Naissance le 10 juin 1946 à Paris. Écrivain, poète, dramaturge et traducteur. Il fut enseignant (lettres, philosophie) lecteur et traducteur dans l’édition, directeur d’un Centre Culturel et théâtre, écrivain dramaturge associé à des compagnies de théâtre.
Il a multiplié les collaborations artistiques : théâtre, danse, marionnettes, arts plastiques, musique, cinéma, video.
Encore en vie, persiste et signe
Extrait de Le taille crayon, dessins de Pascaline Boura, éditions Lanskine 2018
nous vivons nous rêvons
nous dormons nous jouons
nous mangeons nous travaillons
entourés d’objets
crayons couteaux fourchettes
billes poupons ballons
oreillers gros édredons
châteaux de cartes et skates
nous fabriquons
des objets des objets des objets
dont nous faisons collections
mais aucun ne vaut
n’est aussi beau que mon
que mon taille-crayon
Extrait de Ecailles de tortue, gravure et peinture de Robert Lobet, éditions de la Margeride, 2018
chaque signe est une main
vers la nuit
vers la terre
chaque signe est une ville
écriture néc-
roman-
cienne
cités d’antiques tombeaux
nécropoles avant
métropoles
stèles et
écritures stellaires
alphabets
d’écritures célestes
l’apprenti
déchiffre la nuit
invente le ciel
invente la terre
l’apprenti noue les sillons
écrit
dans le passage
de la charrue
dans la laisse de la navette
va et vient
métier à tisser la terre
métier à tisser le ciel
écrire est sonner
écrire est semer
écrire est moissonner
chant
oui chant
creuser la faim
dans les syllabes du temps
la faim des consonnes
la soif des voyelles
Extrait de Sur l’aube d’un ciel taché d’encre, peintures de Caroline François-Rubino, éditions propos2éditions, 2017
septembre
le corps balbutie
hors du lit
qu’ai-je oublié
en quittant le sommeil
l’ombre s’envole
dans les chants d’oiseaux
le soleil miaule
sur les tuiles du toit
sont-ce les genoux qui
craquent ou le plancher
voix déjà dans la rue
entrent en guerre
mal élevés les nuages
se sont lâchés
ce gris du ciel encore
a l’odeur de la terre
un matin bleu
lèche les toits
la nuit paresse silencieuse
une faible lueur caresse les tuiles
fallait-il se lever
le jour l’a déjà fait
la nuit est tombée de l’autre côté
dans nos mains la crinière du temps
au-dessus des toits de tuile et de zinc
les hirondelles funambulent
le jour a traversé la chambre
aux volets ouverts
dès le premier pas on oublie
quel pied a ouvert la marche
Extrait de Nuova prova d’orchestra, éditions Les carnets du dessert de lune, 2017
Sept notes de musique ne font pas un arc-en-ciel. Quel est le nom du premier joueur de tuba à avoir obtenu les palmes académiques ? La musique répétitive n’a pas besoin de répétitions. Cymbales, criez pour nous ! Nul n’est autorisé à jouer du triangle en bermuda. Les instruments à vent auraient été inventés pour chanter l’avenir, excepté le trombone à coulisse qui est aussi un instrument arrière. Erratum : lire changer au lieu de chanter Variante : J’ai d’abord créé le trombone à coulisse. Bien plus tard, Adam & Eve, l’un dans l’autre. (Pseudo Dieu-l’Ancien) Parfois la mandoline est amère. Ô carina ocarina ! Les sopranes ne sont pas toujours juchées sur des talents aiguilles. La notation musicale (sans palmes) n’est pas une discipline olympique. Aucun chef d’orchestre homme ne saurait diriger une symphonie en fée majeure. Ces temps derniers on joue, partout, trop de canons et ce n’est vraiment pas drone. Les seules batteries qu’on entend, sont meurtrières. Le mustang n’est pas un musicien qui va à la plage.
Extrait de un livre des morts (atelier deVillemorge) linogravures de Jacky Essirard, 2016
tu fermes les yeux
le temps creuse
vrille trou noir
dans les pupilles
dans le sommeil sans rêve
tu ne sais plus rien de tes yeux
ni d’aucun regard
tu dors sans eux
tu fais le mort
***
tu composes te décomposes
dans tes orbites vides
où logeront les lombrics
ton crâne est vaniteux
ton crâne est vanité
boîte d’écervelé
***
tu sais
tu ne sais pas tu ne sais plus
si la bascule vers le rien
est à venir ou bien
outrepassée
***
ce qui fut matière de toi
sera matière
sans enveloppe ni possession
matrice où viendront
pondre les mouches
Extraits de quelques poèmes plus tard, pré#carré, coffret 5 livres 2009 à 2014
1.
tu prends
quelques mots
tu dis
ce pourrait être
un poème tu dis
ce n’est pas
une salade
3.
tu ne prends rien
tu donnes
le temps à qui vient
vient vers toi
tu dis
voici le temps et vous voici
vous ou bien
la nuit
4.
tu donnes
mot à mot
toute la place à l’insurgée
tu dis de celle qui vient
voici la rebelle
ses yeux
sont une fête
Extrait de exil/exit bérénice, Editions Lanskine, 2015
ב
je fus
putain de guerre
dés-
armante dé-
boutée
ni une
ni moi ni toi
je fus ne fus
je il elle
me voici exellée
sortie de moi-même
ג
j’ai changé
je ne suis plus
je ne suis plus la / le
même
je ne
suis
je fuis
je fus
fuge
todesfuge
je suis transfuge
je vais changer
je fugue
la / le même
ni le lieu d’où je viens
je reviens d’où je viens
les sonnailles à mes chevilles
ont cessé de chanter
ד
changer de lit changer de corps
je fus changée
mutée déformée
transformée je retourne à la terre
tu retournes la terre je suis ensevelie
les amours mortes n’en finissent pas
10 ה
je ne suis pas qui vous croyez je ne suis plus qui vous croyez je ne suis
je ne suis pas devenu-e
est-il possible de venir nu-e
rien que les os sur les os ô mon amour ma sépulture
11 ו
je fus Bérénice je suis Véronique
ne me laissez pas lever la sueur de votre visage
je vous volerais votre image
Extrait de La mémoire écorchée, Faï fïoc, 2015
Pas d’histoire. Des cicatrices. Des blessures que fait l’Histoire quand elle entaille avec violence un corps. Des plaies où nichent des cris.
Un peuple sans histoire. Un peuple acculé à cette étrange figure de la mémoire qui se joue dans le retour des mêmes signes, dans leurs dissolutions, dans leurs dispersions.
Rien. Des textes là où les peuples sédentaires figent jusqu’à la poussière de leurs tombeaux.
Un peuple berné par le vent. Un peuple bercé par le vent, un peuple soufflé.
Là où la voix se loge dans les langues minées, là je suis dévoyé.
Peu à peu la gorge se gonfle, suinte. De la fente cisaillée des cordes vocales les vibrations viennent percuter le devant de la bouche, forcer le passage.
Les mots me surprennent avec le cérémonial de l’exil, ce sont mots de fuite dont l’en-tête est brisé.
Moire, la peau des ancêtres remonte vers les corps d’aujourd’hui dans le mime mondain de nos étoffes en poils de chèvre.
Moire des versions changeantes de la nuit, chatoiement de nos douleurs, ondée de nos flux.
Mémoire faces tremblantes du corps.
La mémoire se tue, traversée par des lambeaux d’histoires ; par un passé qui coupe dans la chair ; que les mots ne parviennent pas à masquer, des lambeaux de soumissions et de révoltes.
La mémoire s’est tue.
Quand la mémoire se tait, l’Histoire pénètre en force avec ses cortèges de faussaires et d’ossements, ses garde-robes brûlées dans les imageries et les musées, ses équations où le pouvoir égale toujours le zéro.
Quand l’Histoire est murée par la mémoire, le corps fait obstacle à l’oubli.
Histoire et mémoire ont cessé de se mordre. L’histoire fait violence au-delà de la mémoire d’en-deçà de la mémoire. Le peuple s’est assis, un peuple essoufflé.
Rien à déclarer. Rien à déclamer. Rien à réciter. Rien à dénoncer. Tout à décaper.
Des plaies où niche le bruit des voyelles quand elles basculent la torpeur des noms sur lesquels rêvent les sabliers. Des plaies d’où se retire la durée.
Le temps broyé se mire dans la trace des plaies. L’épaule choit avec les signes dont la tête fait balance. Je me love contre une oreille en laquelle sont encore visibles les tumultes.
Brassées des lieux et des songes. Brasier du cercle des douleurs, un cou tranché bée dans le nom d’un lieu.
Brassées, brassées des roses blanches et froides coupées à la hache dans ce jardin du corps que me fait la mémoire – les doigts seront déchirés d’en vouloir faire récit – Lyre putride des sentiments !
S’agit-il de cela ?
L’inconvenance majeure des langues, l’aboiement greffé sur la salive, le nom d’Inge tordu par les crocs, giflé par les cris.
Quelque part une lampe vacille, l’horreur soulève les cendres. Comment parler quand la bouche est criblée par les tessons de l’Histoire.
L’obscénité qu’il y a à taire, l’obscénité qu’il y a à se taire, l’obscénité qu’il y a à laisser place à l’obscénité.
Je m’éveille dans l’énigme des noms. Je m’éveille en m’arrachant aux griffes des noms, émis par la gigue des vocables extraits de la gangue.
Cela vous arrachait des cris et des larmes, arrachement, extraction. Extradition des mots fendus.
Je suis d’un peuple extradé, un peuple sans tradition. Je n’avance plus avec les mots, je me tourmente en eux, je les tourmente en moi. Le livre est fait pour la nuit ; le livre est fait avec la nuit. Au chevet du lit le livre recèle la buée d’une expiration. La nuit m’arrache aux draps. Extradition. Je suis d’un peuple sans racines et, pour ce peuple, brebis galeuse refusant même la quête des racines.
Extrait de Dans la suite des jours, éditions de L’Amourier, 2014
Le repos (extraits)
01
pose tout
le corps
et les outils
du corps
pose la faim
au bord de l’assiette
l’eau dans la cruche
la soif entre les lèvres
pose les yeux
sur la nuit
pose la peau
hors de ses plis
laisse les draps
sur le fil
pose
pose la poussière
au milieu des mots
pose tes mains
sur les côtés du livre
pose
sur la chaise le temps
élime
les vêtements du jour
02
pose tout
l’incendie
la soif
le sexe
contre la cuisse
pose les os
sous les muscles
le couteau
au pied du lit
pose le livre
pose
pose-le
sur la table
pose la douleur
derrière
les dents
la rancune
sous le miel
dans l’armoire
est pendu le manteau
la fatigue
dort dans les poches
pose le front
contre le ciel
un mot
s’y retire
Extrait de Tournant le dos à, éditions Lanskine 2014
1.
dit renonce
et pourtant recommence
salue le matin salue le soir
dit rien n’eut
lieu ni mémoire rien
ne fut à marquer
d’un caillou roulé par les eaux
des heures semblables à
n’importe quelle heure
à peine eut le temps de
corner une page
Bibliographie
2018
grand chœur (in Rumeurs n° 4)
écailles de tortue (éditions de la Margeride)
le taille-crayon (Lanskine)
2017
nuova prova d’orchestra, (Les carnets du Dessert de Lune)
lenteurs du ciel (les éditions du Douayeul)
proférations de la viande (publie.net, l’inadvertance)
quatuor vers le silence (Les Cahiers du Museur)
une drôle de syllabe (Les Cahiers du Museur)
sur l’aube d’un ciel taché d’encre (propos2)
2016
mouches (propos2)
une suite des jours (éditions des vanneaux)
2015
au-delà des corbeaux (avec Joëlle Thabaraud, éditions la regondie)
quelques poèmes plus tard (pré#carré, coffret 5 livres 2009 à 2014)
exil/exit bérénice (Lanskine)
poser la voix dans les mains (éditions des vanneaux)
exils/silex (collodion)
la mémoire écorchée (éditions faï fioc)
2014
dans la suite des jours (L’Amourier)
tournant le dos à (Lanskine)
exils/silex (collodion)
bissextile avec peintures Anne Slacik (Les cahiers du museur)
2013
hors de peinture André-Pierre Arnal (éditions la regaudie)
s’est dressé peintures Michel Julliard(trames)
rouges (la passe des vents)
19 / 19 (in Propos 2 n°19)
mon chien œuvres de Susanna Lethinen, (éditions cousu main)
2012
octobre rouge avec Martine Lafon (post-rodo, 2012)