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Romain Fustier

jeudi 20 juin 2019, par Cécile Guivarch

Romain Fustier est né en 1977 à Clermont-Ferrand. Il a passé son enfance et son adolescence dans la banlieue pavillonnaire de cette ville. Après l’obtention de son bac, il entreprend des études de lettres, en classe préparatoire puis à la faculté de Clermont-Ferrand, où il rencontre Amandine Marembert, qui deviendra sa compagne. Il fonde avec elle en 1998, au cours de leurs années étudiantes, la revue et les éditions Contre-allées. Il vit aujourd’hui à Montluçon, où ils poursuivent tous deux cette aventure poétique. Il a reçu le Prix des Trouvères en 2007 et une bourse de création du Centre National du Livre en 2012.

Extrait de Une ville allongée sous l’épiderme , Editions Henry & Ecrits des Forges, 2008.

il flotte une odeur de gravier mouillé après
la pluie de sorte qu’elle a l’impression de
revivre en allant à la fenêtre armée d’une
envie de courir à travers champs cette nuit
où elle ignore l’avis de tempête réitéré au
journal du soir carte de france à l’appui elle
s’en moque et déplie le rose du couchant
humant le parfum des feuillages humides
telle l’eau de toilette de son regard odorant

/

elle s’imagine ainsi assise à une terrasse de
café vide avec moi aujourd’hui de grisaille
plutôt que d’aller au travail rapporte-t-elle
comme si cela s’était imposé à elle passant
sur les trottoirs aux brasseries automnales
en belgique supposons renchérit-elle dans
une ville qu’on visiterait ensemble en cette
saison bruxelles sous un ciel aussi plat que
ce midi derrière lequel elle court au ralenti

Extrait de Des fois des regrets comme, Editions des Etats civils, 2011.

elle s’en est allée
dans le soleil fraîche légère
avec son vélo qui va

& qui vient avec elle

robe à fleurs d’été
sur les pédales ses sandales
où moulinent à vent tiède
ses ronds mollets qu’elle

au mitan de septembre a

encore hâlés quand elle ainsi
monte à bicyclette & roule
en cipède par les rues
que dore blondes la lumière
de ses jambes ad hoc

*

depuis la chambre du haut
à guetter les écureuils elle
& presque dans les arbres

ns adresse ces quelques mots

qui débordent d’eux-mêmes
jusqu’à ns qui sentons
la vie d’ailleurs ici
ce qui l’anime jardins

en profondeur & les places

dans cette ville fleuve tram
où elle ns a menés
jadis à travers des rues
que ns foulons un peu
à nouveau entre ses lignes

Extrait de Infini de poche. Editions Henry, 2013.

les groseilles sont de la pluie d’été en grappe      des gouttes
de sang acide      des baies où croissent les maquereaux
les bancs de nuages tombant sur les poissons      sur la mer
qui pointe au bout de la pelouse      qui lèche les maisons
du quartier      fantasme-t-on      avec ces histoires d’érosion
qu’on a lues      ces eaux grignotant la terre   ces falaises
qui s’écroulent      cette digue qui a cédé quelque part
forcément tout près      au vu de cette bruine qui nous arrive
de là-bas      de ce crachin comme un crachat de pépins
cette flotte de fruits      averse dans le fait-tout      un déluge
ou presque      à la première giboulée      au premier grain
de groseille      une ondée d’arbuste      de raisin rouge
avant l’heure      dans le panier gonflant telle une avalanche
grêle de grappes      aux baies contenant une pluie d’été
une station balnéaire sous la brume à l’intérieur des terres

*

les courges te promettent l’abondance      pays de cocagne
au ciel bleu d’hortensias      et tu rêves les yeux ouverts
sur le fond du jardin      suivant du regard leurs tentacules
qui courent dans l’herbe      semblent ne jamais s’arrêter
les bras chargés de fleurs qui seront fruits      de profusion
de fruits s’échappant      cirons et potitrouilles d’automne
et les courgettes dès maintenant      les courgettes à foison
telles des gourdes      imbéciles concombres      fous du roi
des plantes potagères      prenant leurs aises dans la bordure
enjambant les murets      parmi cette région d’opulence
aux frontières indécises      province maraîchère      contrée
dont les fables sont de gingembre et de cumin      les villes
s’éclairent de magnolias      balisent les grandes étendues
de ta songerie      comme un débordement de plate-bande
crac mou d’un escargot qu’on écrase dans ton imagination

Extrait de Bois de peu de poids (été-automne). Lanskine, 2016.

ses seins dégrafés / la hâte d’elle
s’allongeant / allongée contre / & cet instant
dépassant sur un autre instant la veille
en fin d’après-midi / sa poitrine /

ses beaux deux que tu as cueillis /
qu’étaient les groseilles dans la bordure /

leurs petites baies acides / tétons en grappe

tout à l’heure / sous ta langue
lorsque vous / le jardin débordant sur elle /
& elle débordant sur le jardin / défaite /
détachée ainsi qu’une jupe de chair

& de chaleur / une gelée de jambes
se mélangeant aux tiennes / un trancher net

entre tes doigts du temps d’après

Extrait de Bois de peu de poids (hiver-printemps). Lanskine, 2017.

la ville en contrebas depuis le living /
tu la transportes à travers l’espace
avec ses lampadaires qui clignent au loin
ce matin / & tu reçois en échange

du révolu / un téléfax de tes souvenirs
au cœur du monde qui sont passés

par la scandinavie / & tu passes alors /

tu repasses des ponts sur des fleuves /
saisi d’un vertige à cette heure
où les lumières meurent dans les rues
d’ici / la nuit part au pôle

via cette vision de bougies au danemark
allumées dès l’après-midi l’automne /

ton imaginaire sous emprise de l’hiver


Bibliographie

  • Transit. Contre-allées, 2001.
  • Été poste restante. Contre-allées, 2002.
  • Aiguillages immédiats. En collaboration. Contre-allées, 2003.
  • Lotissement en infusion. Contre-allées, 2004.
  • Emporté par le tsunami de la mélancolie ordinaire. Encres vives, 2004.
  • Radio Mix. Collection « Les suppléments du 22 ». IdP éditeur, 2004.
  • Dernière taille. La Porte, 2005.
  • Le volume de nos existences. Collection « Polder ». Décharge & Gros textes, 2006.
  • Côté jardin. Encres vives, 2006.
  • Négatif photo de la muse. Le Chat qui tousse, 2007.
  • Ici-maintenant. Collection « Les suppléments du 22 ». IdP éditeur, 2007.
  • Chambre 233. La Porte, 2007.
  • Une ville allongée sous l’épiderme suivi de Découpant l’asphalte en tranches de toi. Editions Henry & Ecrits des Forges, 2008. (Prix des Trouvères – Grand Prix de Poésie de la Ville du Touquet 2007)
  • Chantier perpétuel. Encres vives, 2008.
  • Chaise avec vue. Encres vives, 2008.
  • Coma. La Porte, 2009.
  • Boîte automatique du crâne. E-book. Publie.net, 2009. (Mise à jour, 2015)
  • Bras de mer. Encres vives, 2010.
  • Les yeux assis sur la plage. Editions de l’Atlantique, 2010.
  • Habillé de son corps. Rafael de Surtis, 2010.
  • Des fois des regrets comme. Editions des Etats civils, 2011.
  • Dans nos intérieurs. In « Anthologie Triages ». Tarabuste, 2011.
  • Du bout des yeux. La Porte, 2011.
  • Elle a. Livre manuscrit. Peintures d’Aaron Clarke. Centrifuges, 2012.
  • Mal de travers. Clarisse, 2012.
  • Province ferroviaire. Encres vives, 2012.
  • De loin vos silhouettes. Encres vives, 2012.
  • Rembobinant l’extérieur. Editions du Cygne, 2012.
  • Kaolin. Le Cadran ligné, 2012.
  • Mon contre toi. Editions de l’Atlantique, 2012.
  • Comme si de rien. La Porte, 2013.
  • Infini de poche. Editions Henry, 2013.
  • Toute une forêt. Livre manuscrit. Gravure de Luce Guilbaud. Chez l’artiste, 2013.
  • Langues de sable. Encres vives, 2014.
  • Un vent à couper le souffle du vent. Encres vives, 2014.
  • Estives. Peintures de Patricia Monbel. Les éditions du frau, 2014.
  • Hirondelles. La Porte, 2015.
  • Bois de peu de poids (été-automne). Lanskine, 2016.
  • Interstice des cyprès. Encres vives, 2016.
  • Bazar de béton. Encres vives, 2016.
  • Chien mordu. Dessins de Marie Deschamps. Les éditions du frau, 2016.
  • Brique pilée. Avec Amandine Marembert. La Porte, 2017.
  • Table des montagnes. Estampes infographiques de Jean Cyrille Etourneaud. Les Cahiers des Passerelles, 2017.
  • Bois de peu de poids (hiver-printemps). Lanskine, 2017.
  • Mont-Blanc Express. Encres vives, 2018.
  • Plan d’eau. Faï fioc, 2018.
  • Dans la chambre tes bras. Musimot, 2019.

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