Terre à ciel
Poésie d’aujourd’hui

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Joël-Claude Meffre

lundi 2 mai 2022, par Cécile Guivarch

Né en 1951, il est issu d’une famille de viticulteurs comtadins, il a passé son enfance en milieu rural et réside près de Vaison-la-Romaine. Retraité. Etudes d’archéologie et de littérature. Docteur de l’université. En 1978, les rencontres avec le poète Bernard Vargaftig puis, plus tard, avec Philippe Jaccottet , ont été déterminantes dans le développement de son travail d’écriture poétique. Son écriture est actuellement orientée dans une approche de géopoétique/cosmopoétique, selon la définition de Kenneth White.

Au début des années 1990, il découvre l’enseignement du soufisme. Il s’initie alors à la culture et la spiritualité du monde arabo-musulman. Puis il publie plusieurs essais sur le soufisme, notamment - sur la pratique du soufisme aujourd’hui (avec Faouzi Skali) ; - sur le calligraphe lirakien Ghani Alani ; sur le saint soufi Mansur al-Hallaj. Il est membre de l’association « Conscience soufie » (président Eric Geoffroy).
Il publie ses premiers livres aux Éditions Fata Morgana. Dans les années 2000, il noue des liens étroits avec des poètes et écrivains tels qu’ Antoine Emaz , James Sacré, Emmanuel Laugier, Hubert Haddad, Joël Vernet, Claude Louis-Combet, Jean-Baptiste Para, Michaël La Chance. Il écrit des notes de lecture pour la revue Europe. Il a aussi des échanges et des collaborations des écrivains tels que Pierre-Yves Soucy, le physicien cosmologiste Renaud Parentani, et les compositeurs Christian Henking et Gérard Zinsstag.

Joël-Claude Meffre s’intéresse aux artistes : ses complicités avec les peintres lui ont donné l’occasion de réaliser des livres d’artistes. À ces tirages limités, accompagnés d’estampes, il faut ajouter les productions monographiques de livres manuscrits à exemplaire unique ou tirages limités avec des inclusions de métal, de verre, de fibres. Il écrit des textes de commande pour les artistes plasticiens (catalogue, textes en ligne).

Il est membre de la Maison des écrivains et de la littérature ; il contribue régulièrement dans des revues : Europe, Revue de littérature alsacienne, N4728, Revue de Belles Lettres Suisses, Propos de Campagne, Revue Sorgue, Moriturus, Autre SUD, Conférence, Nunc, L’Étrangère, revue Nu(e), Triage, L’Animal, Faire part, Le Frisson Esthétique, Lieux d’Être, Osiris. Revue en ligne Recours au poème, etc...
Outre ses lectures de poésies, il manifeste un intérêt pour les groupes Protocole Meta avec Jean-Paul Thibeau.

Il est consultant pour les éditions Les Alpes de Lumière.
Directeur de publication de la revue de photographie en ligne TERRITOIRES VISUELS https://emav.fr/revue-territoires-visuels/

Voir sa page Terre à ciel sur les livres d’artistes

Extraits de Un rêve tressé, paru en revue dans EUROPE, 2019, p. 259-266.
(A paraître en un livre anthologique en 2022).

à la mémoire de Marguerite Sirvens

1.

Qu’est-ce que c’est que ce rêve ? Est-ce celui de toujours ? Es-tu rêve, toi ?
Es-tu un rêve parmi les rêves ?

Sera-t-il toujours le même, ce rêve de toi ?

Il n’y aura jamais qu’un seul rêve de réalité, qu’une réalité de rêve de toi, et il s’effacera lentement ensuite, pour reparaître ailleurs dans d’autres rêves.

Mais tu es là, par le rêve, parmi nous. Tu nous rêves. On est de ton monde.

Tu viens vers nous, comme un rêve accidenté ; tu viens vers l’à-venir du jour, dans le rêve même.

Comme tout rêve où tu étais présente, contenant quelque chose déjà de ta mémoire et de tes gestes qui s’est ouvert, à jamais.

 

2.

Tu étais toute dégingandée quand ici tu es arrivée. Tu te tenais à peine debout, tu regardais à gauche à droite et n’osais même pas lever les yeux vers les autres.

A présent, on te voit bouger. Tu as plein de petits gestes de reconnaissance : tu marches dans les couloirs, tu glisses comme sur de l’eau, tu disparais subitement dans l’ombre. Tu ressors plus loin. Tu es ombre.

« Seule l’ombre comprend sa langue », (Mairtin O Dirain).

On se dit que tout ça c’est toi, rêve ou pas, dans la présence du moment, en recueillement dans les mémoires.

 

3.

Tu rêves sous tes paupières en même temps que tu te parles ; je te parle aussi, comme tu rêves. Tu deviens rêve, tu t’éloignes de lui. Tu te rapproches pour nous confier ta voix.

Tu es celle qui parle. Celle qui déparle.

Ta parole est l’abri d’un rêve qui tremble dans ta chair.

Tes mots te rêvent, mais ils sont mangés comme des noisettes par le temps des rongeurs. Ne nous restent que des coquilles qui roulent sur la pente du temps, sans bruit.

 

4.

Où es-tu ? Personne ne viendra te pêcher là où tu es.
T’es femme qui se perd.

On soigne ta chair et ta tête dans ta chair.

On soigne ton rêve avec toi.
Et avec des coquilles de mots, dispersées ça et là.

 

5.

« T’as perdu le sens », qu’elle te disait, ta mère, là-haut, dans le temps : « Où est ton sens, Margot ? »

T’écoutais rien, t’écoutais personne, ni père ni mère.

Tu éraflais avec tes ongles le mur de tes rêves.

Et puis, t’avais décidé que tu te marierais, loin de là, loin de ton ciel pourri.

Et cette robe unique, tissée des années durant, tu aurais tellement voulu t’en revêtir, plus tard ; mais tu n’as pas osé.

Extrait de Aux alentours d’un monde, Tituli, 2020

Hêtres

C’est au levant d’une éminence où se mêlent pins sylvestres et sapins noirs, à plus de mille mètres d’altitude, qu’on vient visiter les hêtres. Ils sont là, sur le versant, au nord du mont, au milieu des rocailles. Ils forment un groupe solitaire, affrontant les assauts des vents et les tempêtes de neige. Leurs troncs décharnés sont affligés de vieilles et profondes blessures ouvertes comme d’étroites portes ; en glissant la main dans l’une d’entre elles on pourrait atteindre leur cœur. Après être entrés sous leurs vastes ombrages, de longues poses nous attendent, assis sous le plus vieux d’entre eux. Je recueille dans ma main des faînes accumulées au fil des saisons sur le sol ou sur les tapis de mousses. Doucement, je les égrène entre mes doigts tandis qu’en levant les yeux je me laisse aveugler par les rayons du soleil qui tentent de perforer l’étagement des frondaisons.
Les hêtres, on les appelle fayards dans nos régions ; c’est comme si c’était le nom d’un peuple ou d’une grande famille. Ils s’étaient largement répandus autrefois sur les flancs de la montagne et descendaient jusqu’au creux des vallées. Oui, c’était un grand peuple d’arbres. Les jeunes plants aux écorces étincelantes proliféraient alors, serrés les uns contre les autres, grimpant vers la lumière. C’était le temps où la montagne était toute entière leur royaume ; c’était bien avant que les hommes ne viennent massivement les abattre.

 
***

 
Les hêtres ici se pensent dans le silence Ou plutôt ils se pensent comme silence au lieu où ils sont, vivant, mourant, pourrissant les uns près des autres.
Nous sommes à l’écoute de leurs silences tels qu’ils sont là. Est-ce que pour autant nous entendons quelque chose de leur pensée ?
Est-ce que, dans les tremblements de leurs frondaisons, les moindres craquements de leurs branches, les discrets déplacements de leurs ombres qui glissent sur la rocaille, nous sommes vraiment capables de pénétrer le silence de leur pensée ?
Si nous percevons quelque chose de leur pensée d’arbres, si nous y parvenons, c’est qu’alors nous pouvons en arriver à partager leur présence intime en tant qu’ils sont subsistants, là où ils demeurent.
Et là où ils demeurent c’est bien le lieu de leur silence. Et leur silence fait lieu de leur pensée d’arbre en tant qu’espèce, en tant que présence accomplie de leur espèce.
C’est pourquoi cette sorte de bruit de leur silence qu’on perçoit dans la présence accomplie de leur espèce, en leur enracinement, en leur immobilité, nous l’appelons « pensée », même si ce mot renvoie à ce qui pourrait nous paraître impensable.

Extrait de Tique, Propos 2/Editions, 2009. (Ce livre fut présenté à France Culture en 2011)

CHEVAL

(extrait)

1.
[…] Quelque chose de la bête s’est éteint : la mort du cheval derrière la porte, dans l’étable, est au milieu de l’obsucrité.
A lui, ça s’est annoncé, lentement, non loin du tilleul.

La porte est bien ouverte à jamais sur ce qu’elle renferme.

 
2.
Cheval, mort de bête, dans l’étable, mort qui ne sait comment diable c’est venu. Tu l’as là, le cheval dans sa mort à lui, c’est devant toi, ça se tait et ça vient à hurler tut dedans.

C’est cheval, toujours plus mort que mort de tout ce qu’on peut penser qu’une bête puisse mourir.

C’est sa mort à lui, le cheval. Il l’a dans ce qu’il est mort, cette nuit, sans qu’il n’ait rien su qui soit. L’impossible dans l’étable s’est produit ; « C’est pas possible ! C’est pas possible ! », as-tu crié.

N’est morte qu’une bête dans l’étable bourrée de foin. C’est maintenant si noir, l’impossible deuil qu’il faudra faire, au pied de la mangeoire.

Tu vois ce que tu vois, que tu supposais voir. C’est non le cheval, mais la mort dévoilée au cheval, du cheval même. C’est tout ce qui, désormais, demeure, cheval trépassé, derrière la porte, où tout se tient immobile.

...jette l’eau qu’est dans le seau. L’eau du seau, de la veille, quand le cheval était vivant, qu’il buvait encore de tout son saoul. C’est jeté avec fracas au milieu de la cour, cette eau inutile dans un seau inutile, sur les dalles.

C’est sous les yeux, la mort chevaline, pieds et jambes raides. C’est là. C’est à toi, cette mort. Et que fais-tu, maintenant, le cheval à tes pieds, allongé, la tête sous la mangeoire ?

 
3.
Tu t’étends sur le sol, dans le foin, tu te couches contre la bête. L’odeur du foin monte dans tes narines.

C’est le cheval qui a sa mort toute pour toi. C’est cheval dans son corps, c’est tout entier corps de cheval, de bête, étendue, gisante. Toi t’es là, comme tu restes, bête.

T’as reçu cette mort de bête. T’es tout bête, toi qui n’a pas vu ça qui fait clore les yeux.

Toi, sans rien dire, tu vois de tes yeux comme tu es de la bête morte.

 
[…]

5.
Tu cherches l’âme qui n’est pas sortie de l’étable, l’âme, comme à toi livrée, venue avec le souffle, par les naseaux.

La grosse tête a ses lèvres retroussées et des mouches tournent autour des yeux. Tu les vois ; et contre le ventre bien rebondi tu appuies ta tête. Tu la poses, là, un moment. Puis tu te lèves soudain, tu mets une couverture dessus le corps, sur la tête, sur le cou, le haut de la poitrine.

Tu te recouches contre le ventre sombre : tu écoutes, colles ton oreille à la paroi du ventre ; tu écoutes il y a là-dedans des gargouillis, encore comme dans un ventre vivant, des gagouillis d’hier. Il y a ces gargouillis au creux des boyaux : viennent de loin, du passé ; disent un arrêt, dedans, mais ça continue encore un peu, dans ces boyeux noués ; le courant des liquides macère comme un ruisseau engorgé de limons ; c’est l’eau que la terre va boire et épuiser ensuite sans laisser de trace. C’est la vie d’hier, encore, c’est sa marque.

L’âme-cheval, c’est toi qui la cherches ; était sortie par les naseaux et demeure aux creux de l’étable. C’est l’âme que tout cheval possède, peinant à s’envoler et à monter très haut...

Extrait de Témoignage de la poussière (méditations autour du Dîwan de Husayn Mansûr Hallâj), Editions de Corlevour, 2010

Où vas-tu, Mansûr, sur quelles voies que tu n’as pas encore frayées ? As-tu laissé là-bas, au milieu des argiles qui ont glissé dans flancs montagneux après les pluies, tes tristes dépouilles ? Dans la boue, ce n’est qu’un paquet d’habits roulé sur lui-même, que tu as abandonné, imbibé de ta sueur, que tes fidèles recherchent en vain. Pourquoi irais-je, avec eux, tâtonnant, recueillir ces restes pour vénérer ce que tu as négligé ? Pourquoi vouloir enfermer les traces de ta sueur dans des fioles et enchâsser le sable de tes pas ?

Beaucoup de ceux qui t’ont côtoyé ont fait de toi leur objet et leur miel. Ils te voient, en rêve, au centre d’un cocon, dans une chrysalide, en attente, ni mort, ni vivant. Tu es l’attente même. Tu es leur attente. Tu es chrysalide. Quelques-uns te considèrent comme le Mâdhî, espérant qu’un papillon se dégagera bientôt de sa gaine rigide et déploira amplement ses ailes. Ils ne peuvent supposer que le cocon n’entoure qu’un vide déconcertant, que tu leur aies échappé, que tu aies été dérobé à toi-même, avec ton corps et l’ image de ton corps, et le reflet de cette image. Ils se rappellent alors ces propos adressés par toi à ton Amant, le nuit d’avant ton supplice, après ta prière, et qui a circulé ensuite, longuement, de main en main….

On voit le glacier dormant derrière sa moraine en haut de la vallée. Tu progresses vers lui. Des arbres clairsemés l’entourent. Peu de paroles ont été prononcées là-haut. Tu gravis les pentes jusqu’aux hêtres. Sa présence s’impose à toi. T’étant immobilisé un moment sur le bord, près des éboulis, tu te mets à marcher sur la table de glace. Tu te prosternes, là, soudain, longuement. Tu touches de ton front la surface froide. Au loin, il y a une crevasse, large et profonde, qui traverse le glacier. Tu t‘y diriges. Dans la béance tu distingues des miroitements de visages humains, les yeux levés vers la lumière, scrutant un ciel inconnu de toi. Tu les observes un instant, ces visages ; s’adressant à eux, tu leurs murmures quelques paroles tandis que des larmes viennent à tes yeux. Puis, ayant sauté par-dessus la crevasse, tu t’en vas comme si ces visages n’avaient été qu’un jeu de pures formes dans les profondeurs.

Extrait de La proie des yeux (avec des photographies d’Elizabeth Prouvost), Bernard Dumerchez, 2013

1.
Les visages de pierre se dressaient au milieu du cercle des morts. Il y rayonnaient, propageaient quelque lumière, crue, lugubre.

Aujourd’hui, ils ont rompu les amarres qui les rattachaient à eux. Ils sont seuls, en plein jour.

Ils sont perçus comme des visages bien plus que des masques. Pourtant, c’était bien leur vocation que d’afficher les traits de la tragédie humaine.

Mais on ne sait plus, on a oublié. On préfère les voir comme autant de figures nues, des figures d’effroi, dont le cri s’est gelé dans le trou de leurs bouche.

Nous sommes la proie de leurs yeux.
 

2. Par la bouche béante des masques une simagrée de sons s’échappait en flots continus. On pensait que ces chers défuns s’échinaient à se faire entendre. Certains prêtres murmuraient les vers suivants à leur propos, concentrés sur eux-mêmes, ayant une mine inspirée, debout devant les tombes :

« Les défunts de ces grands tombeaux ont leur méthode
pour manifester des signes qui ne soient rien qu’à eux
rien qu’à eux seuls.
Comme s’ils,
comme s’ils voulaient montrer qu’ils sont rtoujours capables
d’envoyer
des souffles
par la bouche des masques.

Un jour dans leur bouche de pierre, des guêpes ont élu
domicile, allant, venant à leur gré,
ayant fait leur nid près de la
glotte,
derrère la langue.

Les visages de pierre restaient insensibles
ne se déridaient pas,
ne se décrispaient pas.

C’étaient un blasphème pour nos défunts. »
 

3.
On voyait d’intrépides curieux qui escaladaient les tombes
pour coller leur oreille contre les bouches de pierre. Ils restaient là, sans bouger, à genoux contre elles, scrutant le moindre son. Les mêmes prêtres en blanc s’adressaient alors aux passants :

« Ils veulent les entendre
les mânes des ancêtres
qui changent de place,
tournent en rond sur eux-mêmes,
rotant,
pétant à leur aise,
se réjouissant
avec leur petit rire édenté,
près de leur banquette de repos.

« Ils veulent vraiment les entendre,
ces jeunes-là,
ces curieux,
mais rien ne vient jusqu’à leurs oreilles.

« Rien n’en vient,
Rien !
Quel dépit !
Ils s’obstinent à ne pas laisser passer les rumeurs, ces visages
de marbre. On les voilera avec le crêpe noir.
On leur mettra un bandeau sur les yeux.
 

4.
Il y avait d’autres visions rapportées par des anciens, telles que celle-ci, quon chantonnait les yeux fermés :
« Regardez, admirez la touffe de cheveux blonds, la touffe brillante de cheveux blonds de la pauvre Tatiana accrochée à la porte de la tombe : chacune a sa ganse de soie noire qui brille au soleil .Caressez la touffe pendante, en souvenir de la pauvre Tatiana ! »

Cette autre vision encore :
« Dedans la tombe, dans l’obscur de l’obscur, non loin des urnes, sur les murs, suintent des traînées d’oxyde vert venant des phallus de bronze suspendus par des chaînettes ».

(…)

On rapportait enfin qu’une face de Gorgô « aux yeux perçants dont la langue pend entre des dents pointues » était gravée au bas des chambranles des portes funéraires. Cette face avait été enduite de pigment rouge. Aucune pluie fouettant cette tête depuis tant d’années n’avait pu effacer les traits de la tête horrifiante !
 

5.
Certains miroirs de métal ne renvoyaient qu’une image fragmentée du visage : on y distinguait le reflet d’un œil ou bien les détails des lèvres dessinant une bouche souriante, on encore un défaut de la peau, toujour grossi comme par une loupe. Ce reflet restait flou et s’obscurcissait très vite. Parfois cela donnait aux chairs des formes monstrueuses.
Alors les miroirs étaient tenus éloignés des regads.

Pour les Anciens, le miroir de bronze était un œil toujours ouvert : par lui on accédait à d’autres mondes.

SOUVENIR DU FEU

(Inédit)

1.
Le chariot de tôle avançait,
bringuebalant, de par la plaine
sur deux roues grinçantes

Il allait droit devant dans les rangées de vigne,
emmenant avec lui un feu,
un feu de hautes flammes jaunes et rouges

 

2.
C’était dans le mois de janvier.
On jetait dans ce feu nos fourchées de sarments

Les tôles étaient rougies
on détournait le visage quand on s’approchait
l’air cramait tout autour de nous.

 

3.
Le feu roulant dévorait les sarments qu’on lui donnait en pâture.

Les braises de ce feu s’écoulant sur le sol
s’étoilaientvsous nos pas
et s’éteignaient.

 

4.
On voyait au loin, d’autres chariots
emportant les flammes de leurs feux
qui montaient dans l’air froid.

Ces feux étaient affamés.
Sans cesse nous les nourrissions pour les rassasier.

À la tombée du soir,
quand les chariots avaient été désatelés,
il ne subsistait plus de notre passage
sur le sol, des lignes de cendres noires.

 

5.
Le chariot chauffé à blanc,
était laissé au bord d’un champ.

Il refroidissait
sur ses roues disjointes
et puis, avec le temps, il était oublié
parmi les hautes herbes.

 

6.
Dans le creuset de mon rêve
je vois toujours le feu
qui brûle,
sans me brûler,
inassouvi.

Il s’élève dans l’espace
et il m’aveugle.

 

7.
Il brûle par lui-même,
sans rien qui le nourrisse.
C’est le feu avivé
de mon rêve
resurgissant dans mes nuits.

 

8.
Dans un autre rêve,
avec mes compagnons, nous courrons
derrière le chariot :
il nous devance.

nous lui courons après
mais il fuit,
seul
jusqu’aux confins de la plaine.

 

9.
Une autre fois enfin
j’ai peur que le même feu
ne consume le rêve-même.

Au réveil,
je n’ai que, face à moi,
les cendres de ce même rêve.

Bibliographie

Essais, poésies, nouvelles, récits
Le face à face des cœurs. Une approche du soufisme aujourd’hui, Le Relié Poche (coll. Essai : Poche), 2010, avec Faouzi Skali,
Une geste des signes, avec Ghani Alani calligraphe irakien, (essai sur la calligraphie arabe et la spiritualité de l’islam) préface de Salah Stétié, Fata Morgana, 2002, 96 p.
L’abord (poèmes), Fata Morgana, 2003, 48 p.
L’aboi sans fin (récits), Paris, Circa 1924, 2008. Avec quatre pointes sèches d’Albert Woda. Cf. recension Romain Verger Membrane [archive], 2010.
Respirer par les yeux, éd. Wigwam, 2008, 16 p. Cf. recension Romain Verger, Diérèse [archive], 43, 2008 ; et note de lecture par Antoine Emaz dans Poezibao [archive] 25 novembre 2008.
Entre vents, racines et rocs / Among Winds, Roots and Rocks. Explorations of Mont Ventoux in Provence / Par les traverses du Mont Ventoux, poèmes accompagnés de 24 photographies de Léonard Sussman, La part des Anges Éditions, 2009 (édition bilingue français/anglais, trad. Delia Morris et Bonnie Stein). Présenté en 2009 à La Rochelle3.
Trois figures d’oubli, Tarabuste, 2009, 110 p. Cf. note de lecture par Antoine Emaz dans Poezibao [archive] 28 juillet 2009.
Tique, Propos de Campagne, 2010. Cf. recension de Paul de Brancion.

Témoignage de la poussière, (autour de la figure du soufi Mansûr al-Hallâj, préface de Pierre Lory, postface de Claude Louis-Combet, éd. de Courlevour, 2010. Avec des monotypes de Bénédicte Plumey.
Ce jour / empreinte, L’arbre à Paroles, Maison de la poésie d’Amay (Belgique), 2009.
Les textes La voix au loin et Empreinte ont été écrits pour le compositeur suisse Christian Henking, (musique pour voix de récitant et quatuor à cordes), créés en 2008.
Seul, l’écho est un poème écrit pour le compositeur Gérard Zinsstag, pour voix (mezzo ou alto) et ensemble instrumental (durée 15 minutes). Création le 1er juin 2013 à Copenhague par l’Athelas Sinfonietta (voix Francine Vis, direction Pierre-André Valade), avec le soutien de la fondation Pro Helvetia. Seul, l’écho, édition Ricordi, Munich, 2013.

La proie des yeux, avec 12 photographies d’Élizabeth Prouvost, Bernard Dumerchez, 2013, 61 p.
Instants, poème écrit pour le film d’artiste du même nom, réalisé par l’artiste Hannes Schüpbach ; traduction allemande Eléonore Frey, traduction anglaise Delia Morris. L’édition est précédée d’une introduction de Marco Baschera « Penser en images ». Édité avec un DVD du film. Berlin, Revolver Publishing, 2014, 72 p.
La haie, récit, avec un dessin d’Albert Woda, Circa 1924, 2015.
Charogne, récit, éd. Approches, Textes nus, 2014, 6 p.
Sept printemps, in Les Carnets d’Eucharis, 2015, p. 110-118.
Maison de mémoire, Huit nouvelles. Le soupirail 2017, 75 p.
Discolorato, avec un texte en hommage à Pétrarque ; poème écrit pour le compositeur Gérard ZInsstag, œuvre pour voix de mezzo-soprano et petit ensemble d’instruments ; commande de Radio-France, France-Musique ; crée en avril 2017.
Un rêve tissé (poème) en hommage à la robe de mariée de Marrguerite Sirvens, in Europe, 2019, pp. 259-266
Aux alentours d’un monde, proses, avec des photographies de H.-R. Meffre, éditions TItuli, Paris, 2020.


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