussou avec une lecture de Lucie Taïeb.

ce signe à mon front cette marque entre mes deux seins ce point au creux de mes paumes. reconnaissance et couverture, cache-toi bien, oublie ton nom, il ne reviendra pas mais si un autre le prononce, il se trompe et me trompe, ce n’est pas le mien.

nous échappons.

nous courons à toute berzingue. nous cherchons dans la permanence une beauté qui nous déçoit. cela se défait. nous également.

et tu m’écris un soir que tu ne sais plus ce que tu feras, après avoir râpé les carottes. ou tu t’effondres dans mes bras, pleurant, et je n’ai aucune parole de consolation, car je suis bien aussi perdue que toi, ce n’est pas le moment d’en parler, boire quelques bières, blaguer un peu, rentrer chez soi

  • Pong, Jean-Christophe Belleveaux, la tête à l’envers

« je questionne la pierre
et le cœur palpitant
de l’oiseau, de moi-même…
jamais ne répondent ni l’oiseau ni la pierre
ni le cœur palpitant de moi-même »

Ainsi débute Pong. Que sommes-nous ? Qu’est-ce qu’il y a en nous si la main tremble, si pour combler le vide, le rhum n’y fait rien, si la solitude va plus loin que le vin et si l’on se sent accablé « d’une banale tristesse ». Est-ce que l’écriture permet d’apaiser la détresse et l’angoisse, le vide de l’existence et de l’univers psychiatrique ? Ce qui touche avant tout, c’est la sincérité de l’écriture de Jean-Christophe Belleveaux. Écriture en apparence accessible, écriture à la recherche d’une issue à la tristesse et au vide de l’existence : « j’ai mal à mon passé récent / mal à mon présent / peur de mon avenir ». Comme une partie de ping-pong, la balle va dans un camp puis dans l’autre, tombe dans le vide et puis revient à la surface. L’écriture permet cela, remonter, redonner sens à la vie.

je suis allé plus loin
que l’insecte
plus loin que mon ombre
lorsque j’étais aveuglé
plus loin que l’excès
de vin de vitesse
plus loin que je

  • Hommage à Calder, Werner Lambersy, Rhubarbe

Un hommage à Calder, un hommage à la vie et à l’amour aussi, sûrement ! La langue de Werner Lambersy crée des associations d’images inattendues, produit des sons nouveaux. C’est ainsi : « écouter(…) / les oiseaux / enroués / de la machine à café », ou encore : « le soleil / montre / ses vergetures ». Les vers sont courts. Parfois un seul mot. Parfois deux. La naissance, les guerres, la mort, les choses graves mêlées aux choses plus légères comme l’enfance, les pin-up et le sexe. Dans ce livre, il y a aussi des mots, « et dans les mots / les mots / qu’on ne dit pas ». Beaucoup d’humour aussi : « et j’ai tourné / sept fois / ma langue / dans l’oreille / de dieu / pour le faire rire ». Beaucoup de sincérité, Werner Lambersy ne cherche pas à écrire des « poèmes / en forme / de porte-clés / du paradis ». Il apporte une réflexion sur la poésie, que personne ne veut, sur le poème, sur la nécessité d’écrire ou pas. L’écriture montre une évidence si certaine et le lecteur approuve tout à fait cette puissance de la langue, sans avoir l’air de rien : « la fin / du monde / c’est tout / le temps // mais c’est / tout de même / plus facile / à deux ».

Un jour
quelqu’un écrira
ce poème
le même
et le croira neuf

Un jour
quelqu’un écrira
ces mots
les mêmes
et les croira à lui

Un jour
quelqu’un écrira
ceci
la même chose
et se croira
le premier à oser

Cécile Guivarch, juillet 2017


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