Mira Wladir est née le 22 novembre 1959, a vécu à l’étranger et en France après avoir épousé un français. Orthophoniste et diplômée de philosophie, son univers est celui de la langue, non seulement comme porteuse de mots mais comme geste des hommes, des arbres et des bêtes.
Ainsi sa poésie s’inscrit dans une unicité, celle d’un monde profondément mouvant, où tout est même vie, multiple et conjuguée.
Saurons-nous ?
Nous lancerions nos cris
du sommet des donjons.
Nous n’attendrions rien encore
de nos semences.
les chambres n’auraient pas de toit.
Ce ne serait pas des chambres.
Nous y célébrerions
les déroutes.
Il y aurait des silences quelquefois
qui passeraient.C’est parce qu’il n y a pas de réponse
que
peut-être(extrait de solaire intifada)
c’est danser qu’il faudrait
est-ce qu’on saura ?est-ce qu’on saura
tomber un peu ?laisser l’incertitude
remplir nos ventres
se tenir ne pas se tenir
entrer dans le vert
qui grandit derrière nousmourir un peu et revenir
est-ce qu’on saura ?(extrait de L’exil des renards)
Et le bruit blanc des courses
ce fut d’abord pour l’oeil
l’oeil de la jumentnous tombions tout entiers
dans l’eau brune et profondec’était pour l’autre monde
en bordurela fuite ou nous
pareil(extrait de Equilibres équestres)
et maintenant
voicil’odeur de la jument
au creuxà jamais
nos foulées
cognant la glaise épaissepour l’amour des naseaux
et la chaleurs des flancs
qui remonte nos reinsà jamais
nos lits de merveilles
et de paille(extrait de Equilibres équestres)
cela elle dit ou lui
des cheveux plein les mains
comme on fait des bouquetscela l’espace entre les corps
ou ce serait le temps
qui devient verticalalors on brûle un peu
dans la nuit qui s’allume
en s’accrochant au murextrait de Clinamen)
une rose se froisse
hier on a parlé de l’arrivée
d’une tempête de décembrelentement
le vent d’hiver engrosse
les arbres du jardinun moment
la main s’absente
puis la rose revientil fait tiède où roule
un vieux soleil poussiéreux
qu’on fait briller en le frottant
extrait de Clinamen)
mon corps est cette femme
couchée dans l’herbe immense
ou ce monde
échoué à la courbe d’une tige
ou cette cosse chargée sur le dos minuscule
des bêtes du fourré
je bruisse dans l’interstice(extrait de Luisance)
alors
ils dirent enfin
sans rien bouger
que seulement leurs doigts un peu
dans le foin des jumentsque la vie nous dévore !
(extrait de Luisance)
la nuit s’en va
ce n’est pas que l’on voit
le jouron ne voit pas
juste des murs
pâlison cherche de quoi laisser venir le jour
très au fond
on cherche le courageon ne sait rien encore d’amour
on invente seulement
une attente(extrait de L’invention de la légèreté)
je regarde
devant tu te penches sur les mousses
je regarde
l’espace croît
dans l’écart de nos corpsinfiniment lentement
les courbes augmentent le monde(extrait de L’invention de la légèreté)
maintenant je le sais
il existe des oeillets bleus et des tulipes
dans le cœur noir des chosesérection
qui rameute
les labours nocturnes
et les roseset les roses
sous le cœur noir des choses
je les voiset les cuisses du monde
(extrait de L’invention de la légèreté)
une escarbille
m’a dit la louve
cela suffitaux brousses rousses
des sous-bois
un ravage menu
qui nous viendrait des moussescela suffit
m’a dit la louve
pour l’incendie(extrait de Trilogie fabuleuse)
invisible
sous la grève
tu cheminesje le sais
ton pas défait
les ombres longues
des soirs empierrésau ciel
nos poignets d’or
et le vol rêvé des bêtes
fabuleusesje le sais
fulmine
sous la poudre des marées
la nuit
(extrait de Trilogie fabuleuse)
Bibliographie
- Solaire intifada, éditions Empreintes (Suisse), 2008
- L’exil des renards, éditions Empreintes, 2011
- Equilibres équestres, éditions L’arbre à paroles, 2012
- Clinamen, éditions Empreintes, 2013
- Entre, écrit avec Jacques Moulin, éditions du Miel de l’ours (Suisse), 2013
- L’invention de la liberté, éditions Empreintes, 2015
- Luisance, éditions de L’atelier du grand tétras, 2015
- Trilogie fabuleuse, éditions L’atelier du grand tétras , 2017
- La soldanelle et le cheval, avec Françoise Delorme, éditions L’Atelier du grand tétras :en 2017