Artiste pluridisciplinaire, passionnée des mots, de musique et d’art, architecte et chanteuse, performeuse et autrice, Nathalie Yot a un parcours hétéroclite à l’image de son écriture.
Elle est née à Strasbourg en 1966 et vit à Montpellier. Elle est diplômée de l’école d’architecture en 1992 mais préfère se consacrer à la musique (signée chez Universal) puis à l’écriture poétique.Elle publie d’abord en revue sous le pseudonyme de NATYOT, puis pendant deux années consécutives ses nouvelles sont sélectionnées pour un recueil aux Éditions Au Diable Vauvert. Elle obtient ensuite une bourse en région pour D.I.R.E (Ed. Gros Textes mai 2011).
Elle est alors invitée à dire ses textes en France comme à l’étranger (BIPVAL, Expoésie, Déklamons, Voix Vives Sète, Gènes et Tolède, Maison de la poésie Paris, Poésie Marseille, Maelstrom Festival…) et représentera la langue française en Chine (Chengdu 2013).
Ces lectures sont souvent accompagnées de musiciens, danseurs ou plasticiens. Parfois, elle dessine en live. En 2014, elle est artiste associée au Centre d’Art La Fenêtre à Montpellier pour des moments performatifs autour des œuvres exposées.Elle monte deux de ses textes au théâtre, un théâtre documentaire dans lequel elle met en lumière les personnes invisibilisées, avec des pièces comme HOTDOG (2015) ou BONJOUR (2019).
Elle anime des ateliers d’écriture dans les écoles et les lycées ainsi que pour les publics empêchés en privilégiant la poésie et l’oralité (implication du corps).Plusieurs recueils sont publiés entre 2014 et 2017 (voir bibliographie) qu’elle lira dans divers lieux.
Avec un aménageur sonore, elle crée un duo d’électro-poésie, NATYOTCASSAN. L’album « Pas pareil » sort en Janvier 2019. https://natyotcassan.wixsite.com/boite-a-jeElle réalise aussi des vidéos performatives pour des centres d’art (ou pour elle-même).
https://www.youtube.com/watch?v=1-tBERre2RAElle se tourne ensuite vers le récit, la forme longue sans délaisser la poésie pour autant. Son premier roman LE NORD DU MONDE (Ed. La Contre Allée 2018) obtient deux prix.
Une bourse du CNL lui est allouée pour le second, TRIBU (Ed. La Contre Allée 2022). Elle multiplie les résidences d’écriture (Villa M. Yourcenar, Festival Terres de Parole, Fondation Yan Michalski, Maison Julien Gracq).
Une biographie de Janis Joplin lui est commandée par les éditions Gallimard (Janis/ Hoebecke 2020), un moyen d’exprimer son thème récurent, le débordement.Pendant quatre ans, elle fut chargée de mission par la Mairie de Montpellier pour le Printemps des poètes (Festival « Les Anormales »).
Site pour toutes les infos : https://www.nathalieyot.fr
Extrait de Je n’ai jamais été mais il est encore temps, Éditions Gros Textes
on se suit hein ? hein ? hein ? hein ?
on va se suivre encore hein ? hein ? hein ?
prendre la petite route hein ?
là, après le buisson qui a une drôle de forme
c’est parfait la petite route
on sera isolés sur la petite route
on ne croisera peut-être : personne
on ne se battra avec : personne
il n’y aura pas de combat, même pas dans les yeux
ça ne saignera pas dans les yeux
on aura la paix, la sensation de la paix
par la petite route, c’est sur
il n’y a que des cailloux morts et des bêtes peureuses
et au dessus des mouches folles
on va écraser la terre, on va écraser la vie, on va les faire se mettre à genoux
toutes nos manières d’être
qui ne nous ressemblent pas
qui sont venues par erreur
qui nous tournent dans le ventre
et l’ennui aussi aplati sous nos pieds
on va écrabouiller ensemble hein ? hein ? hein ? hein ?
on va profiter de la petite route hein ? hein ?
on va pas se gêner
jamais on profite
on va chanter fort, le plus fort possible
on va se dire des choses aussi, n’importe quoi
on peut parler sur la petite route
et si tu me trouves belle, c’est pas grave
les mots feront ce qu’ils veulent
les mots ne valent que pour ce qu’ils procurent
ça sent déjà la fin de tout ce qui nous lasse
on a presque gagné, puisqu’on se suit hein ? hein ?
puisqu’on va se suivre encore hein ?
c’est là
derrière le buisson qui a une drôle de forme
c’est juste là
on arrive au buisson
on y est
viens
c’est làles premiers habitants du monde sont arrivés par une petite route
j’en suis sure
Extrait de bois, putes, oiseaux, Éditions Gros Textes
LA PLANCHE
Femme a du pain sur la planche. Des fois pas de pain, que la planche. Femme regarde la planche. C’est du beau bois massif cette petite planche. Du bois de la forêt.
Ah, la forêt ! pense-t-elle. S’y perdre. Se perdre dans toutes les planches, ne plus retrouver la sienne.
Femme ne s’évade jamais, regrette. Elle est trop utile pour s’évader. Elle fabrique sans cesse (productive). Avec ses mains, ses dix petits doigts qui s’activent, avec son ventre, son ventre-machine, avec sa tête elle cherche des solutions. N’en trouve pas des tonnes.
Alors la nuit, pour reposer la tête, pour reposer la bête, pour reposer la tête de la bête, femme chante, femme danse, femme fume, femme rit.
On est content pour elle. C’est quand même une petite évasion ça. Femme se permet la petite évasion. Femme sait qu’il faut se sortir de la planche, s’extirper de là, courir dans l’autre sens. Le sens qui n’est pas celui du pain quotidien, de la routinette tranquillette avec la planche qui colle sous le bras.
C’est pas que dans les rêves, pense-t-elle. Dit-elle. Femme n’a pas que des rêves, d’ailleurs elle s’en fout des rêves. C’est possible ça ? Partir des rêves ? Faire autre chose que faire des rêves ?
Pour l’instant, Femme ne sait pas et quand Femme ne sait pas, elle pleure. Elle pleurniche. Et quand Femme pleurniche, elle fait la petite évasion. Celle qui permet de vivre encore une semaine avec la planche collée sous le bras.
La petite évasion, c’est souvent le samedi (soir). Pas de jour pour la grande. Pas de jour précis. On ne précise pas pour la grande.
Femme devrait se mettre une date butoir. La date où elle irait jeter sa planche dans la forêt avec toutes les autres planches.
C’est prévu, pense-t-elle.
Extrait de ils, défaut de langue, Éditions La boucherie Littéraire
ils arrivent
les hommes
les femmes et les petits aussi
ils arrivent en voiture
toutes sortes de voiture
ils s’arrêtent devant la maison
ils s’embrassent le visage
ils entrent dans la maison
il y a des chaises
ils s’assoient
ils parlent
ça sent la cuisine
il y a de la viande
les hommes aiment la viande
les femmes et les petits aussi
ils mangent
ils ne parlent presque plus
les bouches mâchent la viande
et la salade avec de l’huile
après ils dorment
pas tous
certains ferment les yeux sans dormir
ceux qui ont les yeux ouverts se regardent
ils se posent des questions
toutes sortes de questions
et ils boivent du café qui brule
avec des petits biscuits
les bouches font plus de bruit avec les petits biscuits qu’avec la viande
mais moins que quand ils parlent
ils ont tout fini
ils sont épuisés
toutes les questions ont été posées
toute la viande a été mangée
le café et les petits biscuits
c’est terminé
ceux qui dormaient se réveillent
les hommes
les femmes et les petits aussi
ils s’embrassent à nouveau le visage
ils remontent dans leur voiture
ils repartent
ils font des signes avec la main
en direction de la maison
pas tous
L’écriture :
Pendant dix ans, j’ai écrit essentiellement de la poésie. Puis j’ai commencé à travailler sur des textes plus longs, qu’il s’agisse de théâtre ou de roman, assimilant les axes d’écriture et les contraintes que chaque forme engendre. Cependant, je cherche à ce que mon écriture prenne le dessus sur ces formes que l’on nomme, que l’on inscrit dans des cadres et des destinations. Très souvent dans mes textes, j’interroge les limites.
La littérature me semble être un espace de liberté et l’enjeu est de l’exploiter, d’en profiter. Je veux lutter contre l’étroitesse.
Colette disait que son paysage était celui du visage humain. Je partage ce sentiment quand il s’agit d’écrire. Écrire sur ce que l’on observe des hommes, des femmes, le pire et le meilleur, sur la complexité des rapports humains, ce qui se passe entre nous, les autres nous, la pioche de nous, quels autres sommes-nous ? Les relations humaines me passionnent et m’émeuvent. C’est un terrain d’écriture inépuisable.
Par ailleurs, les liens qui nous unissent, quels qu’ils soient, n’existent pas sans contexte social, culturel ou environnemental, ce que le parcours individuel a acheminé se révèle dans le rapport à l’autre, le partage d’idées, et dans l’écriture. Mais tout cela est confus et difficilement déterminable, on ne fait qu’errer dans notre propre parcours. Je suis l’observatrice, je récolte et j’essaye de décrire l’ambiguïté des sentiments en laissant toujours le lecteur maitre de son jugement.
BIBLIOGRAPHIE
Poésie
- D.I.R.E (Éditions Gros Textes) 2011
- BOIS, PUTES, OISEAUX (Éditions Gros Textes) 2013
- COMME UN DES MORTELS avec Charles Pennequin (Éditions MaelstrÖm) 2014
- JE N’AI JAMAIS ÉTÉ MAIS IL EST ENCORE TEMPS (Éditions Gros Textes) 2016
- HOTDOG (Éditions Le Pédalo ivre) 2016
- JE SUIS D’ACCORD (Éditions Plaine Page) 2017
- L’AMOUR BOUQUET FINAL (Éditions La Boucherie Littéraire) 2019
- ILS (Éditions La Boucherie Littéraire) 2021
Roman
- LE NORD DU MONDE (Éditions La Contre Allée) 2018
- TRIBU (Éditions La Contre Allée) 2022
Biographie
- Janis Joplin (Éditions Gallimard /Hoebeke) 2021
Collectif
- ANTHOLOGIE des voix de la Méditerranée (Éditions du Clapas 2008)
- JOHN DE VAUVERT + JUAN VITA : deux nouvelles dans le recueil Prix Hemingway 2009 et 2010 (Éditions Au Diable Vauvert)
- NOTOPOS Anthologie (Collection Biennale internationale des poètes en Val de Marne 2010)
- ANTHOLOGIE des Voix Vives Sète (Éditions Bruno Doucey 2011 + 2017)
- INVECE N°1 (Éditions Al Dante 2013)
- ANTHOLOGIE des Voix Vives Tolède (Éditions Bruno Doucey 2017)
- PEINTURE ET POÉSIE catalogue anthologie des peintures du Musée Paul Valéry à Sète (Éditions Midi-pyrénéennes / Éditions Musée Paul Valéry 2018)
Revues diverses (Ouste, Teste, La Piscine, GPS, Borborygme, Le Lièvre mort, Hildegarde, Les chats de Mars, Va, Bacchanales…)