Valérie Canat de Chizy est née en 1974. Elle vit et travaille à Lyon. Devenue sourde à l’âge de 4 ans, elle a trouvé dans la poésie un moyen d’explorer et de dépasser la bulle du silence, et de se sentir reliée au monde. Depuis 2006, elle a publié une vingtaine de recueils de poèmes et deux récits. Elle collabore à la revue Verso et au site Terre à ciel, et est présente dans de multiples revues de poésie. Son blog : http://verrementhe.blogspirit.com
Extrait de Entre le verre et la menthe (Jacques André éditeur, 2008)
la pluie dans les entrelacs des signes
le lien enserre les jours
il voudrait dégrader
le peu de bienles orties pointent leurs dentelures
plus hautes que la menthe sauvagepourtant le parfum de celle-ci
dépasse le simple frôlementil suffit de se pencher un peu
la vie parfois se trouvelà où on ne l’attend pas
Extrait de Pieuvre (Jacques André éditeur, 2011)
Il y a le silence. Comme une mer. Une surface scintillante dans laquelle plongent des oiseaux criards. La surface se perce de part et d’autre. Les becs déchiquètent la peau souple de l’eau, pénètrent la membrane. À l’intérieur, c’est doux et chaud. Comme un ventre maternel. Les oiseaux fouaillent les entrailles. Ils en extraient des poissons, des morceaux de corail, des sédiments. Le ventre de la mer dégorge sur le sable. Écume mousseuse. Des traces de sang restent sur les bords.
Extrait de La chambre des parents (La Porte, 2012)
C’est des sabots de bois
Dans les couloirs
Petite hirondelle
Des prés
Aux coquelicots
Je ne t’ai pas
Oubliée
Le carrelage claque
Fort sous tes pas
Déjà plus de son
As-tu déjà
Entendu
Le chant des oiseaux ?
Extrait de Poetry (Jacques André éditeur, 2015)
La vie sans toi, c’est juste un peu de mort sous la couche des jours, un peu de cendre sur les cils, dans la plissure des vêtements, c’est comme une pièce dont le feu s’est éteint dans l’âtre, c’est une source de chaleur en moins à tel point que tout s’écoule, comme un fleuve, en arriver à oublier ce pourquoi on a lutté pendant si longtemps : sortir de la solitude, ne plus se heurter à des murs, ne plus se sentir sous-estimé, apprendre à communiquer, ne plus se sentir rejeté ; ce qui mobilisait, donnait la rage et la force d’avancer. Toi, tu n’as pas lutté pour vaincre ton isolement. Mais tu apportais une légitimité à mon combat, parce que tu me comprenais à demi mots.
Extrait de l’écriture la vie (Le Petit Rameur, 2017)
il faut écrire pour apaiser
le sentiment d’inexistence
paradoxal puisque
les journées sont joyeuses
est-ce le vrai le faux
le jour la nuit
l’écriture la vie.
Extrait de Je murmure au lilas (que j’aime) (Éditions Henry, 2016)
Celui qui est resté dans le silence est demeuré dans une bulle. Sur la vitre, il y a un halo, vision trouble du monde. Tout est brouillé. Comment saisir les lettres, les mots, les aspérités ? Le tram passe sans bruit.
Extrait de Talisman (L’Harmattan, 2013)
c’est une liane
enroulée à ton bras
et des peuples
d’Amazoniedes feuilles des forêts
où vivent des Indiens
au visage tatouéleur regard
te parle
à travers l’objectifils te parlent
nus
une lance à la mainleur lèvre inférieure
percéed’une tige
de bois
Extrait de Créer l’ouvert (Éditions de l’Atlantique, 2011)
L’écoute discrète, tranquille
L’ample respirationLa chaleur accueillie offerte
En toute simplicitéSoleil sur fleur en train
De naîtreSoleil dans le tamis des jours.
Extrait de Nuit (Ce qui reste, 2018)
la peau palpite
de tant de lumièresune ville à elle seule
brille dans la nuitnoire aux dents blanches
c’est elle que l’on voit
danser autour du feudialoguer avec les astres
Bibliographie
- Nuit : poèmes de Valérie Canat de Chizy, encres de Colette Reydet. Ce qui reste, 2018
- Le poème correspondant (avec Marie-Noëlle Agniau). La Porte, 2017
- l’écriture la vie. Le Petit Rameur, 2017
- Je murmure au lilas (que j’aime). Éditions Henry, 2016
- La clarté jaune du soleil. Les éditions du Petit Flou, 2016
- L’étoffe de la nuit : poèmes de Valérie Canat de Chizy, pastels de Gilbert Desclaux, 2016.
- Poetry. Jacques André éditeur, 2015
- Le bruit des abeilles (avec Cécile Guivarch). La Porte, 2014
- Muraille de Chine. pré # carré, 2014
- Ombre solaire. La Porte, 2013
- Boréale. Encres vives, 2013
- Talisman. L’Harmattan, 2013
- La chambre des parents. La Porte, 2012
- Créer l’ouvert. Éditions de l’Atlantique, 2011
- Pieuvre. Jacques André éditeur, 2011
- Pierre noire. Éditions de l’Atlantique, 2010
- Même si. pré # carré, 2009
- Fissures et voix. Encres vives, 2009
- Entre le verre et la menthe. Jacques André éditeur, 2008
- Il y a des lunes. Encres vives, 2008
- Le chant de l’ange. Encres vives, 2007
- La mer, peut-être. Encres vives, 2006
- Échos. Encres vives, 2006