© Christophe Mahy – Photo : Marc Paygnard
Christophe Mahy est né en 1970 à Charleville-Mézières, dans les Ardennes, aux confins de la France et de la Belgique. Les forêts profondes, les méandres de la Meuse et de la Semoy l’ont conduit, pour reprendre Joubert, « à se faire d’abord des lieux » avant de prétendre à l’écriture. Farouche autodidacte, gourmand des mots des autres pour mieux nourrir les siens, il est attaché à la liberté du verbe comme à celle des pas du marcheur. Grand adepte du voyage immobile, il arpente désormais les lisières de Sologne, où le Cher et la Loire lui ouvrent de nouveaux horizons intérieurs. C.M.
Arrière-plans, peintures de Jean Morette, L’herbe qui tremble, 2020
1
Je mets quelques paroles
dans le livre
au hasard des heures
de cette vie plus creuse
à mesure que la nuit
me rapproche de moi
et que le vent tient
le poème à distance.
2
Dormeur solitaire
je ne rêve rien
qu’on ne puisse rêver
Je vois la nuit en face
sans me voir
quant à vous vous troublez
çà et là le miroir
entre les vieux nuages
ainsi je ne suis seul qu’avec vous
et ma propre absenceprête à être écrite.
3
Je ne peux retourner là-bas
que seul
sans ennui ni présence
c’est un lieu commun
que je retrouve
où le silence brisé
me compromet
sans que pour autant
j’en ressente le vide
alors je ne me retourne
en définitive
que sur moi-même
juste pour différer
le point final.
Le vieil automne, peintures d’Anne Slacik, L’herbe qui tremble, 2017
1
Flous dans l’ombre
du demi-jour
feuillages roux et clochers
forêts flétries
me poussent au voyage
Je sais déjà
que l’automne sera long
où j’écouterai la nuit me parler
d’éternel retour.
2
Puisque je suis de retour
au pays de la pluie
sur la colline
autant voir les labours
pleins d’oiseaux noirs
les éboulis d’écume
dans le ruisseau
les étangs livides
sous la lune
quoi d’autre encore
peut-être un peu de ce que j’aimais
et que je retrouve
même si
l’automne sans le savoir
fait l’éloged’un monde en allé.
Inédit – extrait de Au bout du compte
Le cœur tremblant certains soirs
le voyageur immobile
rêve en silence des nuages
avant de se glisser
entre deux pages d’écriture
non pour le repos
mais pour prolonger
l’instant où tout s’arrête avec le jour
loin des années recluses
perdues en route avec le reste
dans l’éboulement infini du temps
où la vie accomplit
le miracle ordinaire
de ne rien savoir
de ce qui nous attend
et où nous ironsplus tard
plus tard.
Inédit – extraits de De loin en loin
1
Pendant longtemps, je suis allé où d’autres sont déjà venus. À la rencontre de ce qui se trouve sans être cherché, dans un glissement de nuit sur les grands arbres. D’autres fois, c’est un peu de terre et de soleil mêlés à des prairies fumantes qui m’exhorte au silence. Des lieux indéfinis dont l’existence me fait douter de la nécessité du voyage. Chaque pas est issu du précédent et dépend de celui à venir. Je suis à l’orée des commencements et des fins, là où un peu d’eau défroisse la nuit. Ce qui vient est là depuis toujours, sans inquiétude. Et la herse des hautes herbes ferme la marche.
2
Une horde de flocons brouille les glaciers sombres de la nuit. Depuis longtemps, je guette l’arbre en gloire sur la crête, où la décrue des ombres tarde à venir. Ici, le vent décompte de vagues saisons. Un chenal de ciel ouvre les profondeurs noires du paysage. J’ignore s’il subsiste encore quelque chose à dire ou à taire. S’il est une quelconque lumière à suivre. Un quelque part où aller. L’empreinte que je laisse est sans avenir. Si je parle, c’est aux pierres plus muettes que ma page. Où la fièvre possède la voix blanche des mots à l’abandon. Quoi que je fasse, je veille à surtout être absent, pour donner la parole aux taillis écorchés par l’hiver. Et ne prétendre à rien d’autre que la patience.
BIBLIOGRAPHIE :
POÉSIE :
Aux éditions L’Arbre à paroles
- L’opéra fabuleux, fugue en Rimbaldie, préface d’Alain Dantinne, 2005.
- Sous un ciel de légende, préface de Daniel Remillieux, 2007.
- La cinquième veille, avec un frontispice original de Pierre Buraglio, 2009.
- Le haut silence, préface de Bertrand Degott, 2011.
Aux éditions du Cercle du Bibliophile Ardennais
- Le néant essentiel, tirage de luxe numéroté en hommage à René Daumal, avec douze encres originales de Michel Gillet, 2008.
Chez Jean-Jacques Rossbach éditeur (livre d’artiste)
- L’infinie présence, haïkus, livre-objet peint par Jean-Jacques Rossbach, tirage limité, 2011.
Chez Cepdivin éditeur
- Pays d’enfance, poèmes, in Le vin des rêves (ouvrage collectif), 2010.
Aux éditions Arch’Libris
- L’heure offerte, haïkus, avec huit encres originales de Michel Gillet, 2011.
- Le chemin du curé, chronique, avec une photographie de Jean-Marie Lecomte, 2012.
- La mer pour la mer, poèmes, avec onze gravures originales de Danièle Brossard, 2012.
- L’humeur de la nuit, préface d’André Doms, poèmes, avec 3 compositions de Jean-Jacques Rossbach, 2013.
- Ainsi la source, poèmes, peintures originales de Brigitte Maire, 2019.
Aux éditions La Castille
- Dans l’atelier, poèmes, avec des photographies de Jean-Marie Lecomte, in Michel Gillet, sous les combles du ciel (ouvrage collectif), 2012.
Aux éditions Les Venterniers
- À contre-nuit, poèmes, avec des encres de Charles Delaplace, 2013.
Aux éditions Les Sèvenelles
- Un peu d’encre disperse ma mémoire, proses, avec 12 encres originales de Claude Bugeon, 2014.
Aux éditions L’herbe qui tremble
- La flamme du seul, suivi de L’absence de soi, peintures d’Isabelle Nouwynck, 2014.
- Le Vieil automne, peintures d’Anne Slacik, 2017.
- Arrière-plans, peintures de Jean Morette, 2020.
THÉÂTRE
Aux éditions L’Harmattan
- La destination, (adaptation pour la scène par la compagnie Présences-Monde), 2016.
PROSE
Aux éditions Noires Terres
- La vie clandestine, avant-propos de Jean-Claude Pirotte, récits, photographies de Jean-Marie Lecomte, 2012.
- Thiérache, la grande inconnue, photographies de Jean-Marie-Lecomte, 2012.
- Mille étangs et moi, photographies de Marc Paygnard, 2012.
- Chemins d’Ardennes, chronique, photographies de Céline et Jean-Marie Lecomte, 2013.
- Invitation aux musées en Champagne-Ardenne (ouvrage collectif), chroniques, 2014.
- Paysages du vent, chroniques, préface de Gérard Bocholier, photographies de Céline Lecomte, 2017 (Prix du poème en prose Louis Guillaume 2018).
- Les claires voies, chroniques d’un marcheur, photographies de Jean-Marie Lecomte, 2020.
- Itinéraires buissonniers, chronique, dans Du côté de chez Dhôtel, ouvrage collectif, 2020.
Aux éditions L’Harmattan
- Un Jardin de solitude, chronique poétique, 2015.
Aux éditions Sipayat
- Les vérités acquises, roman, 2017.
Sur internet :
Présentation et anthologie sur Babelio :
https://www.babelio.com/auteur/Christophe-Mahy/243043
Site des éditions L’herbe qui tremble :
https://lherbequitremble.fr/auteurs/christophe-mahy.html
Page personnelle :
https://marincazaou.pagesperso-orange.fr/cont/mahy/index.htmlPage établie avec la complicité d’Isabelle Lévesque.