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Anne-Marie Kegels

mercredi 12 juin 2013, par Cécile Guivarch

AU PROFOND

Au profond du sommeil
j’ai rencontré la folle.

Elle m’a murmuré :
j’ai farine de vent
et ma cruche fendue
contient liqueur d’orties.

J’ai creusé mes deux mains
pour recevoir l’offrande.
J’ai bu dévotement le liquide enragé.

Depuis je tourne en rond
sans souci du vertige,
debout autour de moi
m’étayent les orties.



LA DÉCHIRURE

La sourde usure
au cœur du chanvre,
la déchirure,
l’amarre rompue.

Pour que la barque glisse
zébrée d’ombres, d’oiseaux,
blanchie par le soleil.

Pour que plus une main
ne la touche,
pour qu’elle s’en aille,
royalement seule,
vers un fleuve escorté de roseaux inconnus.

Et surtout - oh surtout - pour qu’elle soit enfin
la dansante invitée d’un estuaire,
cambrée sans un recul, toute donnée déjà
au péril de la mer.



VERS QUI

Vers qui suis-je partie ?
Je n’entends plus l’appel
d’un nom ou d’un visage.

Il me suffit ici
d’une saison sans roses,
d’un beau temps de péril,

d’une pénurie grande,
d’un désir si brûlant
que l’espace y prend feu.



SON NOM

Elle se glisse parfois
au creux de la tempête.

Elle descend à pas légers
au noir de notre chagrin.

Elle redresse les giroflées
après le galop du grésil.

Son nom se déplie sur nos lèvres,
feu bref, pureté déchirante,
jeune à jamais : embellie




Née en 1912 dans le Midi, près d’Agen (Gascogne), dans une famille de vignerons, Anne-Marie Kégels découvrit la poésie grâce à sa grand-mère, que la chose littéraire passionnait, et grâce aussi à son grand-père, qui animait certaines soirées en tant que troubadour en langue d’oc. Tôt mariée (1931), elle suivit son mari à Bruxelles puis le couple s’installa à Arlon en 1942. Campagnarde d’origine, elle eut ainsi l’heureuse occasion de renouer avec la nature. Mère de famille en 1938, elle n’oublie pas le Midi, où les vacances la conduisent chaque année.
C’est à Arlon que s’épanouit sa vocation poétique : d’abord lauréate d’un concours de contes, elle est bientôt (à partir de 45) entraînée dans le groupe animé par Camille BIVER et Pierre NOTHOMB. Depuis 1950, elle a publié neuf recueils. Elle est décédée en 1994.

Bibliographie

  • Douze poèmes pour une année, Bruxelles, Cahiers de l’Hypogriffe,
    1950.
  • Rien que vivre, Dison-Verviers, À l’Enseigne du Plomb-qui-Fond,
    1951.
  • Chants de la sourde joie, Lyon, Les écrivains Réunis (Henneuse),
    1955. Réédition 1956.
  • Haute vigne, Bruxelles, Editions du Verseau, 1967.
  • Les doigts verts, Bruxelles, A. De Rache, 1967.
  • Chants de la présence, Condom (France), Pierre Gabriel, 1968. Hors
    commerce.
  • Lumière adverse, Bruxelles, André De Rache, 1970.
  • Les chemins sont en feu, Mortemart, René Rougerie, 1973.
  • Porter l’orage, Bruxelles, André De Rache, 1978.
  • Poèmes choisis, portrait par André Schmitz, préface de Guy Goffette,
    Bruxelles, Académie Royale de Langue et de Littérature françaises,
    1990 ; coll. Poésie théâtre

Un dossier par Michel BAAR & Roland COLLEAUX
Wikipedia

(Choix des textes : Lambert Schlechter)


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