Georges Bonnet est né en 1919 à Pons. Il vit à Poitiers. Après avoir été professeur d’éducation sportive, il se consacre depuis sa retraite à l’écriture de romans, nouvelles et recueils de poésie. A 97 ans, il publie Juste avant la nuit.
Extrait de Juste avant la nuit
Il est serein
à l’abri
du quotidienIl a
dans sa tête
un jardin
où poussent des fleursIl dit
Ma mort
comme il dit
Maman
Extrait de Tout bien pesé
Grelots de graminées,
cache-cache de vieux os,
comme l’écho sont jeux d’enfants.
Savons-nous encore
que la tendresse
est une vieille pierre,
et que nous gardons
depuis l’enfance la mer
dans l’œilleton d’un porte-plume ?
Pourtant l’oreille se déplie,
les fruits sont vifs,
les méridiens heureux.
Deux merles immobiles
se souviennent d’un jardin.
Extrait de Entre deux mots la nuit
Au jardin, un crépuscule sans impatience, immense comme une enfance, des arbres fruitiers sans voix d’oiseaux.
Elle s’endort, a l’esprit ailleurs, et je parle pour rien, comme on jette des cailloux dans l’eau.
Elle a lu plusieurs fois la même ligne d’une revue, sans s’en apercevoir.
La tendresse toujours, inépuisable issue.
Je lui dis mon amour, et les mots n’ont pas d’âge.Les roses du jardin à peine écloses.
Leur désir d’appartenance.La grande allée, puis une autre, la peur soudaine de se perdre.
Extrait de un ciel à hauteur d’homme
J’attends comme à la fenêtre on attend un visage
comme l’homme appuyé sur sa fourche
attend la mort d’un brûlotLa rampe de l’escalier la douceur d’une main
le silence un chant d’oiseauComme l’arbre attend son ombre
une porte condamnée un dernier bruit de clef
Extrait de Patience des jours
Il reste sur les jardins
une odeur de terre mise à nu
une pluie orpheline
en barbarie de ronces et liseronsDes cerisiers en fleurs
on attend une possible parole
La nuit est agileDes visages anciens
poussent jusqu’à nous
Extrait de ce qui toujours s’approche
D’un très vieux bonheur
il ne reste que la souche
dans un matin d’octobre
en mémoire braconnière
Une femme y sourit
en tablier bleu
et le soleil donne
à des ustensiles de cuivre
des gestes inutiles
Une hache devant la porte
parle du prochain hiver
ses reflets assourdis
ne sont que commentaires
Extrait de Un seul moment
Il suffit parfois de se pencher
sur une fleur fanée
qui ne sait plus son nomDe surprendre dans son sommeil
un sentier
tiède de soleilUn merle blessé dans une ruelle
sans lumière et sans voixUne gargouille au bord du saut
une mousse aimée des insectesOu le sang d’une guerre
encroûté sur le couchantPour que soudain
respire un poème
Extrait de Lointains
Les contours des choses ont soif
et la dune monte
en oriflamme de parfumsUne mouette pressent
le tracé de son volLa mer retirée de la mer
ne serait plus qu’un ciel
Extrait de Le veilleur de javelles
On retrouve les choses
Arrêtées au même endroit,
La rue attend devant la porte.Le soir, les ombres
Sont pleines à craquer,
La solitude a l’oeil du paysage.Aimons la mer jusqu’au sel,
Laissons nos yeux
S’écarter du jour.
Nos mains sont nos enfants.
Extrait de La claudication des jours
Ils avaient main mise sur leurs doigts
sortaient sans bruit de chaque année
couronnaient leurs vieux outilsPassé le cap des poignées de mains
ils s’absentaient dans leur têtePetits ils regardaient par en-dessous
comptaient les moutons sous leur litCherchaient en vain ce qui leur manquait
pour s’endormir
la marque de leur corps sur les draps
aux quatre coinsCeux qui ne pesaient plus pour personne
trouvaient place près du silence
Extrait de De quoi en faire un monde
Lorsque le soir
j’ai l’âge de ma mémoire
l’oreille grignote
la noix qui roule
ou la marche des vieux tilleuls.
Je reconnais les odeurs
à leurs yeux,
les épaules à leur sommeil.
Le fragile vient toucher la main,
les enfants crient
au fond des cours.
Il reste un morceau de craie
dans la poitrine du tableau noir.
Extrait de Les belles rondeurs de l’évidence
Ma mère dans la terre
fait une petite musique
Elle sourit
dans un brasier de roses
ou un lait de lilas
Elle étend de faibles linges de paroles
derrière les murs
où s’écrasent les cris
Lorsque nous nous quittons
la pluie git sur l’asphalte
les bras en croix.
Extrait de Dans une autre saison
Se vouloir simplement
branche parmi les branches
invitées à la fenêtreLa source fragile
bleuissant doucement
parfois la vitre heureuse
Extrait de Aux mamelles du silence
J’épie l’averse à vif
la place poussiéreuse, surveille
les mille naissances de mes mainsJe suis léger d’oiseaux et de flammes
je ressemble à mon âge et ma langue
parle sa langueDe longues gelées blanches
séparent mes années
Extrait de Derrière un rideau d’ombres
Tour à tour les saisons
libèrent le jardinComme l’arbre se délivre de son ombre
Comme la pleine lune s’offre
aux grillons de l’étéComme une larme
s’abandonne à une joue
- La tête en ses jardins, Promesse, 1965
- Le veilleur de javelles, ORACL, 1983
- Aux mamelles du silence, Hautécriture, 1986
- Une mort légère, La Bartavelle, 1988
- Les belles rondeurs de l’évidence, Hautécriture, 1989
- Ce qui toujours s’approche, La Bartavelle, 1991
- De quoi en faire un monde, Le Vert Sacré, 1992
- Dans une autre saison, Folle Avoine, 1993
- Patience des jours, La Bartavelle, 1994
- Tout bien pesé, Le Dé bleu, 1996
- Entre temps, Commune mesure, 1997
- Remontée vers le jour, Rafael de Surtis, 1999
- Un si bel été (roman), Flammarion, 2000, Prix du Livre en Poitou-Charentes.
- Coquerets et coquerelles, Le Dé Bleu, septembre 2003
- Un seul moment, L’Arrière Pays, 2004
- Un bref moment de bonheur (roman), Flammarion, 2004
- Lointains, Océanes, 2005,
- Un ciel à hauteur d’homme, L’Escampette 2006
- Les yeux des chiens ont toujours soif (roman), Le Temps qu’il fait, 2006 (réédité en 2014 chez le même dans la collection « Corps neuf »)
- Un jour nous partirons (nouvelles), Le temps qu’il fait, 2008
- Chaque regard est un adieu (nouvelles), Le temps qu’il fait, 2010
- Entre deux mots la nuit (récit), L’Escampette, 2012
- La claudication des jours (poèmes), L’Escampette, 2013
- Derrière un rideau d’ombres (poèmes), Océanes, 2014
- Juste avant la nuit (poèmes), Le Temps qu’il fait, 2016