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Anne Perrier

jeudi 2 février 2023, par Cécile Guivarch

Née à Lausanne (Suisse, canton de Vaux) d’une mère alsacienne et d’un père suisse en 1922, Anne Perrier a suivi des études de lettres à l’université de Lausanne. Passionnée de musique, elle a également étudié le piano au Conservatoire. En 1947, elle a épousé Jean Hutter, qui est devenu par la suite directeur des Éditions Payot à Lausanne, où le couple est venu s’établir avec ses deux fils. Son premier recueil, Selon la nuit, est paru en 1952. Passionnée de musique, elle hésite un temps entre la vocation de compositrice et celle de poète. Anne Perrier a traduit du portugais des poèmes de Manuel Alegre, en collaboration avec Luiz Manuel.

Parmi les diverses distinctions qui lui ont été attribuées, signalons le Prix Rambert, en 1971, suite à la parution de Lettres perdues, ainsi que le Grand Prix national de poésie, en 2012. Elle est la première femme à avoir reçu cette prestigieuse distinction française pour l’ensemble de son œuvre.

Des traductions de ses recueils existent dans plusieurs langues. Anne Perrier est décédée le 16 janvier 2017, à 94 ans, à Saxon.

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LE PETIT PRÉ

On voudrait dire c’est le paradis
Tellement cette pauvre apparence
Est douce à notre ignorance
Le temps marque midi
La lumière des campaniles
Entre en nous comme une couleuvre
Plus besoin de preuve
Mourir est inutile

 
***

 
Il n’y a plus vergers ni guêpes
Ni les abeilles préférées
Et la douce lumière aimée
Dort sous le crêpe
Pas de larmes cœur épuisé
Tu comprends que c’était folie
De vouloir éterniser
La danse et la saison fleurie
 

***
 

Voici ma place
Pour l’éternité
Une chaise de paille basse
Le silence et l’été
Un mur que le ciel a fendu
Comme une rue
Et mon âme qui s’habitue
A dire tu

FEU LES OISEAUX

Si le monde
Etait un raisin transparent
Qui survivrait ?
 

***
 

La paix
Tu la tiens dans tes mains
Comme un melon d’eau
 

***
 

Demain si c’était moi
Tout ce rire doré des renoncules
Qui déferle
 

***
 

Je respire je froisse
Au fond du jour la menthe bleue
Lit pur
 

***
 

Asseyons-nous au milieu des airelles
Simplement pour aimer leur dire
Leur beau nom d’air qui ruisselle
 

LE LIVRE d’OPHÉLIE
 

J’appelle à moi le chant
Que le siècle blesse à mourir
Goutte à goutte je le recueille
Mais pour qui
Deuil et désir
J’erre parmi les noirs étangs
Éblouie
De si peu même du cri
Rauque de la grenouille
 

***
 

La nuit pourra venir
Souffler sur mes paupières
Le silence pourra tenir
En laisse tous mes airs
Mais pas avant
Que j’ai jeté aux quatre vents
Mon chant de mort
Et planté dans le front du temps
Mes banderilles d’or

LA VOIE NOMADE

Je m’arrête parfois sous un mot
Précaire abri à ma voix qui tremble
Et qui lutte contre le sable
Mais où est ma demeure
O villages de vent
Ainsi de mot en mot je passe
À l’éternel silence

Ce n’est pas l’ombre que je cherche
Ni l’humble signe
De la halte sous les palmiers
Tranquilles ni l’eau ni l’ange
Gardien d’oasis
je cherche le chemin qui dure
Toujours toujours toujours

LES NOMS DE L’ARBRE

Le hêtre

Étendant vers le ciel
ses longs bras d’hiver
Il mesure l’espace
Infini du désir
 

***
 

Le tremble

L’aède au pied léger
Le très humble
Le traversé de vent
Et toujours vulnérable
Frère que d’imprécises peurs
Convulsent
 

***
 

Le grenadier

Lorsque dans la pénombre du feuillage
Il allume ses fleurs écarlates
Le temps retient son souffle
 

LE JOUEUR DE FLÛTE

Penchés sur l’eau bleue des fontaines
Les oiseaux et moi
Mirage... demeure du ciel
J’interroge en vain
Eux tout simplement boivent
 

***
 

Et si c’était
Pour faire exploser la lumière
Que l’hirondelle à chaque renouveau
Raye de la pointe de son cri
La vitre du ciel

BIBLIOGRAPHIE

  • Le Livre d’Ophélie et la Voie nomade, préface de Doris Jakubec, Éditions Zoé, 2018
  • Le voyage, Chavannes-près-Renens, Empreintes, 2011.
  • La Voie nomade et autres poèmes, préf. de Gérard Bocholier, Chauvigny, L’Escampette, 2008.
  • La via nomade, postfazione di Monica Pavani, trad. de Monica Pavani, Ferrara, Tufani, 2005.
  • L’unique jardin, Moutier, Bernard Blatter, 1999.
  • Champ libre, 7 pointes-sèches de Claire Nicole, Pully, R. Meyer, 1998.
  • Œuvre poétique 1952-1994, Bordeaux, L’Escampette, 1996.
  • Le joueur de flûte, Lausanne, Empreintes, 1994.
  • Les noms de l’arbre, dessins de Loul Schopfer, Lausanne, Empreintes, 1989.
  • Poésie 1960-1988, préface de Phillippe Jaccottet, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1988.
  • Poésie 1960-1979, préface de Phillippe Jaccottet, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1982.
  • Le livre d’Ophélie, Lausanne, Payot, 1979.
  • Feu les oiseaux, Lausanne, Payot, 1975.
  • Lettres perdues, Lausanne/Paris, Payot, 1971.
  • Le temps est mort, Lausanne, Payot, 1967.
  • Le petit Pré, Lausanne, Payot, 1960.
  • Le voyage en Savoie, Neuchâtel/Paris, La Baconnière/Seuil, 1958.
  • Pour un vitrail, Paris, Seghers, 1955.
  • Selon la nuit, Lausanne, Les Amis du livre, 1952.

Page établie avec la complicité de Françoise Delorme


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