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Véronique Wautier

dimanche 1er mai 2022, par Cécile Guivarch

Née à Bruxelles en 1954, elle est morte en 2019. Véronique Wautier laisse une forte œuvre poétique qui se compose d’une dizaine de recueils poétiques et d’un récit de prose poétique. Après une licence en philosophie, elle a enseigné le français. Elle est ensuite devenue psychothérapeute. Elle a animé des ateliers d’écriture. Véronique Wautier a reçu le prix Gauchez-Philippot 2003 pour Douce la densité du bleu (Arbre à Paroles). Elle était par ailleurs membre du comité de rédaction du Journal des poètes et membre du jury du prix Marcel Thiry.

Extrait de Chacun de nous est une foule, Le Coudrier, 2004

Qu’ai-je perdu ? Un monde tendre visité par des peurs et brisé par des silences. Toutes les enfances se posent un jour sur l’herbe, derrière soi. Elles ont un goût d’ombre et un goût de ciel. Les bonheurs et malheurs passés résonnent et renvoient à ceux qui viendront. Et l’on avance à grands traits, à corps perdu parfois ; on ne peut pas diviser les parts d’argile dont nous sommes faits.

Extrait de Tout est jardin, L’Arbre à paroles, 2004

En poésie
Les choses parlent
Sur lesquelles
On a passé la langue.

Extrait Une petite fable rouge, L’Arbre à paroles, 2006

Un bleu tendre un bleu d’enfant
Glissé au début du ciel
Juste après les maisons

Plus haut en colère
Un fracas de bleus rudes
Dans une rumeur perpétuelle

Puis se faisant se défaisant
La neige l’encre leur alliance
Des bancs de sable et le soleil

Le soir sera un peu rose, feutré
Un feu clair déposera la fin du ciel
Doucement la fatigue aura beaucoup marché.

Extrait de Là où sont les oiseaux, Le Coudrier, 2013

Jours de pluie
Derrière mes barreaux je regarde
La fin des fleurs

Et voici le poème
La belle écume des choses
Qui tuent
Qui luttent contre la mort
Qui aiment au galop

Un lieu sûr c’est
Comme prier
Les mains coupées

La tempête a laissé au jardin
ce que j’assemble ici :
Un grand vide que le cœur emplit
Mais j’entends la nuit savez-vous
J’entends la nuit qui bouge
Dans le noir

Extrait de Le jour aux ignorants, Éranthis, 2010

Les arbres se taisent
Ce n’est pas qu’ils ne savent passionnée
C’est qu’ils gardent pour eux
Ce qu’ils savent
Même quand on les ouvre
Qu’on les fend d’un œil vif
On peut seulement s’approcher
De la réponse

 
*****
 

Le cœur est un dormeur tranquille
Pas une nuit sans qu’il rêve
Le passage de l’autre côté

Continuo, L’Herbe qui tremble, 2017

certains croient moi pas
je marche sur cette jambe fantôme
un bon appui en poésie
nos poignées de main sont réelles
 

*****
 

j’ai vu ce matin l’aubépine en fleur
elle soulève chez moi un buisson de joie blanche
c’est peut-être cela ne pas chercher et trouver

Cabaner chavirer, Éranthis, 2017

une barque légère comme un papier plié
est partie doucement
choisie par le courant

on ne sait pas ce qui nous retient
la lumière, sans doute
son absence / son attente / son frémissement
la toute-confiance insensée
qu’elle pose sur les cabanes
et leur effondrement

Extrait de Dans nos mains silencieuses, Eranthis, 2018

après tout peut-être
qu’un enfant ’échappe
de la chute des pierres

quelle est ta maison ?
Elle est séisme
mais elle respire encore
elle a deux jambes
pour marcher

dans un jardin plus vieux que la souffrance
on parle à peine
à joie

Extrait de Traverso / L’Herbe qui tremble, 2019

les mots se plaisent dans la langue
on parle aussi quand on entend

qu’est-ce qu’un poème ?
un vivant qui franchit la fatigue

qui parfois crie pomme
à la pomme
qui en rit

et fleur
à ce qui est obstinément assis
dans le mot fleur
 

*****
 

les mots se blessent dans la langue
et dans son insensé silence
mâchoire hache

Il n’y a qu’un recours
c’est la forêt profonde
où tout croît

ces racines, ces branches difficiles
ces méconnaissances dans les fourrés
ces galops de petits animaux

demain j’écrirai un poème
qui capte le signal

en attendant j’écoute
un silence réfugié
 

*****
 

on peut être brûlé par les mots
l’impossible justesse
ou leur possible indifférence

et le silence craché dans la bouche

les mots qu’on aime
depuis le début
les prononcer
vers la parole

dire regarde
une petite lumière

la poésie est une poche trouée
 

*****
 

il pleut
la mer se retire du paysage
dans une barque retournée

la poésie vaut-elle la peine ?
comme si la mer se retirait

comme c’est pompeux comme c’est loin
d’un chagrin singulier

on rentre les épaules
on rentre les mots
il pleut

Bibliographie

  • Dans la foulée si courte des étoiles, Librairie-Galerie Racine, 1998
  • Douce la densité du bleu, L’Arbre à paroles, 2002
  • Chacun de nous est une foule, Le Coudrier, 2004
  • Tout est jardin, Arbre à paroles, 2004
  • Une petite fable rouge, L’Arbre à paroles, 2006
  • Le jour aux ignorants, Éranthis, 2010
  • Là où sont les oiseaux, Le Coudrier, 2013
  • Cabaner, chavirer, Éranthis, 2017
  • Continuo, L’Herbe qui tremble, 2017
  • Dans nos mains silencieuses, Éranthis, 2018
  • Traverso, éditions L’herbe qui tremble, 2019
  • Allegretto quieto, L’arbre à paroles, 2020

Page proposée et préparée par Françoise Delorme


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