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Marlène Tissot

vendredi 1er avril 2016, par Cécile Guivarch, Mélanie Leblanc

Née dans les seventies du côté de Reims, vit aujourd’hui à Valence, écoute beaucoup de musique, dort très mal, écrit souvent la nuit, de préférence au stylo bille. Pose des histoires dans des cahiers depuis qu’elle a dix ans et demi (exactement). Ne croit en rien, sauf de temps en temps. Sait mettre un pied devant l’autre et tenir debout sans tomber (sauf les jours de tempête intérieure).

Sur Terre à ciel : A l’écoute de Marlène Tissot, une interview de Mélanie Leblanc

Extrait de Lame de fond

Parfois, sans raison particulière, je me sens la force
de vider la mer à la petite cuillère. J’y dénicherais des
trésors abandonnés, des histoires oubliées, des vestiges
de toi, en glisserais quelques-uns dans ma poche en
secret puis je rendrais l’eau à qui elle appartient.

Extraits de Histoires (presque) vraies

Aspérités

Ces endroits sur ma peau
qu’un seul homme connaît
je rêve parfois
que d’autres les caressent
et ce n’est pas tout à fait un rêve
parce qu’un rêve peut
devenir vrai

Avant la floraison

Et toi quand tu as mal
est-ce que ça fait du vacarme
et des larmes ?
moi, non
personne ne remarque
il y a juste cette brisure silencieuse
le hurlement délicat
d’un bouton de coquelicot
qu’on écrase entre les doigts
les pétales encore froissés
la peau tendre qui cède
le jus couleur sang
qu’on rince sous le robinet
pour effacer les traces
alors il n’y a plus rien
pas de preuve
à peine le souvenir fugace d’une fleur
qui ne s’ouvrira
jamais

Extrait de Sous les fleurs de la tapisserie

Saigner la nuit à blanc
picoler sa sève
cuver le trop-plein de rêves
dégriser le long du jour
recommencer
tant que la nuit continuera
de trébucher
de nous tomber dessus
tant qu’il y aura des soifs
de demain à étancher

Extrait de Mailles à l’envers

Papa est rentré. La porte a claqué. « J’ai pas faim », il a fait. Il a jeté sa veste sur le canapé avant de s’enfermer dans la chambre. Il sentait le pastis et la sueur. Maman est allée réchauffer le repas sans desserrer les dents. J’ai allumé la télévision. Pour faire diversion. Pour avoir quelqu’un avec qui parler. Pour me rassurer. Il se passait sûrement des trucs dans le monde. Des trucs plus graves. Je me répétais ça, jusqu’à ce que le ronronnement des mots finisse par m’apaiser.
Des trucs plus graves.
Des__ trucs__ plus__ graves.
Des____ trucs____ plus____ graves

Extraits de Nos parcelles de terrain très très vague

Juste là

Regarder là, juste là
laisser la pensée courir
comme un chien sans collier
dans le terrain très très vague
de l’ici et maintenant

Sans titre #4

On dirait que tout s’est figé
et qu’on va rester coincé là
comme dans le paysage noyé
d’une boule à neige

Extrait de Je me souviens, c’est dimanche

Je me souviens, c’est dimanche au petit matin. Il fait froid et tout le monde dort encore, même les chiens de la baraque à côté, même les oiseaux, même le ciel. Dans la vieille cheminée, le feu a disparu sous une épaisse couverture de cendres. J’ai froid. J’ai froid et je n’arrive plus à penser à quoi que ce soit d’autre. Quand le froid commence à rentrer dans toi, c’est comme si tout le reste disparaissait. Tu deviens un grand récipient vide dans lequel se balade parfois une idée saugrenue. Une idée comme essayer d’avoir encore plus froid pour ensuite avoir moins froid. C’est ce que je dis ce matin-là et je ne suis pas bien vieille et je ne suis pas bien maline. Je décide d’aller faire un tour dehors avec mon gilet par-dessus le pyjama, avec mes yeux crottés, avec ma double paire de chaussettes qui colle au givre du jardin.
[…]
Je me souviens, c’est dimanche. Quelque chose s’est passé dont on ne parlera jamais.

Extrait de Le poids du monde

Dans le blanc de ma nuit, les étoiles s’éteignent. Tout s’éteint. C’est comme un grand néant qui viendrait m’avaler et, c’est pas que je sois un trouillard, c’est juste cette impression de ne plus être tout à fait là, comme si le monde cherchait à m’effacer.

Extraits de J’emmerde...

J’emmerde les tours d’ivoire

Certains murs sont des prisons
qu’on dresse autour de soi
sous prétexte de se protéger

J’emmerde les pompes funèbres

Savoir songer à la mort
juste assez pour
ne plus avoir peur de la vie

Bibliographie

Poésie

  • Lame de fond, éditions La boucherie littéraire, 2016
  • Histoires (presque) vraies, éditions Le pédalo ivre, 2015
  • J’emmerde…, éditions Gros Textes, 2014
  • Sous les fleurs de la tapisserie, éditions le Citron gare, 2013 (prix CoPo 2015)
  • Nos parcelles de terrain très très vague, éditions Asphodèle, 2010

Nouvelle

  • Le poids du monde, éditions Lunatique, 2014
  • Je me souviens, c’est dimanche, éditions Asphodèle, 2013

Roman

  • Mailles à l’envers, éditions Lunatique, 2012 (« Premier roman » 21e Festival du Premier roman de Laval en 2013).

Site de l’auteur : Mon nuage

Liens vers la note de Clara Régy Sous les fleurs de la tapisserie

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(page élaborée avec la complicité de Mélanie Leblanc)


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