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Lionel Ray

dimanche 8 avril 2018, par Cécile Guivarch

Robert Lorho est né en 1935. Il est agrégé de langue et littérature françaises et professeur de khâgne au lycée Chaptal. Après avoir publié quelques recueils sous le nom de Robert Lorho, il prend en 1970 le pseudonyme de Lionel Ray. Louis Aragon présente ses nouveaux poèmes dans Les Lettres françaises (1970, 1971, 1972), il publie l’essentiel de son œuvre aux éditions Gallimard. Lauréat de prix tels que le prix Goncourt de la poésie (1995), le Grand prix de poésie de la SGDL (Société des gens de lettres), le grand prix de Poésie de la Ville de Lyon, prix Roger-Kowalski, prix de poésie Pierrette-Micheloud (2010) etc. Vice-président de l’Académie Mallarmé, il est également membre des comités de la revue Europe, du journal mensuel Aujourd’hui poème et de plusieurs jurys de prix de poésie (Mallarmé, Max Jacob, Alain Bosquet).

En préambule.

Dans l’écriture
                         dans le creux des mots
il y a ce que nous sommes
en marche vers d’autres chemins
et la halte
                                   inaccessible.

                                                  Lionel Ray
                                                  in Un besoin d’azur

Extrait de Souvenirs de la maison du temps — Editions Gallimard - 2017

Exploration

De pas s’éloignent comme
Des lumières dans ma nuit.

Voici que s’ouvre
La porte des mots
Ce sont des façons de voyage
Au plus profond de soi

Pour remonter le temps
Jusqu’au château des contes
Où personnes
Ne viendra plus.

Sauf vous qui m’êtes proche
Au vaste champ des chimères
Ce minuit nu
Comme la voix.

               Poème extrait de La cour aux tilleuls

Extrait de Métamorphose du biographe - Editions Gallimard — 1971

                    épitaphe

On a balayé les salissures du grand vent
Tout autour de la ville Il fixait son miroir
Où sa tête reposerait « je ne suis pas venu
Dans un salon de quelques jours » il prit des ailes
Il envahissait le silence verrouillait l’écl-
Atement par les persiennes blanches sur la colline
Apparue un bruit somptueux de dix étages
Convenait de bâtir insolemment regardait
Lionel RAY bourré de mots à flanc d’oubli
Une grande maison sans porte comme un ventre clos couché
Par la main qui le ferma regardait son ombre
Jeter aux chiens son chapeau de vingt-neuf ans (quels ?)
Copie des symboles dans l’élan des lucarnes une
Bougie sombre écartant les horloges LIONEL
Ouvrit son crâne aux cormorans : effacé moi
Adieu l’autre ! adieu

               Poème extrait de l’ensemble Les actes

Extrait de Comme un château défait — Editions Gallimard - 1993

Comme on glisse hors de soi
aux confins de la veille et du songe,
on regarde une autre demeure, un corps chantant.

Qui est cet homme proche de toi
si peu semblable et pourtant ressemblant,

Dans le tumulte des soifs et des mondes,
broyant le grain des paroles,
cherchant la source brève, la présence sans nom ?

Extrait de Syllabes de sables - Editions Gallimard - 1996

Est-ce ainsi qu’on a vécu,
côté nocturne côté solaire,
les deux font un seul visage,
est-ce bien cela que j’ai voulu ?

Voici donc nos deux profils,
côté gauche et côté droit,
de l’un à l’autre passe inchangée,
toujours la même voix.

Quand tu chantes c’est l’âme qu’on entend,
même si tu l’inventes, c’est toujours toi,
même sang, même opéra.

Que le cristal se brise ou que tu fuies
vers le dehors, ce monde étrange,
ce jeu perdu, c’est toujours toi.

               Poème extrait de l’ensemble Est-ce ainsi qu’on à vécu... (chansons).

Extrait de Pages d’ombre suivi de Un besoin d’azur et de Haïku et autres poèmes Editions Gallimard - 2000

Avec les mots tu as construit
une maison mentale               la maison du temps
masse de nuit qui pense à voix haute
et que traversent des regards jadis aimés.
Avec les mots tu as bâti des ponts
entre l’ici et l’ailleurs               tu entendais
quelquefois la houle sonore des forêts comme
une réponse et un salut au bord du froid.
Et tu devins pêcheur d’ombres               étonné
de tout miroir               de tant de vertige et de feu
immergé.
Avec les mots
                                        ouverts comme des blessures
tu as parlé un langage de sang
et tu as pris le chemin de septembre
vers les fruits          la mer          le silence.

Extrait de Entre nuit et soleil - Edition Gallimard - 2010

Tu n’es rien d’autre que
ce que tu cherches.
Souviens-toi de l’imprévisible.

La couleur de vivre,
celle de novembre,
l’oubli.

Chemine en toi lentement
la langue du temps perdu.
Mots en écho, cris et balbutiements,
toutes les joies dispersées
dans l’ombre
comme feuilles jaunies.

Il y a cette brûlure
au creux des mains,
l’inscription d’un vertige
qui n’a pas de nom.

Extrait de De ciel et d’ombres - Editions Al Manar - 2014

Au miroir des mots

1

Tu es mon autre saison
le goût secret du matin
quand l’eau de lune passe
fragile entre tes mains.

Ce qui reste de nuit te ressemble
nul ne connaît comme toi l’éclat du sable
sinon le feu qui te construit et chante
et ne lui sied que cette cendre.

Mais qui connaît le souffrir du miroir
il ne retient pas même nos traces
sans feu ni lieu ni mémoire
Ce n’est rien qu’une image qui passe.

                    Premier des quatre poèmes de Au miroir des mots.

Extrait de Lettres Imaginaires. Vers et Proses, Editions Henry / Les écrits du Nord - 2010

Les mots
font un bruit de charrettes
à la tombée du soir
et les draps sont lourds
de silence

toi naufragé de la vie
cherchant quel rivage
ne trouvant plus
que ce miroir éprouvant
cette clameur sourde
entre les mots et la mer

il n’y a plus personne
sur les photographies
quelle enfance

un geste quelquefois
une trace
un chien qui lèche la neige
et s’éloigne.

               Poème extrait de l’ensemble Un parler de miroir ( vers nouveaux 2009 )


Bibliographie

  • Si l’ombre cède, collection jeune poésie nrf, Gallimard, 1959
  • Légendaire, Seghers, 1965, préface de Robert Mallet. - Prix Guillaume-Apollinaire
  • Les Métamorphoses du biographe ; suivi de la parole possible, Gallimard, 1971
  • Charles le Quintrec, poètes d’aujourd’hui, Seghers, 1971
  • Lettre ouverte à Aragon sur le bon usage de la réalité, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1971
  • L’Interdit est mon opéra, Gallimard, 1973
  • Arthur Rimbaud, Seghers (Poètes d’aujourd’hui), 1976, Nouvelle édition 2001.
  • Partout ici même, Gallimard, 1978
  • Aveuglant aveuglé, Saint-Laurent-du-Pont : Le Verbe et l’empreinte, 1981
  • Le Corps obscur, Gallimard, 1981 - Prix Mallarmé
  • Nuages, Nuit : poèmes, Gallimard, 1983
  • Empreintes, Saint-Laurent-du-Pont : Le Verbe et l’empreinte, 1984
  • L’Inaltérable, Saint-Laurent-du-Pont : Le Verbe et l’empreinte, 1984
  • Voyelles et Consonne, Saint-Laurent-du-Pont : Le Verbe et l’empreinte, 1984
  • Approches du lieu ; suivi de Lionel Ray et l’état chantant par Maurice Regnaut, Moulins : Ipomée, 1986
  • Le Nom perdu : poèmes, Gallimard, 1987
  • Une sorte de ciel : poèmes, Gallimard, 1990 (prix Antonin-Artaud)
  • Comme un château défait : poèmes, Gallimard, 1993 - Prix Supervielle 1994, prix Goncourt de poésie 1995
  • Syllabes de sable : poèmes, Gallimard, 1996
  • Pages d’ombre : poèmes. Gallimard, 2000. (grand prix de poésie de la société des gens de lettres, 2001, prix Kowalski de la ville de Lyon, prix Guillevic de la ville de Saint-Malo)
  • Aragon, Seghers, coll|Poètes d’aujourd’hui, 2002
  • Matière de nuit : poèmes. Gallimard, 2004
  • 12 poetas bengalis : recueil de poésie bengalie en version française et espagnole, en collaboration avec Sumana Sinha’’, Ed. Lancelot, 2006. Murcia.
  • Non à la guerre : Editions Turquoise, anthologie / poésies du monde, 2006
  • ’Tout est chemins : Anthologie de la poésie bengalie en version française en collaboration avec Sumana Sinha’’, éd. Le Temps des cerises, Paris. 2007.
  • L’Invention des bibliothèques (les poèmes de Laurent Barthélemy) : Gallimard, 2007
  • Le Procès de la vieille dame. Eloge de la poésie. Recueil d’essais. Éditions de la Différence. 2008
  • Entre nuit et soleil, Gallimard, 2010 - Prix de poésie Pierrette-Micheloud 2010
  • Lettres imaginaires, vers et proses, Les écrits du Nord - Editions Henry, 2010
  • Voix de femmes : Editions Turquoise, anthologie / poèmes du monde entier, 2012
  • De ciel et d’ombre, dessins de Julius Balthazar, Al Manar, 2014
  • Souvenirs de la maison du temps, Gallimard, 2017

Choix de poèmes par Hervé Martin


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