Cours ton calibre, Nolwenn Euzen – Postface de Jean-Louis Giovannoni
Éditions QasaQ, 2016 – livre au format numérique – 72 pages, 2,49 €
http://www.qazaq.fr/
Aux trousses.
N.E.
Cours ton calibre, titre injonctif qui n’attend ni le dire, ni le serré. « Cours » : avance, sans fuir, corps et âme ! « Calibre » : colt ou catégorie ? Il faut tirer les mots, au bon calibre, le sien propre (donc les essayer tous). Toucher l’angle de l’autre. La balle, c’est l’hypothèse à valeur temporelle qui tambourine en début de livre à cracher des majuscules pour affirmer soi : « JE VEUX ETRE VIABLE DANS MA FECONDATION ! ». Pas de doute, d’hésitation, faire se dit à coups rapprochés, dans la fraîcheur de propulser. En avant, « on » : go !, sans freiner, la machine est lancée. Dire se déplace dans les mots lignés (pas morts, pas fusillés). On se réjouit de lire, « intensité sur l’émission ». Émettre à gros calibre, c’est mieux. C’est insensé ? On porte ADN, « isomères dans toutes nos divisions » alors enclencher la force 10 pour faire monter la sève. Place au « i » et au « s » dans les mots, qui déboulent, asphyxient, saturent :
« On frise si le cil lisse notre morceau le plus sensible. On se participe précipité. »
On dit oui, on se réjouit, lecteur entraîné dans la course sans pied lever. Ici, là, partout, on dissémine et voilà « une partie qu’on ne joue pas rien ne peut moins rien pour tous tous pour rien », c’est langue rejouée (d’avance, a perdu, amusons-nous). Lexique dispersé du jeu qui éclabousse les entités non ponctuées cousues de fil blanc détricoté « bottons-nous dans la peur quelle cavale bourlingue dans nos contrées ». Les adverbes de mesure imprécise (trop / assez) carillonnent répétés pour nuancer, affirmer, accélérer le poids du dire en course folle « [ç]a ne se prononce même pas ». Alors on la suit, poète un peu folle (allure), Nolwenn Euzen :
« Digression
Sans viser mène à dire. »
Le visé, c’est tout près, couru en proximité de phrases inabouties, juste lancées dans viseur. Ça s’arrête, ça se coupe, le mot sur la langue dit :
« La langue ne.
Mais je me viens. »
Le dire au moins : l’avancer (catapulte). « [Y] en a chez la voisine », du tout cru, du moulu, les comptines ressassées s’invitent si on laisse le flot déborder. L’artillerie, le calibre, le matériau de langue de chacun qui caracole. Le sens littéral, le dérivé : les morceaux, « [o]n se recoupe de questions ». Pas question d’arrêter « énergie rythme et pulsion », ça déménage. Une parenthèse ouverte sur une page se clôt sur une autre, elle ouvre au dit proféré / coupé / empêché de développer ses propositions. Dans la langue, les accidents, la syntaxe non aboutie, le cri, l’onomatopée, tout entre et peut courir une farandole jouissive et saugrenue loin du coup de canon certain des règles fixées.
Passer par là pour devenir soi, si c’est possible…
« je
suis
moi
bien
au
delà
de
pense à nous »
Isabelle Lévesque