Dominique Maurizi vit et travaille à Paris. Elle a publié des poèmes, des proses poétiques et des récits aux éditions La tête à l’envers, Faï fioc, Les Arêtes, Isolato, Albertine et sur les presses du Temps qu’il fait, dans les revues Po&sie, Europe, Neige d’août, etc., ainsi que des livres pour enfants aux éditions À dos d’âne. Par ailleurs ses photographies, dessins, collages ont été exposés à Bâle, à Paris et en province, et elle a publié deux livres d’artiste aux éditions Champfleury.
Trois poèmes extraits de Langue du chien, éditions Albertine, 2011
J’AI dû le dire,
j’entends et je le vois.
A cinq ou six faces
j’en perds mon crayon.
Non. Non, ne me dites pas que c’est
dans ma tête.J’ai dû le dire,
il se meut et je me glisse en lui.
Non. Non pas sur terre, mais sous le jour,
à cinq ou six pattes.
Ne me dites pas que c’est dans ma tête
je ne vois qu’une chose –
je ne vois que lui.*
CES heures, sentiers noirs,
pendant lesquelles tu dors,
ces heures d’épines – tu dors,
tu dors – où, sentiers noirs,
sonnée, piquée, brûlée,
là –
j’entends tout.Pendant ces heures où –
chardons sauvages
suis griffée, piquée
je me lève d’un bond,
sentiers boueux pendant que tu dors,
je crains, je cours –
j’entends Tout.*
DE sorte que parmi tous il n’y ait
qu’un seul soufflePlace ta mesure dans l’espace
et ce sera ta première phrase.Pas longue celle-là, pas du tout,
mais de sorte que, parmi d’autres
il n’y ait qu’une mesure,
qu’un souffle, un seul organisme.Place ton désespoir dans le temps
et ce sera ta première force.Pas folle celle-là, pas du tout,
mais de sorte que parmi d’autres
ta mesure soit Une.Le temps venu, tu n’expliques
rien, rien du tout, tu démontres –
la vision est le souffle,
la technique l’outil.De sorte que parmi les nuits, les heures,
tu ne connaisses pas celles choisies.
Il n’y aura qu’un souffle, une mesure,
un seul organismeEt de sorte que, de sorte que parmi toutes il n’y ait
qu’un seul Vent
inopiné, frêle et filant, jamais facile,jamais fini celui-là.
De sorte que ton désespoir
dans le temps et ta phrase dans l’espace –
ta première chance.
Extrait de Avril suivi de Cendres d’or, éditions Isolato, 2012
C’EST venu- sur -moi -rouge et
dense, c’est venu sur -moi avec
ce -petit bout- de -mer, toujours
le même, qui -m’anime -dès que
je -ferme -les -yeux. -C’est venu
sur -moi dense et- fort avec vert
et--- bleu ---tout ---en —défaut,
faiblesse, —comme —signe —à
l’envers, c’est -venu, c’est -venu
comme toi en avril par surprise,
c’est venu -comme -du vent, des
vagues, comme -décembre, -vite
et -froid, -mais- ce n’est -pas ça.-
C’est —venu -en -moi -noir -et
pourpre, d’un seul tenant, avec
ce trait ténu, toujours le même,
argent et vert sous le ciel- bleu.
C’est venu, -écoute, -libre – les
anges sont-ils nus et bleus ? la
mer est-elle de neige près de la
Rouge, de la Morte ou bien est-
elle —ce —mur -que -je -gratte,
creuse, sur lequel -je me frotte,
toute étincelle, comme avec toi
en -avril -venu —par -surprise ?-
C’est venu, c’est venu – prends
ma —tête, —prends— !, -bois !,
poussière -dans -ta -salive, -les
cendres —sont-elles -bleues ?,
sont-elles tombées -comme le
vent,— comme— les -vagues ?
Encore !, -ai-je -crié -avec- les
anges, avec -ma luge- verte -et
bleue comme -signe à l’envers
de ma -main -gauche. -Ecoute,
écoute-moi. C’est venu en moi
tandis -que -Dieu -tenait- mes
doigts, je- regardais en bas, en
bas, terrible- cette -caresse, les
cendres mordaient -mon cœur,
l’herbe ---sous ----ma ---luge
tourbillonnait,- dis,- les anges
n’ont -pas -d’âge -puisque- tu
m’aimes ; en bas, dis, rouge et
bleu -embrassent -ma -bouche
comme toi -en avril -venu -par
surprise. Prends ! Prends -ma
tête, prends. Ma -bouche -avec
tes dents, herbe -bleue, -rouge
et noire – Encore !, -ai-je -crié
aux anges.-
Prends, joue avec moi, ma tête
sur la luge -et les anges —avec
nous, -Dieu -muet -quand -on
nous prend- la terre, -mais toi
brûlant, -couché -sur —l’or, -il
neige, il neige, regarde !, car tu
sais ce -qui —nous- vient -d’en
haut,- l’heure —est- précise- en
avril par surprise, -oui, -en bas
l’heure —est —rouge —et —Mer
Morte, -pour -nous, -c’est -vrai,
divine et terrible, prends, prends
ma-- -bouche-- -puisque-- —tu
m’aimes, -étincelle- dans--- ton
jour -et --ma - -patte -au -galop
quand -je traverse- en -nage ce
petit bout de mer – Encore, ai-je
soufflé sous le ciel.-
C’est venu, c’est venu sur -moi
condensé, -déversé, - jaune- la
nuit !, rouges ses doigts, et -les
armes ont claqué,- cruelles -et
folles,- lui -s’est -pendu, -c’est
venu, -la -corde à -son -cou et
pour -d’autres -les —balles ; le
silence me tue mon -amour, le
silence me tue, mais- avril -par
surprise est venu, -et -avec -lui
l’air -flotte -au-dessus -de -nos
têtes, -—prends, --prends— la
mienne, elle est pierre blanche,
rosée -dans le- jardin, -là – -la
lumière perce, plus de tortures,
je n’entends plus les balles, les
oies qui crient, -ils ne -courent
plus tandis -qu’ils vont mourir,
deux,- trois, - dis-je, -dernières
secondes -et— leurs —pieds se
soulèvent — juste — avant —de
tomber, tombe !, tombes, -c’est
venu, -c’est -venu -au -couteau,
j’entends le ciel grandir avec le
vent, — avec --- les — vagues,
cendres !, -criais-je -dans mes
nuits.
Extrait de La lumière imaginée, éditions Faï Fioc, 2016
Intérieur. -Mon - cœur - bat vite, -très. Je -sens ses
mouvements se modifier dans ma cage -thoracique.
Une cabane. Avec mots et semences. Je sens. -Nuit.
Tournent,- tournent- en moi- les cerceaux -fous du
cœur. Bruit de phrases. Ensemble, je -sens, je -peux.
Des roues, -des -moteurs. -Ça me parle. En -cercles,
ensemble, -je- -sens, -j’entends- : -un -souffle, -des
ruisseaux,- la -pendule du monde -et- la crinière de
l’eau.- Ici- tout -ce -qui- est étrange, -incroyable -et
troublant est possible. Nuit. Est-ce toi, est-ce vous ?
Passent, -passent -les ténèbres. -Tu- connaîtras- le
spleen,-- l’inquiétude- et- le- froid. -Plus -vite -que
d’autres. La terre rouge -et tremblée -où- la nuit- se
défait et se démonte -à -coups -d’épaule. -Montant,
fort, fort le -bruit, ça -revient, ça -te- parle. -La nuit
noire. Passent, -passent avec toi, -avec effroi, -sous
tes paupières et dans -tes- bras, les -ténèbres. -Plus
grands -que d’autres. -Oui je sais –– mes -cartes -à
jouer ne feront pas l’affaire ; je veux bien -négocier
mes papiers, mes crayons, mon cahier ; j’accepterai,
c’est promis, de partir toutes les fois que maman le
voudra, ou tout ça à la fois, -pourvu qu’on -me dise
pourquoi je vois, je sens et j’entends si fort, et quel
est- le- jour -où -ça -s’arrêtera. -Est-ce toi ? -Pas de
réponse.Passent, passent- les ténèbres, -les -monstres et le
froid. Passent les nuits. Je vois, je cache. Sous mon
lit -mes -cartes -et -mon -livre -d’images.Mes cartes. Avec elles, évidemment, j’imagine -des
reines partout. La souffrance de -vivre et la -drogue
des rêves en roue libre. Tout. Alors je vois des rois,
des fées, des reines en -caravanes -pour ne pas ––.
Non ils ne sont pas -beaux- les -jours qui sont- les
miens, pas belles les personnes autour de moi. Des
cris, des coups et des figures -aux yeux sans -poids.
Miroir de -cendre. Vite- ma fée- ramène-moi -dans
mon royaume, -chasse les -gris, les noirs- boueux !
Vite, vite, lance- avec -moi le -rouge et- les- jaunes
éclatants, --reconduis-nous, --ramène-moi- à- ma
fenêtre !Mes cartes. Le tonnerre dans mon cœur. -Dans- leur
bouche, diatribes. Je sens, -j’entends -ensemble. -Le
rire est-il dans la maison ? La tempête dit non, -et le
chant -me —dit -oui. —Tu -connaîtras- la -crainte- et
l’inquiétude- ; -mais -tu— traverseras -l’hiver, -agile,
courant ; ensemble pour toi il- y aura l’océan- et- les
montagnes. Nuit, Nuit ! Le rouge, le brun, et tous les
cheveux de -la terre. -En bottines- je cours –– le ciel,
le soir rougeoient, et le rire des nuages -collé -contre
ma joue sèche mes larmes. -Tu -connaîtras -l’étrange
et les tourments. -La nuit tombe, -et -dans le -rêve de
ton rêve glissent le tigre -au corps sauvage, les -chats
de la fureur et les -mouvements- fous -du- cœur. -Je
griffe, je danse et je plonge- ensemble. -En -bottines
je cours –– les rues, les bancs et les- bus sont -sales,
mais je lève les bras, la tête surtout, je -veux faire- de
moi quelqu’un, je ne peux pas ne pas y penser –– je
veux faire de moi quelqu’un, de mes mains, de -mon
cœur quelque chose, oui ––
le rire des nuages, mouillé contre ma bouche, sèche
mes larmes. La nuit était noire, le père invisible,- le
petit garçon- trempé de rosée, le bourbier -profond
et l’enfant en -pleurs.- Au- loin les nuées -fuyantes.
Quatre poèmes extraits de Septième rive, éditions La tête à l’envers, 2017
Afin que plus vaste soit le monde,
plus larges les nuits dans tes yeux,
j’ai fait taire mes cahiers. Un instant,
juste un instant !, ai-je demandé.J’avale, je bois afin que monde soit plus
vaste, et que tu cesses, comme rompu,
la souffrance des cris. Est-ce que j’écris ?
Est-ce ça la question, ça mes
nuits ?Afin que maudits trous de nos fantômes
ne rendent pas le monde plus petit
j’écris. Et qu’on n’en parle plus ! Oui,
oui j’écris.*
À la pendule de la cuisine
interminablement reste minuit.Interminablement je tourne,
fièvre sur ma bouche, et toi,
voici déjà cinq heures qu’une
fois parti – plus de signe, de
sons, de –, alors que je
tremble, ayant froid, ayant chaud,
ayant, exsangue, deux aiguilles
invariables devant les yeux.*
Au loin,
au loin se balance
le buisson de roses.La nuit,
la nuit s’enroule
avec les lèvres et le
lilas.Au loin,
au loin l’œil dans mon sommeil
innocente mon poème
en disgrâce.*
Aujourd’hui il n’y a eu que joyeuses
promenades. Au diable la boue, le noir
de mon enfance !
La nuit, le vent a lavé l’air, l’eau –
les vagues.
Aujourd’hui, vois-tu, il n’y a eu que rêves
en promenade.
Publications
- Septième rive, poèmes, La tête à l’envers, Crux la ville, 2017
- La lumière imaginée, poème, Faï fioc, Montpellier, 2016
- Fly, poème, Les Arêtes, La Rochelle, 2014
- Dire à Dieu ce que je ne devrais pas dire qu’à lui, poème, Les Arêtes, La Rochelle, 2012
- Avril suivi de Cendres d’or, poèmes, Isolato, Paris, 2012
- Langue du chien, poèmes, Albertine, Paris, 2011
- Le livre de la nuit, récit, Albertine, Paris, 2010
- Avril et Langue du chien, poèmes enregistrés par l’auteur, CD, Albertine, Paris, 2009
- Rectoverso, poèmes, Albertine, Paris, 2009
- Les tables des matières, poèmes, Albertine, Paris, 2006
- Petit portrait de ma mère en étoile, récit, Albertine, Paris, 2006
- Jour d’hiver, récit, Le temps qu’il fait, Cognac, 2000
- Un boxeur a plus de chances qu’un artiste d’atteindre son adversaire, petit récit, Le temps qu’il fait, Cognac, 1996
- Boîtes de lecture, plaquette, Le temps qu’il fait, Cognac, 1996
- De la chose endormie et du rêve, texte et lithographies, Champfleury, Paris, 1990
- Rouge, texte et lithographies, Champfleury, Paris, 1988
Publications pour la jeunesse
- Billie Holiday, rien que la musique, texte et dessins-collages, À dos d’âne, Paris, 2014
- Calder ou les mobiles célestes, texte et collages, À dos d’âne, Paris, 2013