Christophe Manon a publié une quinzaine de livres parmi lesquels Protopoèmes (Atelier de l’agneau, 2009), Univerciel (NOUS, 2009), Qui vive (Dernier télégramme, 2010), Testament, d’après François Villon (éditions Léo Scheer, 2011), Cache-cache (Derrière la salle de bain, 2012), Extrêmes et lumineux (Verdier, 2015), Nuage (Faï fioc, 2016) et le flot imperceptible du temps qui ne cesse de s’écouler (littérature mineure). Il se produit régulièrement dans le cadre de lectures publiques.
A l’écoute de Christophe Manon, une interview de Mélanie Leblanc
l’éternité, Dernier télégramme, 2006.
(…) Feu, toi qui dévores nos cœurs et renforces notre ardeur au combat ; toi qui forges nos âmes et affermis nos muscles. Feu, ô feu, toi qui transformes l’eau en vapeur ; toi qui parles la langue des morts ; toi qui éclaires et aveugles à la fois ; toi dont la colère n’admet pas de résistance. Feu, source de lumière et d’énergie, toi qui guides le soldat dans la nuit du combat ; toi qui es le premier et le dernier ; toi qui crées toutes choses. Ecoute, écoute mon récit. Je suis corbeau, fourmi, blatte, rat, je suis lombric. Je suis tout ce qui me dévore et se nourrit de ma chair. Je suis, je fus et je serai dans les siècles des siècles le corps d’un soldat mort, un choucas engagé volontaire dans la guerre contre les corbeaux
Qui vive, Dernier télégramme, 2006.
Ne crains rien, camarade. Il te faut, toi aussi, marcher seul avec confiance en la victoire finale et l’éternité des vérités. Marcher seul avec confiance en la signification de l’amour et de l’espérance. Sans la moindre apparence d’héroïsme, mais plutôt avec le minable aspect de l’infirme, il te faut, toi aussi, marcher seul.
Univerciel, Nous, 2009.
Maintenant les esprits des morts avant l’âge sont revenus hanter les corps des vivants. Ils font semblant, semblant, ils font
semblant d’être des rochers. Si seulement,
si seulement nos yeux étaient assez sauvages pour les voir, nos oreilles pour entendre leur cri qui pénètre dans nos corps, circule le long des artères jusqu’à la gorge, puis éclate dans un hurlement, un sanglot qui ressemble à une
e x p l o s i o n.
Un amour, Dernier télégramme, 2010
Alors il s’aimèrent en tremblant et c’était un secret. Bientôt le secret n’était plus un secret mais ils continuèrent de s’aimer en tremblant. Il se regardaient ils se parlaient ils se touchaient et ils s’embrassaient en tremblant. Ils étaient heureux tellement heureux de s’aimer qu’ils en tremblaient sans rien dire. Ils se regardaient ils se touchaient ils se parlaient ils s’embrassaient et c’était de l’amour. Les jours c’était certains jours et les nuits étaient particulièrement longues. Il y eut de la pluie et du vent et parfois il y eut du soleil et les jours et les semaines passèrent et ils continuèrent à trembler en s’aimant tant c’était incroyable.
Cache-cache, Derrière la salle de bain, 2012
Cache-cache dans la chaleur moite, écrasante, suffocante et impitoyable de cette après-midi d’été, les deux gamins disparaissent en détalant derrière le tas de fumier situé au coin de la grange, pendant qu’un troisième entraîne la fille vers le grenier à foin, au-dessus de l’écurie, la laissant passer devant lui pour grimper à la grossière échelle de bois, en profitant pour glisser une main sous sa robe légère aux motifs fleuris, caresser (…)
Extrêmes et lumineux, Verdier, 2015
(…) se laissant ensuite pénétrer, mais comme par inadvertance, comme s’il s’agissait d’un accident, d’une faute d’inattention, d’une erreur de parcours en quelque sorte, tandis qu’il enfonce doucement le majeur dans son anus brû
lant de découvrir une hypothétique vérité, de résoudre une prétendue énigme en se réfugiant pou fouiner dans le vaste bureau du vieil homme, inspectant les moindres recoins, explorant les tiroirs, examinant les livres, épluchant les dossiers, passant au bout du compte d’interminables heures à méditeren contemplant le papier peint en relief inspiré de peintures animalières de médiocre facture qui représente uen scène de chasse à cour stylisée se déroulant dans un décor champêtre idyllique et délicat, un tantinet bourgeois, avec se charmants bosquets (…)
Nuage, Faï fioc, 2016
(N.B. : effets typographiques qui ne sont pas reproduits ici.)
ce que ____ le jour
____ nous concède
nous n’y pensons____ guère plus
____ que les oiseaux
le flot continu et imperceptible du temps qui ne cesse de s’écouler, littérature mineure, 2016
(…) et je t’ensevelis à présent avec des gestes tendres et mes larmes en coulant lavent ton corps et mes pensées t’accompagnent en ton séjour inaccessible comme elles accompagnent le vieux et la vieille disparus depuis tant de saisons, je vous retrouve parfois tous dans mes songes, heureux de distinguer à nouveaux vos visages (…)
Photo © Cécile Cros
Page élaborée avec la complicité de Mélanie Leblanc
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